La maison dans la forêt - Jeanne-Marie Delly - E-Book

La maison dans la forêt E-Book

Jeanne-Marie Delly

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Beschreibung

Idyllique, et pourtant sinistre ... c'est une atmosphère toute de contraste que découvre le jeune Gilbert de Clercy, à peine arriver chez son grand-père, dans le château familiale au coeur du jura... Il y a l'intendant Bartholo et son fils Giuseppe, deux intrigants dans l'emprise sur le vieil homme grandit de jour en jour et cache de sombres desseins ... Il y a surtout, cachée au coeur des bois la maison abandonnée, où plane un angoissant mystère ... Gilbert, ardent et courageux, parviendra-t-il à en percer le secret?

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La maison dans la forêt

DellyIIIIIIIVVVIVIIVIIIIXPage de copyright

Delly

La maison dans la forêt

I

Le commandant de Clercy traversa la grande antichambre un peu sombre et demanda à la servante qui allait et venait dans la salle à manger, pour mettre le couvert :

– M. Gilbert est-il rentré, Louise ?

– Oui, monsieur, il vient d’arriver. Je pense qu’il est dans sa chambre.

M. de Clercy ouvrit une porte, longea un couloir maigrement éclairé par deux impostes haut placées, et entra dans une pièce de belles dimensions, à deux fenêtres ouvrant sur un vieux jardin silencieux.

Assis devant une table, un très jeune homme écrivait. Il leva la tête, et ses yeux foncés, calmes et sérieux, sourirent à l’arrivant.

– Tu travailles, Gilbert ?

Tout en parlant, M. de Clercy s’avançait. Il mit sa main sur l’épaule de son fils, en enveloppant d’un regard affectueux le jeune visage aux traits déjà virils, à la bouche ferme et résolue.

– Non, mon père, j’écrivais à Helcker pour lui annoncer que vous m’autorisiez à accepter son invitation pour le mois d’août.

M. de Clercy prit une chaise, et s’assit près de son fils. Des taches de lumière, que formait le soleil passant entre les interstices des volets clos, dansèrent sur le visage maigre et brun, sur les cheveux foncés où paraissaient de nombreux fils d’argent, sur le drap bleu de la tenue d’officier de dragons.

– Écoute, mon enfant, j’ai réfléchi à quelques chose... Et je viens te demander de faire le sacrifice de ce plaisir, pour remplir un devoir.

Un peu de surprise apparut sur la physionomie de Gilbert.

– Un devoir ? Lequel donc, mon père ?

M. de Clercy passa lentement la main sur sa longue moustache. Son regard s’abaissa un instant vers une grande photographie posée sur la table de travail. Elle représentait sa femme, morte à trente ans, la mère de Gilbert, à qui le jeune homme ressemblait. Mince et souple, Mme de Clercy s’appuyait au dossier sculpté d’un fauteuil, et ses beaux yeux pensifs semblaient considérer avec tendresse les deux hommes unis par une forte et confiante affection.

– Voici ce que j’ai pensé, Gilbert : il faut que ton bisaïeul te connaisse, et pour cela, tu dois aller le trouver là-bas !

Gilbert, en s’accoudant à la table, appuyait contre sa main repliée sa joue mate. La perspective ne semblait pas lui sourire. Cependant, il ne protesta pas. Dès l’enfance, on l’avait habitué à l’idée du devoir. Il dit seulement :

– Mais me recevra-t-il ?

– Je l’ignore. Il faut essayer en tout cas. Ce serait le désir de ta pauvre mère, si elle vivait.

Le commandant se tut un moment. Son regard suivait machinalement le vol d’une mouche, à travers la chambre. Gilbert avait repoussé la feuille de papier déjà en partie couverte de sa ferme écriture, et il attachait sur son père ses yeux bruns, qui interrogeaient. M. de Clercy les rencontra quand il tourna de nouveau la tête vers le jeune homme.

– Tu voudrais savoir pourquoi M. de Sernailles a tenu rigueur à ta mère, et a toujours refusé de te connaître, Gilbert ? Mon intention était de te le dire aujourd’hui, afin que tu saches bien à quelles difficultés tu vas te heurter, à quelles impossibilités, peut-être. Mais, n’importe, notre devoir est de tenter que tu prennes près de ton bisaïeul la place qui est la tienne, et que des étrangers usurpent injustement,

– Des étrangers ?

– Oui... Quand je connus ta mère, Marguerite de Sernailles, elle était orpheline depuis plusieurs années, et vivait à Dijon chez une tante de sa mère, cette bonne Mme de Rancy, que tu as vue dans ta petite enfance. Son grand-père du côté paternel, le baron de Sernailles, l’avait exilée loin de lui, à la suite d’un terrible événement dont il la rendait responsable... Marguerite, enfant, habitait avec son jeune frère Thierry au Château de Caubreterre, chez l’aïeul. Celui-ci idolâtrait son petit-fils ; Thierry seul existait à ses yeux, et il ne se cachait pas pour le déclarer, fût-ce en présence de Marguerite. La pauvre enfant en souffrait, et, parfois le laissait voir. Mais, nature bonne et délicate, elle réprimait toutes les pensées de jalousie à l’égard de ce petit frère d’ailleurs tendrement aimé. Ce qui n’empêcha pas, cependant, qu’elle fût accusée par l’aïeul, fou de douleur, lorsqu’un matin on rapporta à Caubreterre le cadavre de Thierry, retiré de l’étang par un bûcheron. Les deux enfants étaient sortis ensemble, et Thierry, très indiscipliné, avait entraîné sa sœur vers cet endroit défendu. Tandis que Marguerite cueillait des fleurs, le petit garçon s’approchait sans bruit de l’étang. Quand la fillette se détourna, en entendant un appel étouffé, elle vit Thierry qui se débattait dans l’eau et qui enfonçait. Elle jeta des cris perçants, qui firent accourir un bûcheron occupé à la lisière de la forêt. Mais déjà, l’enfant avait disparu. Cet homme, bon nageur, se jeta à l’eau, plongea et réussit à atteindre le petit corps, qu’il ramena sur la berge. Puis, bien vite, il l’emporta au château. Mais tous les soins furent impuissants à y ramener la vie. Et deux jours plus tard, on conduisait à l’église du village le cercueil du dernier descendant des Sernailles, que suivait un vieillard courbé, qui se traînait au bras de son intendant.

« Pendant ce temps, au château, Marguerite délirait. Une fièvre violente l’avait saisie, et la tint pendant quelques jours entre la vie et la mort. Elle guérit cependant. Et, à peine commençait-elle à se lever, que M. de Sernailles, sans l’avoir revue, l’envoyait chez sa tante de Rancy. Jamais plus elle ne devait revenir à Caubreterre. Les lettres qu’elle écrivit à l’aïeul, pendant la première année de cet exil, restèrent sans réponse. Et un jour, Mme de Rancy lui dit : « Écoute, mon enfant, j’ai reçu un mot de M. de Sernailles. Il demande que tu ne lui écrives plus. » Et elle expliqua à l’enfant que son grand-père n’avait plus tout à fait ses idées depuis la mort de Thierry, qu’il ne fallait pas le contrarier, que plus tard elle pourrait peut-être retourner à Caubreterre...

« Marguerite ne connut la vérité que lorsqu’elle fut jeune fille : M. de Sernailles était persuadé – ou on lui avait persuadé – qu’elle s’était, volontairement, abstenue de surveiller son frère, après l’avoir entraîné vers ce lieu dangereux et interdit.

« Plus d’une fois, elle m’a dit ce que fut pour elle cette révélation. Aussitôt, elle écrivit à son grand-père pour protester contre l’erreur affreuse et lui faire connaître la douleur qu’elle lui causait. Elle le suppliait de la recevoir, afin qu’elle pût le convaincre elle-même de son entière innocence. Mais cette lettre, comme les autres, resta sans réponse.

« Alors, avec l’approbation de Mme de Rancy, Marguerite partit un jour pour le Jura, accompagnée d’une vieille femme de chambre, et se présenta à Caubreterre. Ce fut l’intendant qui la reçut. Il lui dit avoir des ordres formels de M. de Sernailles, fermant à jamais sa porte à sa petite-fille. Marguerite insista vainement. Le cœur lourd, elle dut s’éloigner. Après cela, elle ne fit plus d’autre tentative. Quand il fut question de son mariage avec moi, elle demanda par écrit l’autorisation de son aïeul. Il la lui envoya en quelques mots brefs, en ajoutant que son notaire était chargé de régler toutes les questions d’intérêt, car, jusqu’ici, tuteur de sa petite-fille, il avait administré la fortune qui lui venait de sa mère. Pas un banal souhait de bonheur n’était joint à ce glacial billet. Je me rappelle comme ta pauvre mère pleura, ce jour-là... Au moment de ta naissance, elle annonça à M. de Sernailles l’heureux événement. Puis, plus tard, quand tu eus six ans – l’âge auquel était mort son frère – elle lui envoya ta photographie. Il paraît que tu ressemblais d’une manière frappante à Thierry, et elle pensait que cette vue attendrirait l’implacable aïeul. Mais rien, toujours rien... C’était l’épine de sa vie, pauvre Margueritte. À ses derniers moments, elle me dit : « Tâche que grand-père connaisse Gilbert, et qu’il sache que sur mon lit de mort, j’ai affirmé n’avoir été coupable que d’étourderie. » C’est ce vœu que je te demande aujourd’hui d’exaucer, mon enfant.

Gilbert avait écouté avec une attention profonde, À mesure que le commandant avançait dans son récit, l’émotion devenait plus vive dans les beaux yeux expressifs. Quand M. de Clercy se tut, le jeune homme mit sa main sur celle de son père, en disant :

– Je le ferai, cher père. Oui, je comprends combien a dû souffrir ma pauvre maman ! Quelle longue, quelle terrible rancune ! Mais peut-être M. de Sernailles n’a-t-il plus, depuis cet événement, sa raison très nette ?

– Nous avons fait prendre de discrets renseignements dans le pays. Il vivait solitaire, se promenant de préférence dans la forêt, causant avec les bûcherons. Il parlait de façon sensée, lisait beaucoup, et paraissait, en résumé, jouir de toutes ses facultés. Il y a une dizaine d’années de cela. Aujourd’hui il a quatre-vingt-onze ans. Récemment, j’ai écrit au curé pour m’informer à son sujet. Il paraît qu’il se promène moins, qu’il se courbe beaucoup et donne l’impression d’un homme près de la tombe. Toujours on le voit au bras de son intendant. Et c’est de cet homme que je veux te parler maintenant, Gilbert. Il était déjà le « factotum » tout-puissant de M. de Sernailles, à l’époque où mourut Thierry. C’est un étranger – un Italien. Ce Bartholo Cledini a de bonnes manières, une certaine instruction et s’occupe avec beaucoup de zèle des intérêts de son maître. Il est marié à une femme de son pays, de bonne famille, assure-t-on, et il a un fils, marié également. Tout ce monde vit à Caubreterre, aux frais de M. de Sernailles... Et l’on dit que Bartholo a sur ce vieillard la plus complète influence. Souple, insinuant, il s’est rendu indispensable depuis longtemps... oui, depuis bien longtemps, puisque ta mère se souvenait qu’au temps où, petite fille, elle vivait à Caubreterre, l’intendant était toujours écouté et consulté. Pour son compte, elle le détestait, en dépit de ses cajoleries. Mais Thierry l’avait en grande affection parce qu’il flattait ses défauts d’enfants. Fût-ce lui qui insinua à M. de Sernailles l’odieux soupçon ? Marguerite en avait l’idée. Et plus j’y réfléchis, plus je me demande si elle ne devinait pas juste – d’autant mieux que, réussissant à éloigner la seule héritière légitime du vieillard, l’étranger avait toute liberté pour circonvenir cet homme accablé par le chagrin, et se faire donner une partie du bel héritage des Sernailles.

Gilbert dit vivement :

– Ah ! mais oui ! Mais oui ! Ce doit être cela ! Et ils doivent se croire les maîtres, aujourd’hui... les maîtres de Caubreterre, le vieux domaine de mes ancêtres. Voilà qui serait beau à voir ! Mais je le leur disputerai, mon père !

Il se redressait, et son jeune visage s’éclaira de résolution virile.

Le père approuva, avec un regard d’affectueuse fierté.

– Très bien, mon enfant. Ah ! si ton grand-père pouvait te voir en ce moment, comme il te reconnaîtrait bien de sa race ! Comme, j’en suis sûr, il rejetterait loin de lui tous ces étrangers ! Tu ressembles tellement à son fils, le père de ta mère et du petit Thierry, dont nous avons la photographie dans notre album ! Physiquement, tu es beaucoup plus Sernailles que Clercy et cela ne peut manquer de te servir puissamment en la circonstance.

– Oui... si ces gens me laissent pénétrer près de mon grand-père.

– Là se trouve toute la difficulté. Il faudra, cependant, tenter tout le possible, Gilbert.

– Oui, je vous le promets. Car je veux faire rendre justice à ma pauvre mère et confondre ces misérables usurpateurs.

Son regard s’abaissa vers la photographie de Mme de Clercy et s’adoucit en souriant à l’image maternelle.

II