Doit-on le dire ? - Eugène Labiche - E-Book

Doit-on le dire ? E-Book

Eugène Labiche

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Extrait : "BLANCHE, à la cantonade : Oui, mon ami... habillez-vous et revenez bien vite pour la signature du contrat... (Redescendant en scène.) J'ai cru qu'il ne s'en irait pas. (Frappant à la porte de droite.) Monsieur Dupaillon ! DUPAILLON, paraissant : Est-il parti ? BLANCHE : Oui ; mais vous finirez par me compromettre... Si le marquis vous avait surpris... il est très jaloux."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier

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Personnages

MUSEROLLE.

LE MARQUIS INÈS DE PAPAGUANOS.

GARGARET.

ALBERT FRAGIL.

DUPAILLON.

MAÎTRE LE BARROIS, notaire.

BLANCHE.

LUCIE.

JULIETTE, femme de chambre.

BAPTISTE, domestique.

JEAN, domestique.

DOMINIQUE, garçon de magasin.

Le premier acte se passe à Paris, chez le marquis ; le second, à Bondy, chez Gergaret le troisième, à Paris, chez Gargaret.

Acte premier

Un petit salon chez le marquis. – Porte au fond. – Portes à droite et à gauche dans le pan coupé. – Deux autres portes latérales. – À gauche, une cheminée ; à droite, une table avec tout ce qu’il faut pour écrire ; près de la cheminée, un porte-cannes. – À droite et à gauche de la porte du fond, deux petites consoles.

Scène première

Blanche, puis Dupaillon.

Au lever du rideau, Blanche parlant à la cantonade par la porte du pan coupé de gauche.

BLANCHE,à la cantonade.

Oui, mon ami… habillez-vous et revenez bien vite pour la signature du contrat… Redescendant en scène. J’ai cru qu’il ne s’en irait pas. Frannant à la porte de droite. Monsieur Dupaillon !

DUPAILLON,paraissant.

Est-il parti ?

BLANCHE

Oui ; mais vous finirez par me compromettre… Si le marquis vous avait surpris… il est très jaloux.

DUPAILLON

J’avais un prétexte. Après le petit incendie qui a eu lieu hier ici, il était tout naturel que je vinsse prendre de vos nouvelles. D’un air soupçonneux. C’est singulier !… j’avais cru reconnaître la voix de M. Crapote.

BLANCHE

Vous le voyez partout… est-ce que vous en seriez jaloux ?

DUPAILLON

J’en aurais peut-être le droit : je suis plus ancien que lui, son supérieur en grade… je suis chancelier et il n’est que vice-chancelier… Néanmoins le marquis a trouvé à propos de le décorer et je ne le suis pas… Je ne sais quels services exceptionnels il a pu rendre…

BLANCHE

Vous êtes un ingrat… Sachez, monsieur Dupaillon, que j’aime à honorer les personnes qui me témoignent quelque sympathie… et, aujourd’hui même, il serait possible que le marquis rendit justice à votre mérite…

DUPAILLON

Vraiment ? oh ! vous êtes adorable !

Il lui embrasse la main.

BLANCHE

Partez ! si l’on vous surprenait…

DUPAILLON

J’obéis… et pourtant j’ai encore tant de choses à vous dire… Je vous écrirai ! Je vous reverrai à la mairie.

BLANCHE

Oui, allez ! allez ! Dupaillon disparait par le fond. Enfin il est parti.

Scène II

Blanche, Lucie puis Gargaret.

LUCIE,entrant par le pan coupé de droite.

Bonjour, ma tante.

BLANCHE

Comme tu es belle !… Eh bien, commences-tu à t’habituer un peu à M. Gargaret, ton prétendu ?

LUCIE,soupirant.

Pas beaucoup ; c’est M. Albert que j’aurais voulu épouser !

BLANCHE

Encore M. Albert… un je ne sais qui

LUCIE,vivement.

Mais c’est le neveu de mademoiselle Bodin, ma maîtresse de pension… nous avions tous les quinze jours de petites soirées… avec des gâteaux… il n’en manquait pas une.

BLANCHE

Cela prouve qu’il est gourmand, voilà tout… Et c’est à la suite de ces réunions qu’il s’est cru autorisé à écrire à ton oncle pour lui demander ta main.

LUCIE

Dame, puisqu’il m’aime.

BLANCHE

Ton oncle a refusé de le voir… et il a bien fait. Un petit commis aux assurances, sans position, sans fortune, tandis que Gargaret… un avenir magnifique !… fabricant de bougies… C’est lui qui a inventé les fameuses bougies de l’aurore boréale.

LUCIE

Le mariage n’est pas une affaire d’argent.

BLANCHE

Mais, si tu veux de l’amour, Gargaret est loin d’être insensible ; rappelle-toi ce qu’il a dit à ton oncle dans un jour d’amertume : « Marquis, si votre nièce me refuse, je monte en haut des tours Notre-Dame, et je saute… »

LUCIE

Aussi, à cette pensée, j’ai consenti tout de suite.

BLANCHE

Et tu as bien fait. À part. Ça nous prend toujours, ces histoires-là.

UN DOMESTIQUE,annonçant.

M. Gargaret.

LUCIE

Oh ! je ne veux pas le voir !

Elle remonte et se trouve en face de Gargaret qui entre.

GARGARET,saluant.

Mademoiselle… Belle tante… À Lucie, comme récitant une leçon. Il approche enfin, ce moment tant désiré… ce moment…

Il lui offre un bouquet qu’elle refuse.

LUCIE,le saluant.

Pardon…, je vais achever ma toilette.

Elle sort.

Scène III

Blanche, Gargaret, puis le marquis, puis Juliette.

GARGARET,offrant le bouquet à Blanche.

Puisqu’elle n’en veut pas… On dirait qu’elle me fuit.

BLANCHE

Un peu d’émotion… Vous comprenez, une jeune fille

GARGARET

Nous avons tous passé par là !… moi, la première fois que j’ai serré la main d’une femme, mon cœur battait… Il me semblait que je frappais à la porte d’un dentiste… changeant de ton. Mais comprenez-vous mon premier témoin qui n’arrive pas ?

BLANCHE

D’où vient-il ?

GARGARET

Il vient des Ardennes.

On entend tousser violemment au dehors.

BLANCHE

Ah ! j’entends le marquis.

GARGARET

Je reconnais sa quinte.

Le marquis entre par le fond.

LE MARQUIS,toussant toujours.

Gargaret bonjour ! bonjour Gargaret !

GARGARET

Ah ! vous avez là un mauvais rhume.

BLANCHE

Vous devriez voir votre médecin, mon ami.

LE MARQUIS

Mon médecin est un âne… il me soigne pour un asthme… Avec colère. Un asthme !… C’est un cure-dents que j’ai avalé il y a quatre ans… il m’est resté dans le pharynx… Quand le temps change, il remue, et ça me fait tousser.

GARGARET,admirant les décorations du marquis.

Ah ! mon compliment… toute cette petite quincaillerie vous va très bien.

LE MARQUIS

Ces distinctions m’ont été offertes par l’État de Mosquitos, mon pays natal…

Il tousse.

BLANCHE

Non ! ne parlez pas !

LE MARQUIS

Si ! je veux parler… En échange des services exceptionnels que je lui ai rendus.

GARGARET

Ah ! quels services ?

LE MARQUIS

J’ai découvert sous le 87me degré de longitude ouest… une montagne de guano… Immédiatement je fus nommé commodore et créé marquis y Fuentès de Papaguanos.

GARGARET

Pour ça ?

LE MARQUIS

Comment, pour ça ! Malheureux, sais-tu ce que c’est que le guano ?

GARGARET

Parbleu !

LE MARQUIS

Eh bien, dis-le !

GARGARET

Le guano, c’est…

Il s’arrête.

BLANCHE

J’espère bien qu’il n’osera pas le dire.

GARGARET

Pourquoi ça ?… Le guano, ce sont des inconvenances d’oiseaux… qu’on réduit en poudre pour l’agriculture

LE MARQUIS

J’aime cette définition… Mais il ne suffit pas de découvrir une montagne de guano, il faut savoir l’exploiter

Il tousse.

BLANCHE

Mon ami, ne parlez pas.

LE MARQUIS

Si, je veux parler !… c’est mon cure-dents. Je présentai à mon gouvernement un projet, un plan et un prospectus… Immédiatement je fus nommé ambassadeur.

GARGARET

Bigre ! on avance vite dans le guano.

LE MARQUIS

J’obtins en outre le privilège d’accorder certaines distinctions aux nobles cœurs qui font prospérer l’entreprise…

GARGARET

Des décorations !… vous en avez beaucoup dans votre pays ?

LE MARQUIS

Nous en avons quarante-deux… sans compter celle de la grande Pivoine jaune, que j’ai seul le droit d’infliger.

GARGARET

Ah ! vous avez le droit… ? ce cher oncle !

LE MARQUIS

Elle coûte cinquante francs.

GARGARET

Ça suffit. À part. J’y renonce !…

JULIETTE,paraissant au fond.

On apporte une dépêche pour M. Gargaret.

GARGARET

De mon premier témoin sans doute… J’y cours. À part. Cinquante francs pour une pivoine… merci !

Il sort par le fond.

Scène IV

Le marquis, Blanche.

LE MARQUIS

Est-on venu de l’Assurance, pour constater les dégâts de l’incendie ?

BLANCHE

Pas encore.

LE MARQUIS

Voilà trois ans que je lui donne dix francs, à cette Compagnie, il est bien juste qu’elle m’en paye cinq cents

BLANCHE

Mon ami, vous nous ferez tous griller avec vos maudits cigares… heureusement qu’hier tout le monde a rivalisé de zèle…

LE MARQUIS

Oui… surtout M. Dupaillon, mon premier chancelier… il s’est conduit comme un vrai pompier.

BLANCHE,d’un air indifférent.

Aussi n’avez-vous pas parlé de lui offrir une récompense ?… la croix de Mosquitos, par exemple.

LE MARQUIS

La croix de Mosquitos ? comme vous y allez !… je sais bien que ça rapporte cinquante francs à mon gouvernement, dont dix francs pour moi… Tiens ! ça me fait penser que M. Crapote, mon vice-chancelier, que vous m’avez fait décorer le mois dernier… je ne sais pas trop pourquoi… ne m’a pas encore payé ; c’est un petit sauteur !

BLANCHE

M. Dupaillon est un homme sérieux, lui, et puis il vous aime bien.

LE MARQUIS

Je le sais.

BLANCHE

Hier encore, dans un salon, un petit monsieur chauve disait en parlant de vous : « C’est un commodore de carton ! »

LE MARQUIS

Saprelotte !

BLANCHE

Il lui a sauté à la gorge et lui a dit : « Sachez que le commodore a coulé plus de vaisseaux que vous n’avez de cheveux sur la tête ! »

LE MARQUIS,rayonnant.

Ah ! il a dit ça ? À la bonne heure ! Voilà des titres ! voilà ce que j’appelle des titres ! et, à la mairie, je lui réserve une surprise…

BLANCHE

Je vous prie de constater que je ne vous influence pas.

LE MARQUIS

On l’essayerait en vain… Je suis un homme de fer.

Il est pris d’une quinte.

BLANCHE

Voyons, calmez-vous… homme de fer !

LE MARQUIS

Blanche, vous ne m’embrassez pas ce matin.

BLANCHE

Non… laissez-moi ; depuis hier, vous sentez le brûlé, vous sentez l’incendie.

LE MARQUIS

L’incendie… je voudrais l’allumer l’incendie ! Il la lutine. Je voudrais l’allumer.

Il tousse.

Scène V

Les mêmes, un domestique, le Barrois, puis Lucie, puis Gargaret.

UN DOMESTIQUE,annonçant.

Maître Le Barrois.

BLANCHE

Ah ! le notaire.

LE BARROIS,venant du fond.

Madame… Commodore…

Ils se donnent la main.

LUCIE,entrant en toilette de mariée par le fond, de droite.

Me voici… suis-je bien, ma tante ?

BLANCHE

Charmante !… la couronne un peu moins de côté

LE MARQUIS

Eh bien, commençons-nous ?

LE BARROIS

Mais il nous manque le prétendu.

LE MARQUIS

On s’en passera… il signera après

Gargaret paraît.

TOUS

Ah ! le voilà !

GARGARET

Je vous demande pardon… c’est une dépêche qui m’a retardé… mon premier témoin ne sera ici que dans une heure.

LE MARQUIS

Si vous croyez que nous allons l’attendre !

GARGARET

Ce n’est pas sa faute… Tenez, voilà sa dépêche. Lisant. « Train de bestiaux barrer route… retard d’une heure. »

LE MARQUIS

Qu’est-ce que c’est que ce témoin-là ?

GARGARET

C’est un homme du monde qui a eu des malheurs dans son ménage ; alors il s’est retiré dans une forêt.

LE MARQUIS

Eh bien, qu’il y reste !

GARGARET

Oh ! non ! il ne manquerait pas d’assister à mon mariage pour tout l’or du monde. Je lui ai rendu un de ces services…

LE MARQUIS

Quel service ?

GARGARET

On ne peut pas le dire !

LE MARQUIS,au notaire.

Mais, sacrebleu ! nous ne commençons donc pas ?

Le notaire s’est placé à la table.

LE BARROIS

Je vous attends, commodore, veuillez vous asseoir. Tout le monde s’assoit. Je commence. Lisant. « Par-devant maître Le Barrois et son collègue… »

LE MARQUIS

Pardon !… combien ça durera-t-il, votre petite élucubration ?

LE BARROIS

Oh ! vingt minutes au plus

LE MARQUIS

Très bien. Tirant sa montre. Midi moins vingt ; à midi, je romps les rangs !… continuez.

LE BARROIS,lisant.

« Par-devant maître Le Barrois et son collègue, ont comparu : Denis Gargaret, fabricant de bougies… d’une part… »