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Extrait : "TOURTEROT, en dehors, à droite, parlant à Médard : Enfin un déjeuner chicocandard ! MÉDARD, près de la porte, à droite, répondant : Chococandard... c'est clair... je comprends parfaitement... ( Descendant la scène. ) Eh bien, non !... à présent que je suis seul... je peux m'avouer ça à moi-même... je n'y comprends rien du tout !... mon nouveau maître a un si drôle de jargon !... Il paraît que c'est depuis son voyage à Paris !... Ah ! il a de drôles de mots..."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier
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Seitenzahl: 38
EAN : 9782335055023
©Ligaran 2015
OU LA GRAMMAIRE DE CHICARD
COMÉDIE-VAUDEVILLE
EN UN ACTE
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du PALAIS-ROYAL, le 6 novembre 1844.
Le théâtre représente un salon avec trois grandes portes ouvertes au fond sur un jardin. – Portes à droite et à gauche. – Chaises, fauteuils, etc.
POUPARDIN, négociant, père de Camille.
TOURTEROT, propriétaire, père de César.
CÉSAR médecin.
GÉLINOTTE, avoué.
MÉDARD, domestique de Tourterot.
CAMILLE, fille de Poupardin.
La scène se passe à Châtellerault.
Médard, seul ; puis, Tourterot.
Enfin un déjeuner chicocandard !
Chicocandard… c’est clair… je comprends parfaitement… (Descendant la scène.) Eh bien, non !… à présent que je suis seul… je peux m’avouer ça à moi-même… je n’y comprends rien du tout !… mon nouveau maître a un si drôle de jargon !… Il paraît que c’est depuis son voyage à Paris… Ah ! il a de drôles de mots tout de même : chicard… chicandard… chicocandard !… un vrai tintamarre !… quoi… Si bien que je suis toujours à me demander ce qu’il a dit, trois quarts d’heure après qu’il a parlé… C’est ma faute, bien sûr, c’est ma faute…
La !… voilà mon écriteau terminé… Médard !…
Monsieur !
Tu vas m’accrocher ça au-dessous du balcon.
Oui, monsieur.
Qu’est-ce que tu dis de ça, toi ? À brocanter, joli petit bazar entre cour et jardin.
Vous avez un bazar à… ?
Mon bazar ou ma souricière, comme tu voudras.
Ah !
Ah !… Il ne comprend pas !… quel serin que ce Médard ! Mais je te pardonne… tu n’es pas forcé de connaître les progrès de la langue ; tu es de Châtellerault… il faut te parler le patois de Châtellerault… Toi, tu mettrais tout bêtement : À vendre, jolie petite maison, entre cour et jardin.
Vous vendez votre maison ?
Oui, je… certainement, (À part.) C’est une couleur, mais qu’il l’ignore.
Eh bien, franchement, je n’aurais jamais compris…
Vous êtes si melons à Châtellerault !
Possible ; mais, quand on s’adresse aux melons… qu’on veut être compris des melons, m’est avis qu’il faut leur parler le langage… melon.
Cet esclave pourrait dire vrai… Alors, va prendre l’ancien écriteau qui est dans le grenier… Mais que va dire mon fils à son arrivée, en retrouvant sa paternité si rococote !
Votre fils ?
Oui, mon fils, mon moucheron, qui arrive aujourd’hui de Paris, le foyer du beau langage… Il m’appellera perruque… Ah ! dame ! c’est qu’il en pince crânement, lui !… Si tu l’entendais ! quelle platine !
À Paris, tout le monde parle donc comme ça ?
Tout le monde ?… Ah ! non ; les gens de la haute seulement, ceux qui donnent le ton… Il y a dix-huit mois, quand j’ai été passer une quinzaine avec mon jeune homme, alors simple carabin, je sentais mon Châtellerault d’une lieue, j’étais ce que l’on appelle un vrai cruchon ; mais peu à peu je m’y suis mis, je me suis fait présenter dans les meilleures sociétés… Il y avait surtout un ami de César, un nommé le père Lahire… Ah ! les belles fêtes de nuit qu’il nous a données, celui-là, dans son parc, boulevard Mont-Parnasse !… c’était princier… illuminations à giorno, orchestre, Musard, montagnes russes et gardes municipaux… toutes les douceurs de la vie !… Ah ! je peux dire que j’ai goûté des plaisirs bien purs dans cette chaumière !… J’y ai vu la jeunesse dorée, tout ce qu’il y a de plus flambart dans la capitale, et il m’en est resté un certain vernis… Ah ! si César n’avait pas cessé tout à coup de m’écrire, je dialoguerais aujourd’hui d’une façon un peu mouchique !
Comment ! est-ce que, dans ses lettres, monsieur votre fils…
Il écrit comme il parle… Quel style ! comme c’est fignolé !… Tu n’es pas sans avoir entendu parler de madame Sévigné… Eh bien, franchement, ça la dégotte… Mais je ne sais pas pourquoi, depuis qu’il a été reçu docteur, depuis six mois environ… n-i, ni, fini, bonsoir à vos poules, plus de correspondance… Et moi qui avais besoin d’être entretenu dans la chose… je me rouille… je me dégomme… je rentre dans mon vieux cabriolet.
Il tire une tabatière à portrait de sa poche et prend une prise.
Ah ! la belle femme !
Tu trouves ? Eh ! eh ! eh !… c’est mon épouse, la défunte à papa… (Il se désigne du geste.) Un assez beau faciès, hein ?… ça flatte un veuf… Allons, va mettre l’écriteau, va !
J’y cours, bourgeois, j’y cours !
Il remonte.