La diagonale de la peur - Pierre Léoutre - E-Book

La diagonale de la peur E-Book

Pierre Léoutre

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Beschreibung

New York, 1869. Aaron Meyer décide d'investir dans le péché humain. XXIe siècle, aéroport de Roissy, un producteur d'orchidées est découvert, transpercé d'un javelot ; il est détenteur d'une fiole. Un roman policier sur le risque majeur et crédible d'une utilisation terroriste ou malveillante des nouvelles technologies scientifiques, méconnues et mal encadrées du point de vue éthique par certains États et des institutions internationales.

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« Le savoir est le patrimoine de l'humanité »

Louis Pasteur

Sommaire

Paris - Place des Vosges

Prologue

Chapitre I

Chapitre II

Chapitre III

Chapitre IV

Chapitre V

Chapitre VI

Chapitre VIII

Chapitre IX

Chapitre X

Chapitre XI

Chapitre XII

Chapitre XIII

Chapitre XIV

Chapitre XV

Chapitre XVI

Chapitre XVII

Chapitre XVIII

Chapitre XIX

Chapitre XX

Chapitre XXI

Chapitre XXII

Chapitre XXIII

Chapitre XXIV

Chapitre XXV

Chapitre XXIV

Chapitre XXVII

Chapitre XXVIII

Chapitre XXIX

Chapitre XXX

Chapitre XXXI

Chapitre XXXII

Chapitre XXXIII

Chapitre XXXIV

Chapitre XXXV

Chapitre XXXVI

Chapitre XXXVII

Chapitre XXXVIII

Chapitre XXXIX

Chapitre XXXX

Chapitre XXXXI

Chapitre XXXXII

Chapitre XXXXIII

Chapitre XXXXIV

Chapitre XXXXV

Chapitre XXXXVI

Chapitre XXXXVII

Chapitre XXXXVIII

Paris - Place des Vosges.

Le soleil dans son dos accentuait sa silhouette longiligne en la déformant avec exagération : tête carrée, large poitrine, fessier monstrueux. Les rayons suivaient ses pas rythmés et léchaient les arceaux métalliques qui délimitaient la pelouse du jardin. Ce dessin de lui-même sur les pavés l'amusa. Le code de conduite ne le permettait pas. Compétences extrêmes, savoir se fondre et se confondre et allégeance. Finalement il était entré au séminaire.

Il prit par les arcades Nord, celles du pavillon de la Reine, rien de symbolique, il en préférait l'architecture des voûtes et ce magasin d'antiquités avec cet énorme bouddha rouge.

Mark Stevens Jr sonna au numéro 21. Escalier spacieux, appliques de style vieillot, il préférait le contemporain. Comme d'habitude, alors qu'il posait le pied sur la troisième marche précédent le palier, la porte de l'appartement s'ouvrit.

- Bonjour Monsieur. Puis je... ?

Vous débarrasser, Louis, le valet, véritable habit sur cintre, ne finissait plus ses phrases, anticipation de la vieillesse, économie du nombre de mots comme s'il y avait un compteur.

Le jeu d'échecs comprend l'ouverture, le milieu de partie et la finale. À la différence du jeu, il arrive que dans la vie réelle, la finale d'une partie rejoigne l'ouverture d'une autre. Le seul élément nécessaire à l'ambition est le temps, luxe essentiel.

Une seule chose sauve le joueur d'échecs finalement, c'est la promptitude à envisager toutes les solutions et à réagir.

PROLOGUE

New York 1869.

« Panic à Wall Street. Le beau-frère du président Grant impliqué ! »

Le jeune garçon haranguait la foule d'un accent qui sentait encore la province texane et entamait avec les êtres pressés une chorégraphie dont il inventait chaque jour les nouveaux mouvements : invite d'un enlacement du bras, libération d'un geste de la main, pas chassé guilleret qui cherchait à suivre le passant dans sa marche du matin.

Aaron Meyer suivit du regard ce garçon efflanqué, cette petite mouche à la casquette de travers, qui, ce jour, parvenait plus vite que les autres, à vendre ces journaux. Il faut dire que le titre alléchant ne pouvait qu'attirer les badauds : argent, conflit d'intérêts, pouvoir. Il sentait d'ici les moustaches frémir et les épouses puritaines, dignes descendantes du Mayflower, osciller entre retenue et commérage.

Meyer n'avait pas besoin d'acheter un exemplaire du Springfield Daily Republican. Il connaissait l'histoire: la guerre de Sécession finie, le président avait voulu revenir à l'étalon or et garantir les obligations. Depuis plusieurs mois, la question cruciale était de connaître la quantité d'or que le gouvernement vendrait pour racheter des greenbacks (billets). Le beau-frère du Président américain était suspecté d'avoir joué de ses relations familiales pour en savoir plus. Las ! Le triple idiot s'était fait, en réalité, manipulé par deux de ses amis qui avaient racheté une part importante d'or. Il n'avait eu, en plus, aucune velléité d'enrichissement. Le scandale s'éteindrait. Beaucoup de petits spéculateurs resteraient sur la paille. Mais le métier était à risque.

Meyer sortit la montre à gousset de son gilet, jeta un coup d'œil, la rangea. Voyons, il avait gagné un peu d'argent sur cette spéculation dont la réputation du président des États Unis allait pâtir. Rien que de très raisonnable. Juste de quoi ne pas recevoir l'opprobre des bien-pensants.

Il se tourna, alors, vers l'immeuble qu'il venait d'acquérir.

Ni trop près, ni trop loin : lieux d'argent lieux de pouvoir. Pas de signe ostentatoire. Laisser croire aux autres que surtout rien ne se décidait pour l'instant dans ses bureaux.

Il descendit les marches, fit quelques pas sur la gauche et obliqua dans la Liberty Street. Il décida de ne pas prendre de fiacre pour rentrer chez lui. Une femme plus charmante que jolie, solide et bien née, de l'entrain mâtiné de retenue. Pas de maîtresse, absence de temps et de goût pour le superflu. Pas de risque sur ce terrain, un seul mot d'ordre : la transparence. Deux enfants : le garçon était déjà impliqué dans les affaires. Il lui fallait maintenant marier sa fille. En faire un instrument de conquête et d'extension.

L'or n'intéressait guère Meyer, c'était pourtant une valeur qui s'était montrée assez stable au fil de siècles. Mais il préférait miser sur la condition humaine. Organiser le désordre, profiter de la pénurie et du malheur et en tirer profit. Les matières premières pouvaient manquer. La turpitude humaine non.

Il leva son chapeau pour saluer une connaissance. L'exploitation des mines pouvait souffrir de grèves, de pénurie de main-d'œuvre.

Il avait décidé, lui, de s'appuyer sur le péché. À bien y réfléchir, sur quel vice humain ne pouvait-on jouer ? Sur quelle basse envie humaine ne pouvait-on bâtir une fortune ?

Meyer s'arrêta et se mit de profil pour laisser passer une dame dont la tournure de robe, dans une mode importée de Paris, imposait qu'on lui laissât le passage. La bassesse humaine, voilà l'avenir des investissements.

I

Toulouse gardait un charme indéniable sous cette légère pluie d'automne qui n'arrivait pas encore à faire oublier le dernier été. Avec un doigt précis, le capitaine André Ormus lança l'essuie-glace de son véhicule de planque, juste quelques brefs allers-retours pour essuyer les gouttes posées sur le pare-brise de sa voiture ; le policier avait choisi de faire ce geste autant pour passer le temps que pour être certain de voir le mieux possible l'entrée du restaurant où sa cible était en train de déjeuner avec un interlocuteur mystérieux; celui, précisément, que l'Officier de la DST (1), le service français de contre-espionnage et de lutte anti-terroriste, aurait bien voulu identifier rapidement. Sa sémillante et jeune collègue se trouvait à l'intérieur de l'établissement, pour la même raison que lui, savoir avec qui leur objectif, un expert financier d'une banque d'investissement puissante et internationale, partageait son repas.

Le CD de l'autoradio jouait doucement un Solo Live de Michel Petrucciani, là encore pour meubler le temps de cette attente si caractéristique du métier de flic. Alors que les applaudissements éclataient pour saluer le brio du pianiste, le micro qui reliait André Ormus à sa collègue se mit en marche et une voix féminine retentit dans l'habitacle de la voiture :

- Si tu dors, vieux, réveille-toi ! Ils ont fini leur repas et se lèvent de table, je pense qu'ils vont sortir du restaurant rapidement et ni l'un ni l'autre n'ont l'air de bonne humeur.

- D'accord, rejoins-moi sans te faire repérer.

- Tu me prends pour qui ? Je suis meilleure en filoche que toi, rétorqua la jeune Policière.

- OK, ok, pas de souci, je respecte ton ego. Tu as pu prendre quelques photos ?

- Mais oui, arrête de t'inquiéter et prépare-toi à faire démarrer la voiture. On va suivre le petit nouveau ?

- Oui, bien entendu, répondit André Ormus. L'autre, on le connaît déjà par cœur.

- Super. J'arrive !

Comme sur un écran de cinéma, le policier vit sortir de l'établissement les deux hommes et sa collègue ; cette dernière se dirigea l'air de rien vers leur voiture banalisée, garée à une trentaine de mètres, tandis que les deux autres continuaient à discuter devant la porte d'entrée ; aucun ne haussait la voix mais leur échange semblait effectivement très tendu : mâchoires serrées, mains crispées et yeux furieux.

Le Lieutenant Sophie Bouzenac, élément brillant et plein d'avenir de la DST toulousaine, ouvrit la portière passager de leur véhicule de service et se posa sur le siège avant de dire à son collègue :

- Ils n'ont vraiment pas l'air copain, nos deux zigotos. Et malgré le joli micro directionnel que m'a passé la section technique, je n'ai rien pu entendre de leur conversation à table. Trop de bruit de fond dans la salle du restaurant.

- Pas grave, rétorqua André Ormus, on finira bien par savoir. Si ce charognard de la finance est venu manger avec ce type, c'est forcément pour une bonne raison, ou du moins une raison qui nous intéresse. Patience, on les aura.

- En attendant, ils ne semblent toujours pas d'accord entre eux, ajouta la jeune femme. Leur discussion s'éternise mais ils paraissent aussi mécontents.

Sophie Bouzenac ne croyait pas si bien dire : non seulement leur mésentente verbale était visible à distance, mais elle prit brusquement un tour particulier : soudain, leur objectif sortit de l'intérieur de sa veste un pistolet muni d'un silencieux et colla une balle en plein milieu du front de celui qui avait partagé sa table quelques minutes auparavant. Et tandis que le second s'écroulait sur le trottoir tel une chiffe molle, le premier rengaina son arme et s'éloigna tranquillement à grandes enjambées vers le coin de la rue. Hormis les deux policiers de la DST en planque, personne n'avait rien vu ou entendu de ce meurtre rapide.

- Euh... Qu'est-ce qu'on fait, mon capitaine ? finit par dire Sophie, estomaquée par ce crime imprévisible réalisé devant leurs yeux.

- On rentre au service et on rend compte, répondit André Ormus en faisant démarrer leur voiture en trombe.

(1) : DST : La Direction de la Surveillance du territoire était un service de renseignements du ministère de l'Intérieur, au sein de la Direction générale de la Police nationale, chargé historiquement du contre-espionnage en France. Cette dernière compétence n'était plus la seule qui était confiée à la DST ; depuis la disparition du bloc soviétique, s'y ajoutaient la lutte antiterroriste, la lutte contre la prolifération (matériels sensibles ou militaires) et la protection du patrimoine économique et scientifique français. Une affaire célèbre de la DST est celle de Vladimir Vetrov. Celui-ci, officier du KGB, a trahi son service par rancœur au printemps 1980. Il contacta la DST, craignant que la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service français habituellement chargé de l'espionnage, ait été pénétrée par le KGB, et parce qu'il avait été en relation avec un Français répondant au nom de Jacques Prévost qui assurait le suivi des contrats signés par Thomson-CSF en Union soviétique notamment dans le domaine des télécommunications (cf. le livre de Raymond Nart, Jacky Debain et Yvonnick Denoël, L'affaire Farewell vue de l'intérieur, Nouveau Monde, 2013). Le 1er juillet 2008, la DST a fusionné avec la Direction centrale des Renseignements généraux au sein d'une nouvelle direction qui a pris le nom de Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI), elle-même renommée DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure) en 2014. Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Direction_de_la_Surveillance du territoire.

II

L'aéroport Roissy-Charles de Gaulle est une ruche immense, une porte vers le ciel du monde entier. Les voyageurs courent vers leurs salles d'embarquement, sans faire attention aux autres passagers ; ils sont discrètement mais efficacement encadrés par le personnel de la cité aéroportuaire, l'énorme machine est bien huilée et rien ne semble pouvoir l'enrayer.

Sauf que ce jour-là, des hurlements soudains créèrent un début de panique, entraînant une intervention immédiate des forces de l'ordre, des membres en uniforme de la police aux frontières et une patrouille de l'armée en poste à l'aéroport dans le cadre de l'opération Sentinelle.

Pourtant, il ne s'agissait pas d'une attaque terroriste ni même d'une bagarre de rappeurs : l'un des nombreux tapis roulants qui rendaient aux passagers les milliers de bagages sortis des soutes des avions transportait d'une façon obscène un homme, plus exactement un cadavre transpercé par un javelot, du type de ceux utilisés par les athlètes aux Jeux Olympiques.

Ce n'était pas la première fois, loin de là, que la police constatait un décès dans l'enceinte de l'aéroport ; entre les meurtres de SDF à coups de couteau et les suicides, les policiers, malheureusement, avaient parfois à régler ce genre de problèmes. Mais l'originalité morbide de ce crime au javelot était vraiment particulière. Le plus étonnant était que, la première émotion passée, certains voyageurs n'avaient pas hésité à sortir leurs téléphones portables pour immortaliser la scène du crime ; ce voyeurisme numérique malsain obligea les forces de l'ordre à sanctuariser très rapidement les lieux ; il fallait en outre protéger d'éventuels indices.

Un officier de police judiciaire entama sans tarder son travail de constatations, après avoir avisé le procureur de la République de permanence.

L'identification de la victime fut aisée car le cadavre avait dans la poche intérieure de sa veste ses papiers d'identité et son billet d'avion ; il s'agissait d'un exportateur d'orchidées de la région parisienne, qui revenait d'un voyage d'affaires en Asie du sud-est. Les premières investigations ne donnèrent aucun résultat pouvant éclairer le mobile de ce crime sauvage : aucun antécédent judiciaire, aucune activité notable, politique ou autre, aucun indice susceptible d'orienter l'enquête sur ce meurtre atypique par javelot.

Le policier s'intéressa ensuite à la valise de la victime, qui avait été retrouvée rapidement par les bagagistes de l'aéroport. Son contenu, a priori, était conforme à ce qu'il était possible d'attendre de ce type de voyageurs.

Le policier décida d'insister et demanda à faire passer la valise par le tomographe, un scanner qui permet une visualisation très fine. Et il eut raison car la valise recelait une cache minuscule, invisible à l'œil nu et dans laquelle était dissimulée une sorte de tube. Il appela immédiatement ses collègues du déminage, qui ouvrirent délicatement le fond du bagage pour en extraire le tube en verre. Le démineur rassura l'officier de police judiciaire, il ne s'agissait pas d'explosifs ; mais cette fiole cachée paraissait suffisamment suspecte et menaçante pour justifier un envoi ultérieur aux laboratoires du ministère de l'Intérieur.

Le policier termina son rapport de premières constatations, l'antenne de l'identité judiciaire ses prises d'indices sur les lieux du crime ; la fiole était précieusement rangée dans le coffre-fort du bureau de l'officier de police et le cadavre avait quitté le paysage de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, où la vie reprit son cours normal. Certes, les journaux télévisés allaient évoquer dans leur édition du soir le meurtre au javelot mais déjà, les voyageurs ne pensaient qu'à prendre leur avion.

III

Sophie Bouzenac et André Ormus se précipitèrent dans le bureau de leur chef de section et lui racontèrent le meurtre auquel ils avaient assisté en direct ; dans une telle situation, deux actions s'imposaient immédiatement : rédiger un rapport et aller rendre compte au chef de service, ce qui fut fait illico presto.

Le patron toulousain de la DST était un homme placide et un policier expérimenté ; le commissaire Divisionnaire était en train de terminer la rédaction de la conférence sur l'intelligence économique qu'il devait présenter devant un aréopage de chefs d'entreprises stratégiques de la région Midi-Pyrénées lorsqu'il vit débarquer dans son bureau directorial ses trois fonctionnaires venant lui annoncer que l'un des objectifs humains suivis par son service venait d'ajouter à son curriculum vitae la rubrique : « assassin ». En soi, ce n'était pas une catastrophe - hormis pour la victime, naturellement - mais les policiers de la DST aimaient bien maîtriser l'ensemble des processus et un tel événement subit perturbait la gestion calibrée de l'affaire concernée. Le commissaire félicita ses troupes d'avoir été là au bon moment, ce qui leur avait permis, au bout du compte, d'être en pointe sur le suivi de ce dossier sensible ; puis il leur demanda d'aller peaufiner