Myriam - Pierre Léoutre - E-Book

Myriam E-Book

Pierre Léoutre

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Beschreibung

Le capitaine de police André Ormus assiste en spectateur révolté à la cavale meurtrière du terroriste fou Mohamed Merah à Toulouse. L'occasion d'un travail documentaire sur cette affaire hors-norme et barbare. Et un hommage à toutes les victimes.

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Aux victimes. À mes collègues.

André Ormus était hanté par cette affaire. Pourtant, il n'était plus en activité lorsqu'elle s'était produite. Mais la série de meurtres ignobles commis par Mohamed Merah dans la région toulousaine pesait d'autant plus dans la mémoire du policier que subsistait le regret puissant de n'avoir pu l'éviter, malgré le travail accompli. Des années après, André Ormus pensait encore aux malheureuses victimes du terroriste islamiste et avait suivi attentivement dans l'actualité le procès et l'appel du frère de l'assassin, espérant déceler un début d'explications de cette dérive hors-norme qui avait traumatisé la France et laissé un goût plus qu'amer à ses collègues et lui, membres d'un service de renseignement qui avait vu venir la catastrophe mais n'avaient pas pu l'empêcher.

La folie meurtrière de Mohamed Merah était une première dans notre pays. Ses assassinats injustifiables d'enfants juifs français et de militaires français avaient suscité la joie malsaine de quelques fanatiques dans les quartiers difficiles toulousains mais une fois encore, le terrorisme avait échoué à faire trembler notre pays. Le criminel toulousain avait certes eu quelques émules mais l'exemplarité de sa haine n'avait pas été en mesure de créer une guerre civile et c'était important. En 2019, un homme avait été arrêté à son domicile en Seine-et-Marne par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) dans le cadre d'une enquête sur un projet d'attentat contre une école maternelle. Le suspect avait reconnu ses intentions meurtrières, mis en examen pour « association de malfaiteur terroriste » et écroué. Il se revendiquait à 21 ans comme « le fils spirituel » de Mohamed Merah, le tueur de Toulouse et Montauban, tué à 23 ans en 2012 par la police. À l'instar de son mentor, cet homme avait reconnu avoir voulu commettre un attentat dans une école maternelle et tuer des policiers. Déjà connu des services du renseignement territorial pour sa radicalisation depuis fin 2017, l'homme cherchait à se procurer des armes, selon les informations qui sont remontées aux oreilles des enquêteurs de la DGSI qui avaient déjoué cet attentat. Un deuxième homme, un ami d'enfance de ce suspect, avait d'ailleurs été mis en examen dans ce dossier : il avait été interpellé en août 2018 par les douaniers alors qu’il cherchait à importer des armes. Entendu pendant 96 heures en garde à vue, l’homme avait reconnu son intention meurtrière et le scénario qu’il avait imaginé. Il avait raconté avoir voulu entrer dans une école, s’en prendre physiquement aux enfants, puis les prendre en otages en attendant l’arrivée des policiers. Il avait ensuite prévu de tuer les membres des forces de l’ordre. Le suspect avait précisé avoir repéré l’établissement scolaire qu’il souhaitait viser. Au cours de ce projet meurtrier, cet homme souhaitait également assassiner un policier de Seine-et-Marne qui l’avait arrêté dans le passé pour une affaire de droit commun. Il avait affirmé aux enquêteurs de la DGSI qu’il avait déjà trouvé son adresse. Si le suspect reconnaissait les faits, il avait tenté de les justifier par des problèmes psychologiques : il avait expliqué souffrir d’une dépression et avait précisé avoir voulu « sublimer son suicide » en lui donnant un impact médiatique retentissant. Aucune propagande djihadiste n’avait été retrouvée ni lors des perquisitions menées à son domicile, ni sur son ordinateur ou son téléphone portable. Lors de l’analyse de son matériel numérique, les enquêteurs avaient toutefois noté que l’homme avait cherché à effacer ses traces et son historique, notamment en utilisant le dark web. À ce stade de l’enquête, les policiers considéraient que le suspect présentait davantage des troubles psychiatriques qu’une réelle radicalité et adhésion pour les thèses djihadistes. Mais son mode opératoire et les cibles qu’il envisageait faisaient directement écho à la propagande du groupe État islamique. « Pour les enquêteurs spécialisés, cet individu est représentatif d’une menace endogène avec des individus fragiles psychologiquement et perméables aux idéologies radicales », concluait la journaliste de BFM TV Cécile Ollivier.

Le même profil en fait que son mentor, en somme. Mohamed Merah, petit drogué, petit trafiquant de drogues et d’armes, avec un père absent, qui s’était radicalisé par internet et un séjour en prison, et devenait d’une façon imprévisible et rapide un tueur fou, capable à 23 ans de commettre des actes inhumains. S’il avait agi effectivement seul pour tuer, comme un « loup solitaire », la justice avait cependant établi la complicité de son frère Abdelkader Merah. Plus encore, la solitude du tueur psychopathe n’éludait pas l’hypothèse qu’il avait été le bras armé de la mouvance salafiste toulousaine. Les méthodes des services de renseignement et de la justice, qui travaillent dans l’urgence du présent, ne permettent pas de répondre clairement à cette question ; mais André Ormus, qui était retraité, avait lui le temps de s’interroger et il avait envie de le faire, pour les victimes du terroriste et pour ses collègues.

André Ormus, comme tous ceux qui avaient œuvré sur ce dossier, avait souffert dans son corps et son esprit : ils avaient repéré Mohamed Merah et dès 2011, avaient demandé à leur hiérarchie parisienne de judiciariser la situation de Mohamed Merah, c’est-à-dire d’ouvrir une enquête judiciaire en signalant Merah au parquet antiterroriste. En vain. Erreur d’évaluation, dysfonctionnement ? La lutte antiterroriste n’est pas une science exacte et juger a posteriori l’engrenage d’une tragédie est dérisoire et stérile. Par contre, continuer à essayer de comprendre ce qui s’était passé pouvait, peut-être, se révéler utile. C’est en tout cas ce que pensait André Ormus, par respect pour la mémoire des victimes de Mohamed Merah. Et si ses recherches pouvaient éclairer encore un peu le cloaque islamiste, André Ormus n’aurait pas perdu son temps. L’ancien policier n’avait pas l’intention d’accuser, de révéler un hypothétique scandale ou de se donner un rôle personnel dans une affaire où il n’avait été qu’un simple maillon d’une chaîne, membre anonyme d’un service qu’il ne fallait surtout pas déstabiliser car il tenait un rôle essentiel dans la défense de notre pays.

Comprendre comment la ruse de quelques fanatiques incultes avait pu tromper l’analyse et la vigilance de spécialistes de l’antiterrorisme ; recenser calmement les faits et les protagonistes de cette affaire misérable ; repenser aux victimes pour ne jamais les oublier ; telle était la feuille de route que s’était donnée André Ormus. Mission dérisoire et inutile ? Contre-productive ? André Ormus le saurait à l’issue de ses investigations. Enquêter, n’est-ce pas le rôle d’un flic, même retraité ? Enquête thérapie, bien sûr, car André Ormus ne parvenait pas à oublier ce qui s’était passé. Mais intention sincère et désintéressée de tenter d’apporter sa pierre à la compréhension de la première attaque terroriste de cette nature sur le territoire français.

Mohamed Merah était une petite ordure sans cœur et il n’était même pas digne d’être le symbole de la lutte mortelle que l’islam radical avait engagé contre notre société. Comme d’ailleurs les membres de la « mouvance salafiste toulousaine », dont plusieurs avaient été tués depuis la cavale meurtrière de 2012.

L’écrivain indonésien Eka Kurniawan met en garde contre l’islamisation croissante de son archipel et précise avec l’humour qui le caractérise que « les islamistes ne lisent pas mes livres. » Mais Mohamed Merah et les personnes qui l’entouraient ne faisaient pas partie de cette histoire mondiale. Leur haine destructrice n’était pas sérieuse même si elle avait fait beaucoup de mal ; ce mélange de fanatisme religieux et de bêtise des djihadistes toulousains faisait peur, naturellement et il avait conduit à un embrigadement réel et effectif au sein de l’organisation terroriste de l’État islamique. Pour autant, les actions sanglantes de ces individus, le premier d’entre eux ayant été Mohamed Merah, n’avaient pas de sens véritable. Les passages à l’acte, après une phase crescendo de virtualité spirituelle et numérique, relevaient de pulsions mortifères absurdes, même si elles étaient récupérées et revendiquées ensuite par un groupe terroriste. Ce décalage était choquant, ce qui était logique pour des actions terroristes, mais également surprenant par sa médiocrité. Là se situait peut-être l’une des failles dans la lutte contre cette forme actuelle du terrorisme.

°°°

Comme la plupart des gens qui exerçaient ce métier, André Ormus avait une très bonne mémoire. Et il se rappelait que son regard avait été attiré, tôt le matin, par un article de Claire Lagadic publié le 12 mars 2012 dans le grand quotidien régional : en quelques lignes, La Dépêche du Midi relatait l’homicide d’un motard et cela avait retenu l’attention du policier : « Un motard abattu d’une balle dans la tempe à Toulouse : un jeune homme de 30 ans a été exécuté, hier après-midi, en plein jour, chemin de Limayrac, dans le quartier de Montaudran à Toulouse. Il était 16 h 10. Cet homme circulait sur une moto de grosse cylindrée sur une petite esplanade accolée au gymnase de l’Hers lorsque, selon certains témoins, alors qu’il s’était arrêté, un homme seul sur un scooter se serait porté à sa hauteur. Là, il aurait sorti un pistolet et tiré, à bout portant, une balle dans la tempe de la victime avant de prendre la fuite à toute vitesse. Des témoins ont alors appelé les secours. Le Samu, arrivé rapidement sur place, a tenté de ranimer la victime, en vain. Rapidement, les services de police ont établi un périmètre de sécurité et démarré leurs investigations. Un médecin légiste a examiné le corps sur place. Les experts de la police scientifique ont effectué leurs premières constatations. Arrivée sur les lieux, la compagne de la victime, effondrée, a été prise en charge par la police. Elle devait être entendue dans la soirée. Règlement de comptes ? D’après les premiers éléments, la victime, n’était, selon le Procureur de la République, Michel Valet, ‘‘pas connue’’ de la justice. L’homme vivait à Toulouse, non loin de là où il a été abattu. Son identité n’avait pas été communiquée. L’enquête a été confiée au Service Régional de la Police Judiciaire de Toulouse (SRPJ). Le modus operandi, une exécution d’une balle dans la tête en plein jour, laisse penser à un règlement de comptes. Querelle amoureuse ? Trafic ? Les policiers vont désormais s’attacher à explorer toutes les pistes pour remonter au meurtrier. Il s’agit de la seconde exécution en plein jour, à Toulouse, en trois mois. Fin novembre, Samir Chorfi, 23 ans, avait été abattu à la kalachnikov à midi dans le quartier de la Reynerie. Le syndicat des gradés, gardiens de la paix et adjoints de sécurité de la Police Nationale Unité SGP police, par la voix de son secrétaire régional, Didier Martinez, ne cachait pas son inquiétude : ‘‘on constate que Paris et Marseille n’ont pas le monopole de ce type d’assassinat en pleine rue. Nous déplorons ce nouvel accès de violence d’un style nouveau qui s’exporte désormais aussi à Toulouse’’. »

Dès le lendemain, la presse s’interrogeait : « Meurtre d’un motard à Toulouse : un vol ou une affaire de cœur ? L’homme abattu dimanche après-midi chemin de Limayrac, à Toulouse, est un sous-officier parachutiste âgé de 30 ans. L’enquête s’oriente tous azimuts mais loin des trafics de stupéfiants. Un ou deux coups de feu, une balle en pleine tête entrée sous l’œil gauche, le tireur qui a exécuté Imad Ibn-Ziaten dimanche ne lui a laissé aucune chance. Malgré l’intervention des pompiers et d’une équipe médicale du Service Mobile d'Urgence et de Réanimation (SMUR) de la Haute-Garonne, ce militaire du 1er régiment du train parachutiste est mort sur place, derrière le gymnase du Château de l’Hers une heure après le ou les coups de feu. Le procureur Michel Valet est resté prudent. En effet des témoins parlent de deux détonations mais l’examen du corps, pratiqué sur place dimanche par un expert médecin légiste, évoque un seul orifice d’entrée. Un plomb aurait été retrouvé dans le casque de la victime. L’autopsie, qui sera pratiquée ce matin à l’institut médico-légal de Rangueil est très attendue par les enquêteurs de la police judiciaire qui travaillent depuis dimanche sur ce meurtre. Trafic de stups ? Pas le profil. Militaire de carrière, Imad Ibn-Ziaten ‘‘était inconnu de la police et de la justice’’, précise le procureur Michel Valet. Ce sous-officier parachutiste, engagé depuis huit ans, était également bien noté par l’armée. L’hypothèse d’un règlement de compte lié à un trafic de stupéfiants semble d’ores et déjà écartée. ‘‘Pas le profil’’, souligne-t-on à l’Hôtel de police et du côté du SRPJ. Un vol qui tourne mal ? Financièrement à l’aise, Imad Ibn-Ziaten se trouvait à côté de son Suzuki 650 cm3 Bandit quand il a été abattu dimanche. Cette moto ayant ‘‘peu roulé et en bon état’’ selon une annonce publiée sur le site web ‘‘Le Bon coin’’, la victime voulait la vendre 4 000 €. Il avait mis une annonce sur internet fin février. Ce dimanche, quelques minutes avant d’être abattu, il aurait reçu un coup de fil pour sa moto. Ce rendez-vous était-il un piège ? Le ou les faux acheteurs ont-ils paniqué ? Le bike-jacking a-t-il mal tourné ? L’hypothèse fait partie des ‘‘priorités’’ des enquêteurs. Jalousie mortelle ? Divorcé sans enfant, Imad Ibn-Ziaten avait une amie ‘‘mais ne vivait pas en couple’’, a précisé le parquet. Les policiers s’intéressent de près à son cercle de relations ‘‘intimes’’ qui ne se limiterait pas à une seule conquête. Aurait-il été victime de la jalousie d’un mari ou de la colère d’un frère ? ‘‘Il faut vérifier’’, lâche le procureur en parlant plus largement ‘‘d’investigations nombreuses et multiples’’. Pour l’Armée, il était ‘‘un excellent élément’’. Maréchal des logis chef, Imad Ibn-Ziaten qui aurait eu 31 ans fin juillet avait rejoint les parachutistes en 2004. Depuis, ce sous-officier avait toujours été affecté au 1er régiment de train parachutiste basé à Francazal. Un régiment, le seul de l’armée de terre, spécialisé dans l’appui à la projection et le soutien par voie aérienne. ‘‘Un bon sous-officier, un excellent élément’’, souligne le colonel Fauche, patron du régiment. Dans le cadre de son engagement, le maréchal des logis chef avait effectué de nombreuses missions extérieures ces dernières années, ‘‘comme l’ensemble du régiment’’, précise un officier en charge de la communication du 1er RTP. Il avait notamment servi l’armée française en Côte d’Ivoire, au Tchad et au Gabon. Sa mort a surpris et choqué ses camarades. ‘‘Il s’agit d’une affaire malheureuse, assez incroyable, souligne le colonel Fauche. Nous attendons les résultats de l’enquête confiée à la police judiciaire.’’ Son régiment n’en dira pas plus, insistant seulement sur le caractère ‘‘privé’’ du drame de dimanche après-midi, survenu dans le cadre d’un week-end ‘‘hors service’’. Ce 13 mars 2012, des proches de la victime avaient déposé un bouquet de fleurs sur les lieux du crime, ce qui fut relaté le lendemain dans La Dépêche du Midi du 14 mars 2012 : « Tué d’une balle dans la tête, tirée quasiment à bout portant. L’autopsie pratiquée sur le corps d’un militaire de 30 ans, Imad Ibn-Ziaten, abattu par arme à feu, dimanche après-midi, devant le gymnase du Château de l’Hers, non loin de la Cité de l’Espace, à Toulouse, accrédite la thèse d’une exécution froide. Le tireur, un homme venu à sa hauteur, au guidon d’un scooter, ne lui a laissé aucune chance. Imad Ibn-Ziaten avait mis sa moto en vente sur un site internet, une Suzuki 650 cm3. Avait-il rendez-vous ce jour-là avec un client ? Est-il tombé dans un guet-apens ? Malgré le casque que portait encore la victime, le projectile, probablement un calibre proche du 9 mm, a provoqué un important traumatisme cérébral. ‘‘Toutes les pistes sont envisagées’’, a indiqué le procureur de la République, Michel Valet. Les enquêteurs du SRPJ de Toulouse multiplient les auditions parmi l’entourage et les proches de ce sous-officier affecté au 1er régiment de train parachutiste basé à Francazal. Sa mort a surpris et choqué ses camarades. »

En lisant ces articles dans le journal, jamais André Ormus n’aurait pu imaginer la suite démesurée et monstrueuse de ce premier assassinat, le 11 mars 2012, avec un scooter volé et un 11,43. Ce premier meurtre avait les apparences d’un crime classique. La Police Judiciaire écarta la tentative de vol de la moto et commença ses investigations habituelles, dans le cadre d’une enquête criminelle, sur l’entourage et les relations de la victime. Selon des témoins, le tueur avait tiré presque à bout portant, à deux reprises ; mais une seule balle de 11.43 fut retrouvée dans le casque du motard ; les mêmes témoins confièrent à la police judiciaire, chargée de l’enquête, que le meurtrier roulait avec « un scooter puissant ».

En janvier 2013, les vidéos de ses crimes filmés par Mohamed Merah avaient révélé les derniers instants des victimes du tueur à scooter, notamment le parachutiste Imad Ibn Ziaten qui avait choisi de mourir debout, selon les rapports d’expertise consultés par l’AFP. Le 11 mars 2012 à 16 heures, les images de la caméra placée sur lui par le tueur et dirigée sur le guidon du scooter, montraient l’arrivée de Merah à son rendez-vous, à Toulouse, avec Imad Ibn Ziaten, contacté pour lui acheter sa moto. Imad Ibn Ziaten se gara devant le scooter de Merah. Tous deux portaient un casque. « Allô ? T’es là pour la moto ? », demanda Merah. « Ouais », répondit Imad, selon les documents partiellement retranscrits par M6 et consultés par l’AFP.

Merah ajouta : « Ouais parce que là j’ai pas pris le camion. J’ai pris le scooter aujourd’hui. Vas-y, suis-moi, on va à droite (…) hein. Tu veux te mettre où, là ? On s’y met. »

Le parachutiste sembla alors s’interroger sur quelqu’un. « C’est un pote à toi ? ». « Hein ? c’est mon frère », répondit Merah. « Ah, OK », ajouta Imad. La suite du dialogue est confuse : « Eh, moi j’ai le mien, t’as vu, parce qu’il va arriver là. On l’attend dedans si tu veux », indiqua Merah.

Présence d’un autre homme ? Du frère de Merah, Abdelkader ? Un coup de fil reçu par Merah ? Personne d’autre n’apparaissait sur les images. Elles attestaient en revanche que le téléphone portable du tueur était posé sur le guidon droit du scooter.

Les enquêteurs se montrèrent très prudents quant à l’interprétation de cet échange entre le tueur et sa victime. D’autant que des témoignages versés au dossier déclaraient qu’Abdelkader jouait à la même heure au football. « On ne peut affirmer de manière claire qu’il y avait quelqu’un et que c’est le frère. C’est une interprétation possible », avait indiqué l’un des policiers à la presse.

Bruits de moteur en arrière-plan, Merah insista ensuite pour avoir des détails sur son interlocuteur : « T’es à l’armée, t’es militaire ? » demanda-t-il à plusieurs reprises à Imad qui n’entendait pas parce qu’« il y a de la musique dans le casque ».

Les enquêteurs avaient noté que les questions de Merah étaient « accompagnées d’un bruit de clic ».

Merah demanda encore des précisions sur la caserne et le nombre d’années que Imad Ibn Ziaten y a passées puis ordonna en sortant une arme : « Mets-toi à plat ventre. Je rigole pas, mets-toi à plat ventre ». Il la montra à sa victime puis l’inséra dans un sac avant de la pointer sur Imad. La caméra enregistra un « clic double », notèrent les enquêteurs et « le chien du pistolet a été armé ».

« Tu ranges ça tout de suite », avait réagi Imad. « Je ne me mettrai pas à plat ventre. Tu dégages. Je ne me mettrai pas à plat ventre, je reste ». Merah répéta son ordre, le militaire lui fit front : « Tu vas tirer ? Vas-y, ben tire ».

Une détonation retentit. La victime s’écroula. « Au nom d’Allah est grand », dit plusieurs fois Merah en réarmant son arme. Nouvelle détonation puis le scooter redémarra.

Mais le meurtrier revint pour rechercher une douille. « Elle est où ? Là, elle est là ». Il la ramassa et lança à sa victime qui gisait sur le sol : « C’est ça l’islam mon frère : tu tues mes frères, moi je te tue ». Il ajouta : « Il a rejoint l’ange de la mort, je n’ai pas peur de la mort ». À 16 h 04, Merah repartit à toute allure sur son scooter.

Encouragé par ce premier méfait, l’assassin réitéra quatre jours après, le jeudi 15 mars 2012 en début d’après-midi. La cible était encore militaire mais l’attaque se produisit à Montauban, à cinquante kilomètres de Toulouse. Loïc Libert, 28 ans, Mohamed Legouad, 26 ans, et Abel Chennouf, 24 ans, trois militaires du 17e régiment du génie parachutiste sortirent du quartier Doumerc, siège de leur régiment, pour se diriger vers un petit centre commercial situé à proximité de leur caserne. Abel Chennouf s’approcha d’un distributeur de billets de la Société Générale. Le journaliste de la Dépêche du Midi Jean Cohadon relata ainsi les faits : « Aucun des trois hommes ne remarque un homme qui attend à côté de son scooter. Cet individu a regardé passer un premier militaire sans bouger. Mais soudainement, il écarte une personne âgée sort son arme de poing et ouvre le feu. Il vise Loïc Libert : une balle dans la tête, une autre au thorax… Puis le tireur tire sur Mohamed Legouad. Ses gestes sont précis : les balles de 11.43 touchent le haut du corps et la tête. Il recharge son arme automatique et cible Abel Chennouf qui retirait de l’argent. Touché, celui qui allait être papa dans deux mois, tente de s’éloigner en rampant. Le tueur s’approche, le retourne et l’achève, insensible aux cris et aux regards des témoins. Il prend encore le temps de chercher son chargeur perdu et s’enfuit sur son scooter. Le bilan est terrible : deux hommes tués ; Loïc Libert vit encore mais les balles ont touché sa tête et sa colonne vertébrale. »

Quatre militaires touchés en quelques jours, cela n’avait évidemment pas échappé aux spécialistes de la Police Judiciaire et leur enquête sur ce tueur mystérieux changea de nature ; les vidéos ne permettaient pas d’identifier formellement le scooter mais son utilisation, ainsi que les douilles retrouvées sur place, permettaient un lien entre ces exécutions et le meurtre d’Imad Ibn Ziaten à Toulouse. Lien rapidement confirmé par l’analyse balistique : il s’agissait dans les deux cas de la même arme. C’est l’un des moments les plus difficiles de l’enquête policière : un criminel agit mais il n’est encore qu’une aiguille dans une botte de foin et les enquêteurs en sont réduits à échafauder des hypothèses : le tueur est-il un homme en rupture de l’armée ? Un extrémiste qui défend ses « frères » musulmans ? Les policiers établirent que les militaires visés par l’assassin ne se connaissaient pas vraiment et qu’un seul avait servi en Afghanistan ; la Police Judiciaire constata aussi que trois victimes sur quatre avaient des origines maghrébines, ce qui pouvait constituer un début de piste, par exemple l’extrême-droite puisque des parachutistes néonazis avaient été renvoyés du 17e RGP en 2008 ; à moins que cela ne fût que le hasard. L’enquête de la Police Judiciaire était dans le brouillard. Les investigations continuaient tous azimuts, y compris les recherches informatiques sur l’annonce publiée par Imad Ibn Ziaten pour vendre sa moto. Mais le temps de l’enquête était déjà dépassé par la vitesse du tueur.

Car le 19 mars 2012, ce fut l’horreur sans nom, avec la tuerie à l’école Ozar Hatorah, rue Jules Dalou à Toulouse. À l’heure de la prière, vers 8 heures, un homme descendit casqué de son scooter, entra dans la cour de l’établissement scolaire et ouvrit le feu. Il tua tout d’abord Jonathan Sandler, 30 ans et ses deux enfants, Gabriel, 4 ans, et Arieh, 5 ans ; puis Myriam Monsonégo, 8 ans, la fille du directeur de l’école Ozar Hatorah ; enfin, il blessa grièvement Aaron « Bryan » Bijaoui, 15 ans et demi. Un véritable carnage monstrueux, huit jours après le premier meurtre et quatre après l’exécution de Montauban. Même méthode, avec la même arme à laquelle s’ajoutait cette fois-ci un 9 mm. Et un scooter, de couleur blanche et non noire selon les témoins.

Pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des enfants étaient tués en France parce qu’ils étaient juifs. L’ignominie absolue.

Et bien sûr, toujours la caméra : Merah s’était filmé le 15 mars 2012 à Montauban, alors qu’il avait tiré de sang-froid sur trois parachutistes dans le dos, et à nouveau quatre jours après lors du quadruple meurtre de l’école Ozar Hatorah, avec des images « insoutenables », selon ceux qui les ont visionnées. Huit jours pour une mise en scène barbare. Merah voulait diffuser le film de ses meurtres sur le Net, écrivait le 26 mars 2012 le journaliste de La Dépêche du Midi Fabrice Abela : « Une balle dans la tête. Calibre 11,43. Parmi les victimes, une petite fille de 8 ans, qu’il rattrape par les cheveux et achève d’une balle à bout portant. Insoutenable. Des scènes d’une effroyable cruauté pour les témoins qui ont assisté horrifiés à ce carnage. Animé d’une véritable haine lorsqu’il commet ces attentats, Mohamed Merah ne se contente pas de tuer. Cet enfant des cités passé de la petite délinquance au terrorisme, a filmé toutes les scènes de ces exécutions à l’aide d’une mini-caméra sanglée sur sa poitrine. Ce sont les caméras de surveillance sur les crimes de Montauban et devant l’école juive qui ont permis d’identifier cet équipement très discret, de type Go Pro, permettant de filmer au grand-angle. Mais Mohamed Merah qui aurait divorcé religieusement la veille de l’assaut donné par les hommes du Raid, ne voulait pas s’arrêter là. Il avait projeté de poster ces films sur internet avec une revendication bien précise. Dans ses discussions avec les hommes du Raid qui l’ont abattu lors d’un assaut après 31 heures de siège, Mohamed Merah s’était longuement épanché sur ses actes sanglants. Il a décrit ‘‘le plaisir infini’’ pris durant ces crimes. Le tueur avait lui-même indiqué aux négociateurs de la police le lieu où se trouvait le sac ‘‘confié à quelqu’un’’, ‘‘dans lequel se trouvait une caméra Go Pro.’’ Ce type d’appareil est utilisé d’habitude par les sportifs de l’extrême qui filment leurs exploits, lors de sauts en parachute ou à l’élastique. Par le passé, Mohamed Merah est déjà apparu sur des vidéos postées sur le site Youtube où il apparaissait s’adonnant à des rodéos sauvages à bord de voitures ou sur des scooters, dans les cités. À la date du 26 mars 2012, les enquêteurs n’ont retrouvé aucune trace des vidéos des massacres de Mohamed Merah, sur internet. »

Mais le lendemain, le siège parisien de la chaîne qatarie Al-Jazira dit avoir reçu une copie des vidéos des tueries perpétrées à Toulouse et Montauban. Le courrier réceptionné dans les locaux de la télévision à la tour Montparnasse contenait une carte mémoire accompagnée d’une lettre. Il avait été remis immédiatement à la police judiciaire qui avait authentifié la vidéo. Le colis portait un cachet postal daté du mercredi 21 mars 2012, alors que le siège de l’appartement où s’était retranché le tueur avait déjà débuté. Les enquêteurs essayèrent de savoir si la lettre avait été postée le mardi soir par Mohamed Merah lui-même ou par un complice, peut-être son frère Abdelkader le mercredi matin. D’après Le Figaro.fr, le courrier avait été posté depuis « un petit village à côté de Toulouse ». Lors de ses discussions avec les policiers du Raid, Mohamed Merah avait déclaré avoir « posté » les vidéos. Mais sans préciser « ni comment ni quand », avait indiqué François Molins, le procureur de la République de Paris. On ignorait encore si ces vidéos avaient aussi été « postées » sur Internet. Toujours selon Le Figaro.fr, la carte envoyée comprenait une seule et même vidéo de 25 minutes. Mohamed Merah avait filmé chacune de ses tueries à l’aide d’une mini-caméra sanglée sur son torse. L’intégralité des trois attaques de Toulouse et Montauban avait été enregistrée ; des scènes « extrêmement explicites » où l’on voyait le jeune homme « abattre ses victimes », d’après le procureur.

Les images avaient été tournées par Mohamed Merah lui-même, grâce à la fameuse mini-caméra que de nombreux témoins avaient aperçue, attachée sur le corps du tireur. Les responsables d’Al Jazeera s’étaient réunis pour décider d’une éventuelle diffusion de cette vidéo. « On n’est pas une chaîne de sensationnel, on ne cherche pas à diffuser des images sans mesurer les risques et les conséquences, et c’est pour cela que la direction va décider aujourd’hui lors d’un meeting au siège au Qatar de la diffusion de cette vidéo ou pas », avait indiqué à BFM-TV le chef du bureau parisien de la chaîne Zied Tarrouche. Les discussions furent animées car les images filmées par Mohamed Merah étaient à la limite du soutenable : « On voit toutes les attaques perpétrées à Toulouse et à Montauban dans l’ordre chronologique, c’est-à-dire l’assassinat du premier soldat, après, les trois soldats et enfin l’attaque de l’école », expliquait Zied Tarrouche. « On entend clairement les voix de cette personne qui a commis les assassinats et les cris des victimes, déformées ». La séquence, qui durait environ 25 minutes, était un montage des événements tragiques de Toulouse et Montauban, mixé à des « musiques et des chants religieux, des lectures, des récitals de versets coraniques. » Stockée sur une clé USB, la vidéo était accompagnée d’une revendication écrite des attentats : « C’est écrit en français avec des fautes d’orthographe, de conjugaison. C’était quelques petits mots comportant la revendication de ces attentats par soi-disant Al-Qaïda », précisait Zied Tarrouche. Une revendication qui ne correspondait pas à la méthode habituelle de ce groupe terroriste. Le ministre des Affaires Étrangères Alain Juppé avait appelé la chaîne qatarie à ne pas diffuser les images des tueries : « Je pense que cette incitation, sur des cerveaux souvent dérangés ou fragiles, à la violence, au meurtre, est tout à fait détestable ». Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) invitait également les chaînes de télévision à la plus grande prudence vis-à-vis de cette vidéo. Selon une source policière, ce n’était pas Mohamed Merah qui avait posté les vidéos de ses tueries reçues par Al-Jazeera : le pli, qui contenait une lettre de revendication manuscrite de Mohamed Merah, portait le tampon de Castelnau-d’Estrétéfonds, où est installé un important centre de tri postal couvrant une grande partie de la région Midi-Pyrénées. La police judiciaire avait en sa possession depuis le lundi ce montage de vidéos avec la « lettre manuscrite de revendication » signée Mohamed Merah et qui est « truffée de fautes d’orthographe » et « d’un amateurisme déroutant ». En visite à Guérande, en Loire-Atlantique, le président de la République Nicolas Sarkozy avait salué la décision « raisonnable » d’Al-Jazeera de ne pas diffuser la vidéo des tueries de Toulouse et Montauban : « je vous dis tout de suite que si elle devait être détournée par des télévisions appartenant ou proches d’organisations propageant des idées terroristes, nous n’hésiterons pas à faire ce qu’il faut pour empêcher la diffusion du signal » ; « Je suis heureux que l’ensemble du monde des médias français et internationaux considère que la diffusion de ces images est une insulte à la mémoire des enfants, à la mémoire des victimes et à la douleur de leurs proches », avait-il poursuivi. « C’est simplement du bon sens et du respect pour des personnes qui ont tellement souffert ».

Qui avait bien pu poster les vidéos des tueries ? Fait exceptionnel, le parquet de Paris avait assigné en référé Al Jazeera France pour empêcher la diffusion de la vidéo. François Hollande, , le candidat socialiste à l’Élysée, avait lui aussi adressé une mise en garde à la chaîne, jugeant « extrêmement grave » une possible diffusion ; selon le candidat PS à l’élection présidentielle, une telle attitude nécessiterait des « décisions à prendre » envers le Qatar et la chaîne de télévision. « Al Jazeera compromettrait sa présence en France comme chaîne d’informations », avait-il menacé. Après avoir supplié en larmes les chaînes de télévision de ne pas diffuser ces images, Latifa Ibn Ziaten, la mère de la première victime de Merah, s’était dit « soulagée ».

Lors de ses échanges avec les négociateurs du Raid, Mohamed Merah avait affirmé : « J’ai enregistré mes meurtres et j’ai posté mes vidéos sur internet ! » et les cyber-enquêteurs surveillaient de très près la Toile.

D’où venait la caméra ? Un de ses proches, avec qui Mohamed Merah aurait partagé un séjour au ski entre la Suisse et le Jura courant février affirmait que déjà, son « copain » voulait investir à Genève dans du matériel d’enregistrement. Faute de budget (une caméra Go pro coûte environ 450 €), le projet aurait été reporté. La caméra avait-elle été achetée à Toulouse ? Ou sur internet ? Les enquêteurs, qui avaient récupéré la caméra sur les indications de Mohamed Merah, tentaient de remonter la piste de ce matériel. Qui avait réalisé le montage ? Sur les trois exécutions de Toulouse et Montauban, Mohamed Merah avait agi seul. Les images enregistrées, dont des repérages par exemple au commissariat central de Toulouse, le démontraient. Mais avait-il réalisé lui-même le montage des vidéos ? Et le mixage ? Sur quel ordinateur ? Selon les premières vérifications, pas celui de son frère. Avait-il bénéficié d’une aide extérieure ? Et qui avait posté le montage ? La direction régionale de la Poste avait confirmé que Castelnau-d’Estrétéfonds était en réalité une plateforme régionale : « La lettre a pu être déposée dans un bureau de poste, dans une boîte aux lettres, que ce soit à Toulouse même, en Haute-Garonne ou dans un département limitrophe. Le circuit de recueillement du courrier est très complexe, indique un responsable. Si la justice nous le demande, on peut éventuellement remonter jusqu’à un bureau de poste, ou le quartier si la lettre a été déposée dans une boîte ». Déterminer quand et où avait été postée cette lettre impliquait en effet beaucoup de choses pour la suite de l’enquête : si le courrier avait bien été posté le mercredi, Mohamed comme Abdelkader Merah ne pouvaient être soupçonnés de s’en être chargés puisque tous les deux étaient alors sous le contrôle de la police. Cela impliquerait un troisième homme. La Police Judiciaire cherchait à l’identifier pour déterminer si cet individu, s’il existait, avait joué les facteurs. Seulement le cachet de la Poste, daté du mercredi 21 mars 2012, n’impliquait pas obligatoirement un dépôt le mercredi. La lettre avait pu être postée le mardi, après la levée du courrier et attendre le passage du facteur dans une boîte aux lettres de Toulouse, avenue de la Gloire ou ailleurs jusqu’au lendemain. À Paris, les policiers restaient prudents : « aucun élément » ne permettait d’identifier l’expéditeur.

Quant à la lettre manuscrite de revendication, les policiers allaient comparer les écritures de Mohamed et Abdelkader Merah et réaliser des tests ADN pour déterminer le nom de l’auteur – même si, sur les scènes de crime, tous les indices découverts par les spécialistes de l’identité judiciaire, douilles ou chargeur, ne portaient pas une seule trace de l’ADN de Mohamed Merah -.

Les enquêteurs tentaient d’identifier ce « troisième homme », qui aurait pu aussi prendre part avec les frères Merah au vol du scooter utilisé par Mohamed Merah lors des tueries de Toulouse et Montauban. Une des sources policières avait précisé que cet homme était peut-être impliqué dans un autre épisode précédant les tueries, comme l’achat d’accessoires de moto pour Mohamed Merah, ou d’avoir tenté d’obtenir des renseignements sur la manière de neutraliser le « traqueur » du scooter. Les enquêteurs continuaient de privilégier la thèse d’un acte isolé de Mohamed Merah, avec éventuellement la complicité de son entourage proche, en particulier son frère Abdelkader Merah, qui avait reconnu en garde à vue avoir été présent lors du vol.

À côté du début de l’enquête policière, l’opinion publique commençait à mesurer l’horreur des événements qui venaient de se dérouler. Le journaliste de La Dépêche du Midi Frédéric Abéla fit le 20 mars 2012 ce récit de l’attaque contre l’école Ozar Hatorah : « Il est un peu plus de 8 heures, hier, rue Jules Dalou, dans le quartier de la Roseraie. Tout est calme. On ne sait pas encore que dans quelques secondes, cet endroit va devenir le lieu du troisième acte d’un scénario infernal commencé une semaine plus tôt près de la Cité de l’Espace à Toulouse. Ici, se trouve le collège-lycée Ozar Hatorah. Vu de l’extérieur, rien n’indique qu’il s’agit d’un établissement juif religieux, mais tout le monde, dans le quartier, le sait. L’ensemble dispose d’une synagogue et c’est pourquoi, de bon matin, des fidèles descendent la rue pour venir y prier, avant de repartir vers leur travail. Dans cet établissement privé sous contrat, c’est un lundi ordinaire, une journée qui commence par l’accueil traditionnel des élèves à l’entrée de son portail métallique très discret. C’est alors qu’un homme à bord d’un scooter arrive à hauteur de l’école. La couleur de ce véhicule ? Elle varie selon les témoignages. L’homme descend de son engin, le casque sur la tête. Face à lui, Jonathan Sandler, 30 ans, professeur d’éducation juive dans cette école, donne la main à ses deux garçons, Gabriel, 6 ans et Arié, 3 ans. Comme chaque matin, il y a aussi la petite Myriam Monsonégo, 8 ans. C’est la fille du proviseur, qui donne la main à un garçon et attend que sa maman l’accompagne à l’école primaire Gan-Rachi, située un peu plus loin dans Toulouse. Le vent est frais. Un soleil timide essaye de percer. À l’entrée du portail, Brian, le surveillant, accueille les élèves. Tout d’un coup, l’homme au scooter extrait de sa poche une arme automatique de calibre 9 mm. Il ouvre le feu, devant lui en direction de Jonathan Sandler, de ses deux enfants. La petite Myriam lâche la main du jeune garçon qui la protégeait. Elle s’effondre sous les yeux de sa maman. Brian est lui aussi touché, il se précipite à l’intérieur de l’école et trouve refuge dans une chambre de l’internat. Au milieu des cris et des hurlements d’enfants et de parents horrifiés, le tueur poursuit son œuvre de mort. Il n’hésite pas à franchir la porte du collège. Là, il rattrape un des enfants qui voulait lui échapper. Et l’exécute froidement. Entre-temps, il a changé d’arme. Son pistolet s’est, semble-t-il enrayé. Il tire avec du 11,43 cette fois. Le même calibre a servi à Montauban et Toulouse, une semaine plus tôt pour abattre les militaires. Il s’acharne en visant à chaque fois la tête. La scène dure environ une minute. Les secondes paraissent une éternité pour des dizaines de témoins terrifiés. Tout le monde se réfugie à l’intérieur de la synagogue croyant avoir affaire à un ‘‘terroriste’’, un ‘‘déséquilibré’’ ou un ‘’fanatique.’’ Une quinzaine de douilles sont retrouvées à l’extérieur du portail et dans la cour. Les volets et une vitre du collège-lycée portent eux aussi les traces meurtrières du tueur solitaire. Celui-ci, toujours aussi calme, va reprendre son scooter et redescendre la rue Dalou avant de disparaître. À présent, la rue résonne des cris de douleur et d’incompréhension. Sur le sol, des petits corps inertes ensanglantés sont bientôt recouverts d’un drap blanc. Médecins du Samu, pompiers et policiers se précipitent devant l’établissement attaqué où de nombreux parents viennent de s’évanouir. On ne peut plus rien pour Jonathan Sandler, son fils Gabriel et la petite Myriam. En revanche, il y a un faible espoir pour le petit Arié Sandler, 3 ans. Il est transféré au Centre Hospitalier Universitaire Purpan de Toulouse après avoir été réanimé par les médecins du Samu dirigés sur place par le docteur Ducassé. Mais l’enfant succombe à ses blessures à l’hôpital. L’épouse de Jonathan Sandler vient de perdre en une fraction de seconde son mari et ses deux enfants. Elle est prise en charge par une équipe de psychologues. Étreinte par l’incommensurable douleur, cette femme en larmes reçoit la solidarité de toute la communauté juive qui accourt à son chevet. De son côté, opéré d’urgence à cœur ouvert, atteint au poumon, au cœur et au foie, le jeune surveillant, Brian, 17 ans, est dans un état grave. ‘‘Une tragédie nationale’’, dira plus tard le président de la République, Nicolas Sarkozy, arrivé en fin de matinée dans cette école traumatisée où la douleur se lit aussi sur les visages graves des policiers et des services de secours. Dans la dignité, les élèves et leurs familles quittent l’établissement en début d’après-midi, la mine défaite. ‘‘Je venais d’arriver à l’école et une minute après j’ai entendu des tirs, j’ai vu des petits enfants à terre au milieu des cris…, j’ai appelé ma mère en lui disant que quelqu’un tirait dans l’école, c’était affreux’’, témoigne cette adolescente en larmes, consciente d’avoir échappé au massacre. En quelques jours donc, ce sont sept personnes qui ont été tuées par ce mystérieux tueur en scooter, sans que l’on ait la moindre idée de ses motivations. Face à la montée en puissance de ces crimes aveugles et sans précédent, le parquet antiterroriste de Paris est désormais saisi. Les enquêteurs de la direction centrale de la police judiciaire, leurs homologues de la sous-direction de l’antiterrorisme et le SRPJ de Toulouse sont-ils confrontés à un tueur en série, un criminel de masse qui s’attaque aveuglément à des groupes de personnes ou des communautés ? Depuis hier, c’est la communauté juive de Toulouse, et l’une de ses écoles, qui ont payé le plus lourd tribut dans ces attaques sanglantes à répétition. Selon une source proche de l’enquête, c’est la même arme, un pistolet automatique 11.43 qui a servi à tuer, hier, et à abattre des militaires à Toulouse et Montauban. Le même tueur ? Probablement. Déterminé et professionnel. Même scooter ? Les témoignages font état d’un puissant deux-roues ‘‘blanc et rose.’’ Il était sombre à Montauban. Un tueur que rien ne semble arrêter. »

La journaliste de La Dépêche du Midi Claire Lagadic écrivait le lendemain que « les élèves de l’école Ozar Hatorah avaient le plus grand mal, hier, à mettre des mots sur la scène d’horreur à laquelle ils avaient assisté. ‘‘Annie’’ (le prénom a été modifié), une adolescente, a croisé le tueur. ‘‘J’allais à l’école, j’étais en retard, relate-t-elle. Mon père m’avait déposée un peu plus loin, au faubourg Bonnefoy. Je suis descendue, je marchais. Je m’approchais, j’ai entendu plein de coups de feu, je pensais que c’était des pétards. J’ai avancé, j’ai vu un homme à moto qui arrivait face à moi avec une mitraillette pas très grande. J’ai pris une petite fille sous mon bras et je me suis cachée derrière une voiture. Quand il est parti, je suis rentrée dans l’école. Je suis montée dans la synagogue et par la fenêtre, j’ai vu une petite fille dans l’entrée qu’on ranimait. Il y avait beaucoup de sang. Tout le monde criait. J’ai vu beaucoup de sang.’’

Pierre, parent d’élève, a été prévenu par sa fille quelques minutes après la fusillade. ‘‘Elle a eu le tueur en face, décrit-il. Moi je suis arrivé très vite. J’ai vu les deux petits corps…’’

Certains parents ont pu visionner les images de vidéosurveillance. L’un d’entre eux témoigne : ‘‘On a vu le tueur posté devant le collège, debout avec son casque. Deux voitures déposaient les enfants. Dès que ça a été fini, il a ouvert le feu. Un enfant s’est enfui, il l’a rattrapé et l’a reflingué. On le voit rentrer à fond pour achever une victime, c’est terrible. Puis il est ressorti et il est reparti sur un scooter blanc. Ma fille l’a vu armé’’. Les enfants attendaient devant le collège. ‘‘La mère de la petite fille tuée a tout vu’’.

Une collégienne de 12 ans relate : ‘‘Quand ça s’est passé, j’étais en train de me préparer pour la prière. Tout à coup, une copine a entendu un coup de fusil. On ne savait pas ce que c’était. On ne pensait pas que c’était un coup de feu.’’ Elle poursuit : ‘‘Mais on a vu une fille qui est entrée avec la main rouge…’’ Elle s’interrompt : ‘‘Et puis il a tué le père et mis l’arme sur les deux enfants…’’. Les blessures du jeune homme de 17 ans sont d’abord passées inaperçues. ‘‘On ne savait pas qu’il était blessé, explique un témoin. Un de ses copains de l’internat a prévenu. En fait il avait couru dans sa chambre. Il était sur son lit. Il ne parlait plus, il geignait.’’

Après la fusillade, les jeunes filles ont été conduites à l’étage de la synagogue, les garçons au réfectoire. Beaucoup de parents sont arrivés dans la confusion : ‘‘Ils fondaient en larme quand ils ont vu les corps, ils imaginaient que c’était leurs enfants’’. »

Tel était le sinistre bilan de Mohamed Merah, piètre et lâche « combattant ».

°°°

La double attaque contre des militaires français était déjà extrêmement grave ; mais celle contre l’école Ozar Hatorah et l’assassinat d’enfants juifs changeait évidemment la dimension du drame, avec un emballement médiatique immédiat et compréhensible. La Dépêche du Midi titrait le 19 mars 2012 : « Le choc et l’effroi après la tuerie devant un collège juif à Toulouse » et les réactions s’enchaînèrent, sans doute pour la plus grande satisfaction du tueur qui n’avait pas encore été identifié.

À 8 h 50, Cécile Duflot, première figure politique à réagir, avait tweeté : « Très émue à l’annonce d’une fusillade devant l’école de Toulouse. Pense aux familles et aux enfants ».

À 10 h 35, le procureur de la République de Toulouse annonçait que « la fusillade a fait quatre morts, dont trois enfants selon un nouveau bilan. »

À 10 h 38, des éléments sérieux laissaient supposer un lien entre la fusillade de l’école juive et les meurtres des militaires, selon le procureur. Une source proche de l’enquête avait indiqué précédemment que cela « ressemble beaucoup (…). On est inquiets ».

À 10 h 42, le président de la République Nicolas Sarkozy partit « immédiatement pour Toulouse », en compagnie du ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel, du président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Richard Prasquier et du grand rabbin de France Gilles Bernheim.

À 10 h 43, François Hollande se rendit immédiatement à Toulouse « par solidarité » avec la communauté juive.

À 10 h 46, le procureur précisa que le tueur de Toulouse « a tiré sur tout ce qu’il y avait en face de lui ». L’homme avait utilisé une arme, sans doute du 9 mm, à l’extérieur du collège et cette arme s’était enrayée. À l’intérieur de l’établissement, il avait eu recours à une autre arme de calibre 11.43.

À 10 h 48, sur LCI, le grand rabbin de France Gilles Bernheim demanda aux autorités de « tout mettre en œuvre pour arrêter au plus vite le ou les coupables et renforcer la sécurité dans les écoles et les synagogues ; nous invitons la communauté juive à la plus grande vigilance ».

À 10 h 56, le Conseil de Paris observa à son ouverture une minute de silence pour les victimes de la fusillade. « Notre émotion est immense, la France est blessée à travers ces drames », avait déclaré le maire de Paris Bertrand Delanoë.

À 11 heures, la candidate du FN à l’Élysée, Marine Le Pen, condamna « la fusillade criminelle qui a frappé une école privée juive à Toulouse » et demanda « aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour empêcher un nouveau drame ».

À 11 h 05, pour certains des membres de la communauté juive de Toulouse, il s’agissait d’un acte antisémite. « C’est un attentat antisémite, abominable, obscurantiste, ce qu’on voit de pire. On a tiré sur des gosses », déclara Charles Bensemoun, père d’un enfant à l’abri dans l’établissement.

À 11 h 10, un périmètre de sécurité avait été établi autour de tous les établissements scolaires juifs de Toulouse, avait indiqué la secrétaire générale de la préfecture de la Haute-Garonne.

À 11 h 13, il fut annoncé que les personnes tuées étaient un enseignant en religion de 30 ans, ses enfants de 6 et 3 ans, et un autre enfant de dix ans.

À 11 h 22 « C’est la France tout entière et tous les Français qui sont atteints. Cet acte ignoble et barbare ne saurait rester impuni », réagit le président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer sur Twitter.

À 11 h 26, pour la Conférence européenne des rabbins, cette fusillade était « un acte de barbarie » qui « aura une réponse juive. S’il y a des gens qui veulent effrayer la communauté juive, notre réponse est que nous ne nous laisserons pas intimider ».

À 11 h 32, l’ambassadeur d’Israël en France, Yossi Gal, se rendit à Toulouse pour « rencontrer les chefs de la communauté juive, les autorités françaises et les familles des victimes ». Israël était « horrifié » et se fiait à Paris « pour faire toute la lumière » sur cet événement, déclarait le ministère israélien des Affaires étrangères.

À 11 h 34, le ministère de l’Intérieur annonça un renforcement de la surveillance autour de « tous les lieux confessionnels en France et particulièrement aux abords des écoles israélites ».

À 11 h 36, le parquet antiterroriste de Paris s’était saisi des trois enquêtes sur la fusillade de Toulouse et les meurtres de militaires à Toulouse et Montauban, des « faits qualifiés d’assassinat et tentatives d’assassinat en lien avec une entreprise terroriste ».

À 11 h 37, Nicolas Sarkozy était arrivé sur les lieux du drame.

À 11 h 46, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle, dit sa « plus vive émotion » : « Après les meurtres de Montauban, ceux de Toulouse semblent indiquer une démence raciste des criminels. S’il est trop tôt pour en être sûr, il est certain que cela ajouterait l’ignominie au crime ».

À 11 h 49, une écolière de 6 ans, Alexia, raconta : « Je suis arrivée à l’école pour faire la prière. Cinq minutes après, on a entendu des coups de feu, on a eu très peur. Nous avons été ensuite pris en charge, regroupés dans une salle, nous avons prié tous ensemble en attendant que nos parents arrivent ».

À 11 h 56, Benoît Hamon, porte-parole du PS, déclara que la campagne présidentielle était « suspendue pour honorer la mémoire des victimes ». « Au nom du PS », il exprima son « horreur » face à cet « assassinat antisémite ».

À 11 h 59, le procureur de Toulouse Michel Valet annonça que la personne très grièvement blessée dans la fusillade était un adolescent de 17 ans, qui se trouvait entre la vie et la mort dans un hôpital toulousain.

À 12 h 03, l’ensemble des services de la Direction centrale de la police judiciaire furent mobilisés pour l’enquête, soit des milliers d’hommes et de femmes.

À 12 h 09, le Congrès juif européen (EJC), par la voix de son président Moshe Kantor, demanda aux autorités françaises de « tout faire » pour retrouver l’auteur de la fusillade.

À 12 h 18, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant quitta l’aéroport d’Orly pour Toulouse peu avant midi dans un vol spécialement affrété. François Hollande était lui attendu à Orly, où il devait prendre un vol régulier pour Toulouse.

À 12 h 20, il fut rappelé que cette fusillade était la première visant des juifs depuis celle menée contre le restaurant Goldenberg, rue des Rosiers à Paris, le 9 août 1982, qui avait fait 6 morts et 22 blessés.

À 12 h 22, le président du Conseil français du Culte musulman, Mohamed Moussaoui, s’était dit « horrifié » par « cet acte criminel indescriptible ». Il avait tenu « à exprimer toute sa solidarité et celle des musulmans de France » à l’ensemble de la communauté juive.

À 12 h 26, un proche de la victime avait indiqué à l’AFP que l’adulte tué dans la fusillade devant l’école juive de Toulouse était un Franco-Israélien originaire de Jérusalem : « Jonathan Sandler était parti en septembre dernier pour une mission de deux ans pour enseigner les matières juives à Toulouse ».

À 12 h 27, le porte-parole de la Conférence des évêques de France, Bernard Podvin, exprima sa « très vive indignation ». Il n’y a pas de mots pour condamner cet acte effroyable mené contre des personnes sans défense », dit-il. « Ce soir à 17 h 45, un temps de prière sera consacré à Notre Dame à l’intention des victimes ».

À 12 h 28, la Commission européenne condamna un « crime odieux », par la voix de son président José Manuel Barroso.

À 12 h 29, Nicolas Sarkozy déclara que la fusillade de Toulouse était une « tragédie nationale » et il décréta une minute de silence dans les écoles le lendemain.

À 12 h 31, au terminal Ouest d’Orly, en attendant François Hollande qu’il devait accompagner à Toulouse, l’ancien président du Conseil représentatif des institutions juives Théo Klein évoqua un événement « effroyable », mais ne souhaita pas faire plus de commentaires sans connaître les tenants et aboutissants de l’enquête.

À 12 h 32, la ministre belge de l’Intérieur demanda aux services de police d’exercer une « vigilance particulière » des intérêts juifs en Belgique, « en particulier des lieux d’enseignement juifs ».

À 12 h 38, le candidat du MoDem à l’élection présidentielle, François Bayrou, affirma que le pays a besoin « des gestes les plus forts d’unité nationale », qualifiant la fusillade de Toulouse de « tuerie antisémite ». « C’est une horreur préméditée dont on voit les intentions perverses et haïssables », avait-il dénoncé auprès de l’AFP. Le leader centriste devait se rendre à une cérémonie de recueillement à la grande synagogue de Toulouse.

À 12 h 44, le président Nicolas Sarkozy se dit « interpellé par les similitudes du mode opératoire » des tueries successives mais ajouta qu’il « faut attendre les résultats de l’enquête judiciaire ».

À 12 h 53, le président de la Licra, Alain Jakubowicz souligna que ce sont « l’ensemble de nos concitoyens qui sont visés » par la fusillade et il appela à une « cohésion sociale » des Français autour de ce drame. L’association SOS Racisme évoqua, elle, la possibilité d’une série de « crimes racistes ».

À 13 h 07, Nicolas Sarkozy déclara que « nous ne devons pas céder face à la terreur, (…) les écoles doivent continuer de fonctionner, les gens doivent pouvoir continuer de pratiquer leur religion ».

À 13 h 13, Nicolas Sarkozy et le premier Ministre François Fillon demandèrent « que des moyens exceptionnels soient engagés pour la conduite de l’enquête et pour la sécurisation des écoles et des lieux de cultes ». La lutte « contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de xénophobie » restait « un engagement fort et constant du gouvernement », ajouta François Fillon.

À 13 h 16, Marine Le Pen demanda à France 2 de reporter son débat avec Eva Joly et Arnaud Montebourg, prévu en soirée dans l’émission Mots croisés. « Suspendre le temps politique aujourd’hui est un signe de compassion et de solidarité », estima-t-elle.

À 13 h 25, le ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, qui avait accompagné le chef de l’État au collège-lycée Ozar Hatorah, précisa que la minute de silence annoncée par Nicolas Sarkozy aurait lieu le lendemain « à 11 heures précises » dans tous les établissements scolaires du pays.

À 13 h 58, à Marseille, le préfet de la région Paca réunit les représentants de la communauté juive pour « les assurer de son soutien et de son aide et pour rassurer l’ensemble de nos concitoyens de confession israélite, notamment les parents d’élèves et les responsables d’établissements gérés par la communauté juive ».

À 14 h 02, le maire (PS) de Toulouse Pierre Cohen annonça que le carnaval prévu le mercredi et tous les événements festifs des prochains jours à Toulouse étaient annulés ou reportés « car Toulouse et sa région sont traumatisés », un traumatisme « aussi fort que la tragédie d’AZF ». Le maire de Toulouse se dit « horrifié par cet acte abominable » : « Je demande au Préfet de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des lieux publics, notamment des lieux de culte, à Toulouse. Je serai par ailleurs extrêmement attentif au déroulement de l’enquête. Je souhaite que la lumière soit faite au plus vite afin que l’auteur de cet acte inqualifiable soit interpellé et jugé. »

À 14 h 27, le chef de la diplomatie Alain Juppé commenta le déplacement de Sarkozy sur Twitter. « La présence de @NicolasSarkozy atteste de la volonté de faire en sorte que l’auteur de cet assassinat soit arrêté et déféré devant la justice AJ ». Dans un second tweet : « C’est aussi la volonté d’assurer la protection des établissements juifs notamment. J’y suis tout particulièrement attentif à Bordeaux. AJ »

À 14 h 31, ce furent de nouvelles réactions en Israël : le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, estima que « seule une personne possédée par le démon peut massacrer de cette façon des enfants dans une école ». Le président de la Knesset, le parlement israélien, Reuven Rivlin, souligna que cette attaque était dirigée contre les juifs et Israël. « Des enfants juifs et un enseignant ont été tués ce matin parce qu’ils étaient Juifs ».

À 14 h 38, une synagogue du centre de Toulouse annonça qu’elle tiendrait un office religieux à la mémoire des victimes, à 17 heures.

À 14 h 50, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu condamna un « meurtre odieux de juifs, dont des petits enfants ». « Il est trop tôt pour savoir précisément quelles sont les circonstances de cet acte meurtrier, mais nous ne pouvons pas écarter la possibilité qu’il a été motivé par un antisémitisme violent et sanglant ».

À 14 h 53, le Premier ministre François Fillon annula son déplacement dans le Rhône - où il devait notamment tenir un meeting de soutien à Nicolas Sarkozy -, à la suite des « événements tragiques survenus » à Toulouse.

À 14 h 57, François Hollande arriva à son tour sur les lieux du drame. Le journaliste de La Dépêche du Midi Dominique Delpiroux décrivit ainsi ce déplacement du candidat socialiste à l’élection présidentielle : « Le regard soucieux, le visage fermé. François Hollande est ému. À son arrivée à l’aéroport, il glisse : ‘‘Je m’exprimerai sur place.’’ À ses côtés, Manuel Valls et Élisabeth Guigou lui emboîtent le pas rapidement. Le candidat est accueilli dans le hall des arrivées par le maire de Toulouse Pierre Cohen, et le sénateur de Tarn-et-Garonne Jean-Michel Baylet, ainsi que de nombreux élus de la ville. Le cortège arrive dans la petite rue, précédé d’une forêt d’objectifs. Au milieu de la chaussée, rencontre improvisée avec le grand Rabbin de France Gilles Bernheim : ‘‘Toutes les communautés sont bouleversées’’, dit le religieux. ‘‘Tous les enfants de France sont touchés’’, répond François Hollande. Qui s’arrête devant la porte en fer. Longuement. C’est là que sont tombées des victimes. Le recueillement est intense, autant qu’il peut l’être dans un tohu-bohu de caméras et de micros. Puis on s’engouffre dans la cour de ce collège discret, aux murs clairs, dans une cour égayée d’un petit palmier et d’un laurier. François Hollande va rester un très long moment avec son équipe pour rencontrer les responsables de l’école et ceux de la communauté juive : Nicole Yardeni, présidente du Crif de Midi-Pyrénées, Arié Bensehmoun, président de la communauté juive de Toulouse, les autorités religieuses… ‘‘Il a voulu faire part de sa douleur partagée, il a insisté sur la sécurité due à chaque communauté, et rappelé que c’était la République qui était attaquée’’, indique Kader Arif, député européen. ‘‘C’est un drame effroyable, déclare Arié Bensehmoun, à l’issue de l’entretien. Toulouse a été victime de nombreux actes antisémites ces dernières années. Nous voulons poser la question du « vivre ensemble » Il faut une union nationale sans faille face au réveil de « la bête immonde ».’’ Et Arié Bensehmoun d’ajouter, la voix étranglée : ‘‘Je n’arrive toujours pas moi-même à y croire…’’. François Hollande sort à son tour dans la cour. ‘‘Je suis venu ici pour dire mon émotion, devant ce crime horrible, devant ces meurtres d’enfants, devant cette ignominie… Je voulais exprimer aux familles de cette école juive toute ma solidarité. Ce n’est pas une école, des juifs, une ville, qui ont été touchés, c’est la France tout entière. C’est donc la République, dans son intégrité dans ce qu’elle a de plus grand, de plus fort, son unité, qui doit répondre à cette barbarie.’’ Et il rajoute : ‘‘L’assassin doit être retrouvé et le plus tôt sera le mieux, car il représente un danger majeur.’’ Et de conclure : ‘‘La République, c’est la laïcité. La République doit nous rendre plus fort, elle sera capable de se défaire de la barbarie.’’ Pour François Hollande, la campagne électorale ‘‘est suspendue par ce drame’’. Sur place, très ému aussi, Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées : ‘‘Tirer sur des enfants, c’est l’abomination de l’abomination. Nous avons affaire à un serial killer comme notre pays n’en a jamais connu.’’ Jean-Michel Baylet parle ‘‘d’horreur, de monstruosité’’. Avant de partir, François Hollande a parlé avec le directeur du collège qui a perdu sa fille de 8 ans, exécutée par le tueur. Une rencontre hors caméras. »

À 15 h 01, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, qui visitait l’école Ozar Hatorah frappée par le drame, déclarait : « Comme tous mes compatriotes, je suis submergé par l’émotion après cet évènement très grave, c’est un acte antisémite qui a été porté contre des enfants juifs ».

À 15 h 03, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) appela à une marche silencieuse à 20 h 30 à Paris. Elle se déroula après une lecture de psaumes en début de soirée à la synagogue Nazareth, dans le IIIe arrondissement.

À 15 h 07, France 2 décida d’annuler son émission « Spéciale présidentielle » prévue le soir à 22 h 15 avec comme invitée principale Marine Le Pen. Par respect pour les victimes, la candidate du FN avait demandé le report de cette émission, durant laquelle elle devait débattre avec Arnaud Montebourg et Eva Joly.

À 15 h 12, le site de l’hebdomadaire Le Point évoqua une « piste » après le meurtre des trois militaires de Montauban et Toulouse. Sans citer de sources, le site rappela qu’en 2008, le 17e régiment de génie parachutiste de Montauban « s’était fait tristement connaître » avec la dénonciation en son sein de trois militaires, des « branquignols » proches des mouvements « néonazis ». Trois soldats avaient été renvoyés. « Le portrait type de ces sinistres personnages correspond aux maigres signalements dont disposent les enquêteurs pour identifier le tueur fou de Toulouse : tout en muscle, tatoué et vêtu de noir », écrivait LePoint.fr.

À 15 h 19, les États-Unis condamnèrent « l’horrible attentat » de Toulouse, par la voix de leur ambassadeur à Paris.