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Extrait : "AGÉNOR : À qui de faire ? MARTIN : À toi, capitaine. (Pendant qu'Agénor donne.) Quel beau jeu que le bésigue ! AGÉNOR : C'est attachant et ça n'absorbe pas. MARTIN : On peut causer... on s'arrête... on repart... c'est une voiture à volonté... Avec le bésigue, nous tuons agréablement trois heures par jour, l'un dans l'autre."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
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Seitenzahl: 89
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335055979
©Ligaran 2015
FERDINAND Martin.
HERNANDEZ MARTINEZ.
AGÉNOR MONTGOMMIER.
EDMOND BARTAVELLE.
PIONCEUX, domestique de Martin.
LOÏSA, femme de Martin.
BATHILDE BARTAVELLE.
GROOSBACK, servante d’auberge.
Le premier acte à Paris, chez Martin. Le deuxième à Chamounix, et le troisième à la Handeck.
Le théâtre représente un petit salon bourgeoisement meublé. – Au premier plan, à droite, une cheminée avec glace. – Au deuxième plan, une porte. – Au deuxième plan, à gauche, une porte. – Portes dans les pans coupés. – Porte d’entrée au fond. – À droite, un canapé. – Un petit guéridon près de la cheminée. – À gauche, une table de jeu avec des cartes. – Fauteuils, chaises, etc…
Martin, Agénor et Pionceux.
Au lever du rideau, Martin et Agénor sont assis devant la table de jeu. Pionceux est debout derrière son maître et le conseille.
À qui de faire ?
À toi, capitaine. (Pendant qu’Agénor donne.) Quel beau jeu que le bésigue !
C’est attachant et ça n’absorbe pas.
On peut causer… on s’arrête… on repart… c’est une voiture à volonté… Avec le bésigue, nous tuons agréablement trois heures par jour, l’un dans l’autre.
Oui, mais ça fait bisquer ta femme.
Oh bien, qu’elle bisque ! si je m’abstenais de tout ce qui la fait bisquer, je ne ferais plus rien de rien !… c’est un dragon de vertu, ma femme, il faut lui rendre justice, un vrai dragon !… Eh bien, il y a des jours, ma parole, où je porte envié aux maris trompés… On les dorlote, ceux-là !… Tu as raison de rester garçon.
Êtes-vous bête !
Comment, je suis bête ?
Quarante de bésigue.
C’est vrai, je ne le voyais pas. (Se retournant tout à coup.) Mais je vous prie, monsieur Pionceux, de surveiller vos expressions.
Bah ! devant le capitaine !
Soit ! mais ça pourrait t’échapper devant des étrangers et tout le monde n’est pas forcé de savoir que tu es mon frère de lait.
Vous ne vous vantez pas de notre parenté, je le sais bien… un domestique !…
Tu m’ennuies, imbécile !… Va nous chercher de la bière.
Les parents pauvres… voilà !
Il sort par le fond.
Quand vous êtes seuls, il le tutoie ?
Jamais ! Je ne le souffrirais pas.
J’ai gagné ! soixante de femmes.
Ça ne m’étonne pas, tu as toujours été le favori des dames.
Pas tant qu’on le croit.
Voyons, entre nous, combien en as-tu eu ?
Est-ce que je sais !
Innombrables !… tu l’avoues !… Moi, j’en ai eu onze… je n’ai jamais pu aller jusqu’à la douzaine !… Quelle drôle de chose que la vie ! il y a des hommes qui ont toutes les femmes, tandis que les autres… Mais comment t’y prenais-tu ? Car enfin tu n’es pas plus beau que moi.
Plus mince… beaucoup plus mince… et puis le prestige de l’épaulette !
Et d’un beau nom ! c’est quelque chose ! Agénor Montgommier !… en déplaçant une lettre ça fait Montgommeri ! grande maison ! tandis que, moi, je m’appelle Ferdinand Martin, petite enseigne… Dire que, si ma famille n’avait pas quitté le Guatemala, je m’appellerais Hernandez Martinez comme mon cousin… voilà un nom à femmes ! et que, si j’avais su monter à cheval, j’aurais pu être comme toi dans l’état-major de la garde nationale… quand il y en avait une… Pas de chance !
Tu perds onze cents points.
Pas de chance ! Soufflons un peu.
Pionceux entre et pose la bière et les verres sur la table.
Voici la bière ; mais vous avez bien tort d’en boire, gros comme vous êtes.
Veux-tu me laisser tranquille, toi !
Ça me fait mal de voir détériorer le nourrisson de ma mère.
Je n’engraisse plus… j’ai fait mon effet
Je t’en fiche ! vos pantalons me deviennent deux fois trop larges.
Il montre son pantalon.
Veux-tu t’en aller, animal !…
Les riches ne tolèrent pas la vérité.
Qu’est-ce que je te disais ! il t’a tutoyé.
Si je le croyais !
Il t’a dit : « Je t’en fiche ! »
Oh ! ça, c’est une locution… dont on peut se servir envers un supérieur… C’est comme Je t’en souhaite… ou Je t’en ratisse… À ta santé, mon vieux !… à tes maîtresses !…
Ils trinquent.
Aux tiennes !
Ils boivent.
Tu as dû avoir pas mal de femmes mariées, hein ?
On en a toujours trop.
Bandit ! moi, je n’en ai eu qu’une… la mienne… c’est le regret de ma vie… Oh ! l’adultère ! l’adultère, c’est-à-dire la volupté assaisonnée de crime ! Comprends-tu le crime, Agénor ? moi, je le comprends ! il y a des jours où je sens en moi l’étoffe d’un grand criminel !
Il va poser son verre sur la table.
Tais-toi donc ! tu es le meilleur des hommes.
Même jeu.
Ne crois pas ça ! j’ai du sang espagnol dans les veines ! Caramba ! comme dit mon cousin !… et puis ça passe… mais il y a tout de même un fond de regrets.
Console-toi, va ! les femmes mariées, c’est amusant de loin ; mais, à l’user, c’est la scie des scies !…
Quand tu me persuaderas ça…
Dans les commencements, je ne dis pas… il y a de bons quarts d’heure.
Je crois bien… la femme d’un autre !
Oui, mais l’autre a parfois des vengeances…
Oui… le sire de Vergy, qui fait manger à son épouse le cœur de son amant… Ça c’est pénible… mais ça ne t’est jamais arrivé ?
Il y a plus pénible encore.
Fulbert ?
Oh ! non ! mais je ne sais pas si au choix…
Le reste est donc bien terrible ?
Mon Dieu, ça n’a l’air de rien… As-tu vu aux Français le Supplice d’une femme ?
Oui, une femme qui n’aime plus son amant et qui se remet à aimer son mari.
Retourne la chose et tu as le supplice d’un homme : (Allant à la cheminée.) Un amant qui se met à aimer le mari et à ne plus aimer la femme.
Que c’est bête ! il n’a qu’à la lâcher.
Si tu crois que c’est facile, de lâcher une femme romanesque !
Ça ne m’a jamais gêné.
Comment t’y prenais-tu ?
Très simplement. Je portais alors un léger gazon, car j’étais déjà chauve ; au moment le plus… lyrique, j’ôtais ma perruque, la petite me flanquait à la porte en m’appelant : « Vieux déplumé !… » et bonsoir !… libéré !…
Mais je ne porte pas perruque, moi !
Non, mais tu te teins.
Je t’assure…
Farceur ! tu t’es encore donné une couche ce matin.
Jamais !… un peu de pommade peut-être.
Eh bien, renonce à cette pommade-là et tu verras si on se cramponne.
C’est une idée !
Encore une partie
Ça va.
Ils se rasseyent à la table.
Une lettre qu’apporte un commissionnaire. Pas de réponse.
L’écriture de mon cousin Hernandez. (Après avoir lu.) Il vient dîner avec nous. Tu mettras son couvert, Pionceux.
Encore ! il n’y a pas de bon sens de l’avoir comme ça tous les jours.
Si je ne peux plus recevoir ma famille !
Pas tous les jours, saprelotte !
Est-ce toi qui payes ?
Non, mais c’est moi qui nettoie l’argenterie, et ce monsieur change de fourchette à chaque plat. Les sauvages, ça devrait manger avec les doigts !
C’est un grand seigneur, ce sauvage-là, monsieur Pionceux !… Je suis fier d’être de sa race, et je vous prie d’être avec lui de la plus obséquieuse politesse… dans votre intérêt même, car je vous préviens que sa botte est un peu nerveuse.
Et ce n’est pas vous qui me défendriez… Je ne suis pas de votre race.
Tu n’es d’aucune race, idiot ! fiche-moi le camp.
Bien, bien ! reniez-moi ! reniez le sein qui nous a nourris !
Il sort par le fond en emportant le plateau de la bière.
Cette brute-là me rendra fou ! (Pendant qu’Agénor donne les cartes.) Tu dînes avec nous ce soir ?
Non.
Pourquoi non ?
Tu n’as pas besoin de moi… Tu as ton fameux cousin.
Ça t’offusque, que je l’invite ?
Moi ? pas du tout. Qu’est-ce que ça me fait ? Adopte-le, ton cousin ! Tu es bien libre !
Agénor, tu me fais de la peine.
Tu lâches les vieux amis pour les nouveaux, c’est naturel ! Tout nouveau, tout beau !
Agénor, vous êtes injuste.
Tiens, veux-tu que je te dise ? il te fait poser, ton cacique ; il te pousse des blagues grosses comme des maisons.
Lesquelles ?
Tu crois, par exemple, qu’il a épousé une reine ?
Une reine des Peaux-Rouges, j’en suis sûr. J’en ai la preuve… J’ai vu le serpent !
Quel serpent ?
Le serpent qu’il porte tatoué sur sa poitrine et qui est le symbole de la royauté chez les Chichimèques.
Les Chichimèques ? Tu crois aux Chichimèques, toi ?
C’est une tribu d’Indiens dans l’Amérique centrale… Consulte Malte-Brun.
Bêta, va !
Si tu ne crois plus à la géographie !
Tiens. Ferdinand, tu n’as qu’un défaut, mais, sacrebleu ! tu l’as !
Lequel, s’il vous plaît ?
La gloriole.
La gloriole, moi ?… Tenez, jouons, monsieur, jouons.
Les Mêmes, Loïsa, puis Pionceux.
Comment ! vous voilà encore avec votre bésigue ?
Nous finissons.
Non ! c’est insupportable ! depuis le matin jusqu’au soir ! (Brouillant les cartes.) Tiens ! tiens !
J’avais cent d’as.
Il se lève.
Comment le renvoyer ? (Haut à Martin.)