Gourous… coucou ! - Gérard Chevalier - E-Book

Gourous… coucou ! E-Book

Gérard Chevalier

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Beschreibung

Retrouvez le chat Catia dans une nouvelle enquête ébouriffante sur la presqu'île de Crozon !

Catia, invitée par Hector, va passer dix jours de vacances dans le beau manoir du comte et de la comtesse Guerrouane de Pennec. Des lieux familiers pour elle depuis son enquête Ron-ron, ça tourne ! Les deux amis sont tellement heureux de se retrouver ! À peine est-elle arrivée qu’un curieux personnage fait irruption à bord d’un cabriolet de luxe. Vêtu d’une tunique longue, Frère Eslambert vient pour la troisième fois convaincre les de Pennec d’entrer dans la « Mission », lieu de haute méditation, afin de développer leur spiritualité, tout en étant débarrassés des contingences matérielles que l’organisation gérera elle-même… La comtesse, séduite, gagne ce lieu insensé où les adeptes vivent dans des conditions lamentables. Catia flaire une escroquerie monstrueuse ! Épaulée par Hector, avec la complicité du commissaire Legal et de son ami Erwan, tous deux déguisés en hippies, elle infiltre la Mission, perdue dans un lieu désert de la presqu’île de Crozon. Ce qui les attend est épouvantable !

Dans ce polar poilant, à Crozon, un étrange personnage spirituel fait son apparition chez les de Pennec, mais Catia flaire l'escroquerie et décide de jouer la carte de l'infiltration !

EXTRAIT

Ah, la populace en colère… Pourtant, hein, ils ont la Sécurité Sociale, la grande distribution, le football ! Et il n’y a plus d’épidémies de peste ni de vérole.
— Hou ! Hou ! Catia au poteau ! Catia au lanterneau !
Au lanterneau ? Qu’est-ce que… À la lanterne, à la rigueur…
— Catia, c’est du plagiat ! Catia ! Plagiat ! Catia, Plagiat !
Ah non ! Ça, je ne vous permets pas ! Bande de plumitifs, jaloux de mon immense succès ! Ratés du vocabulaire ! Tarés de l’inspiration ! Dégénérés de la sémantique !
— À poil ! À poil ! La fourrure en pelure !
Quelle horreur ! Ils vont m’écorcher vive, salir mon pelage éblouissant… Et ce cocher qui n’avance pas !
Je vais te faire fouetter, misérable, tu passeras sur la roue, tu…
— CATIA ! Nous sommes arrivés ! Réveillezvous, ma douce amie. Une langue chaude enveloppe mon museau. J’émerge de mon cauchemar avec peine, moi qui n’ai copié personne.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Influencé toute sa vie par ses deux grands-pères, l’un, directeur du journal L’évènement fondé par Victor Hugo, l’autre, héros de la guerre 14-18, Gérard Chevalier va être artiste peintre, décorateur, maquettiste, acteur, metteur en scène, scénariste.
Il devient auteur de romans policiers en 2008. Son premier ouvrage Ici finit la terre a remporté le Grand Prix du Livre Produit en Bretagne, le Prix du Roman Policier Insulaire à Ouessant, le 2e prix du Goéland Masqué. Suivent L’ombre de la brume, La magie des nuages, Vague scélérate et la série humoristique Le chat Catia mène l’enquête qui rencontre également un véritable succès. Vivre…et revivre est le neuvième roman de Gérard Chevalier.

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Couverture

Page de titre

CE LIVRE EST UN ROMAN.

Toute ressemblance avec des personnes, des noms propres, des lieux privés, des noms de firmes, des situations existant ou ayant existé, ne saurait être que le fait du hasard.

I – Les congés pas payés !

Ouf ! Je pars en vacances pour huit jours chez Hector ! Rose m’a laminée. Si ! Les parents de ce bébé femelle bipède m’ont bien essorée aussi ! Il est curieux de constater que ma personnalité exceptionnelle de chatte aux facultés prodigieuses peut être fatiguée, voire usée, par les sapiens aux lacunes considérables. Leurs errements comportementaux, l’inconsistance de leurs raisonnements finissent par atteindre ma rigueur, mon immense perception cognitive. Avec Rose, c’est différent. Elle est beaucoup plus intuitive que ses géniteurs et je soupçonne son Q.I. d’atteindre un niveau très élevé. Si bien que nos rapports sont plus près d’un match perpétuel que de ceux d’une baby-sitter avec son moutard. Match pour établir une domination de l’une sur l’autre, armées de nos capacités différentes, évidemment. Eh oui, Rose est exceptionnelle, elle aussi. Elle va bientôt diriger complètement la maison, compte tenu de ce qui se passe maintenant. Agrippée debout à la rambarde de son parc, elle a politiquement la situation bien en main.

Morgane, la nounou avocaillon, est arrivée ce matin. Elle a, selon mes directives qui ont été transmises, revêtu un pantalon long, mais bien moulant, épousant parfaitement son fessier et ses cuisses. De toute façon, de quelque manière qu’elle soit habillée, elle est indécente. Il n’y a rien à faire. Elle serait habillée en Esquimaude, ce serait pareil. Sauf qu’elle ferait fondre la banquise. Enfin…

Nous conversons, Rose et moi, en attendant qu’Erwan vienne me chercher.

— A lala si pas dazon pa ?

— Mais oui, bien sûr. Ça dépend de la direction du vent.

Comme elle ne sait pas encore lire, je lui réponds par un « miaou » ironique, traduisant ma phrase. Elle a l’air de comprendre.

— Eri fila ton du pasa !

— Là, tu frises le sophisme.

— Hi, hi ! Ma tâ !

Avec Hector, mon soupirant, mon chevalier servant, mon troubadour, ce sera différent. Ou bien je m’endormirai doucement en écoutant les tribulations de la première croisade, ou bien nous discuterons âprement sur un sujet littéraire. Ah oui : vous ne vous rappelez plus qui est Hector ?

C’est un vieux chien Saint-Hubert magnifique, dont la grandeur d’âme égale la beauté. Il est hors du temps. Oui, carrément anachronique. Mais quel flair ! Quel panache ! Forcément, il vit dans un beau manoir, adulé par ses maîtres, le comte Philibert Guerrouane et la comtesse Éloïse de Pennec. Alors le fait qu’il ignore la console Nintendo ou le smartphone avec application « vibrations érotiques » n’a pas d’importance.

— Ma fifille chérie ! Tu es prête ?

Ah, Erwan arrive. Bien sûr, je suis prête, grand nigaud ! Pas besoin de baise-en-ville ni de garde-robe en housse. Allez, un dernier câlin à Rose, une dernière touffe de poils qu’elle arrache en souvenir, et en route. Pas un regard pour la magistrate en éruption de phéromones. Aux assises, il lui suffira d’entrouvrir sa robe pour faire acquitter le pire de ses clients.

— Tu es bien installée, ma chérie ?

— Miaou… euh… oui !

Catherine a mis mon coussin brodé à mes initiales dans mon grand panier, vaporisé un peu de lavande, et ma tablette est à portée de patte. Voilà, c’est convenable. En route dans ma chère Citroën XM, MA voiture.

La seule qui a les mêmes suspensions est la Roll’s, mais Erwan, policier sans solde et grand reporter pigiste, n’a pas la paye nécessaire pour m’en acheter une. Je dois attendre les droits d’auteur d’un de mes futurs « best-sellers » pour faire cet « a… chat » ! Elle est bonne, non ? Tant pis !

Nous quittons Quimper le baume au cœur, enfin surtout moi, et je retrouve bientôt l’atmosphère enivrante de la campagne, admirant cette nature paisible qui a bercé mon enfance, dont je ne peux me passer bien longtemps. Le trajet n’excède pas… un certain temps. La petite route serpentant au milieu des champs et des bois éveille en moi ce besoin de création littéraire, propre à mon génie naturel.

Le manoir des de Pennec est toujours aussi beau. L’important bâtiment est sobre, le parc qui l’entoure, somptueux mais sans ostentation. Le tout surplombe le grand étang. L’atmosphère est propice à la rêverie poétique, mais sans nostalgie. Ici, la vie est orientée vers la joie de vivre.

Nos hôtes, flanqués d’Hector dont la queue battante traduit l’allégresse, sont sur le perron pour nous accueillir, Erwan et moi.

Nos retrouvailles sont divines bien que mon Saint-Hubert ait repris un peu de son odeur antérieure à notre rencontre.1

— « Aimons donc ! Aimons donc ! De l’heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! » me lance-t-il du haut de son immense culture.

Heureusement, je connais la suite.

— « L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rêve. Il coule et nous passons ! »

Cet échange sous les auspices d’Alphonse de Lamartine a quand même plus d’allure que « Alors ? Ça roule, ma poule ? »

Non ? Comment ?… Allez voir chez les Grecs si j’y suis !

Après moult câlins, caresses, mots aimables et civilités, nous nous retrouvons dans le grand salon, autour d’un thé servi avec des petits gâteaux. Là, je dois dire qu’Hector et moi perdons un peu le sens des convenances qui sied à la bonne société. Les yeux rivés sur les cookies qui nous sont offerts sporadiquement, la bave discrète mais bien présente au coin des babines, nous oublions nos billevesées littéraires.

Eh oui, nous avons nos petites faiblesses aussi… Les nobliaux ont l’air en forme. Leur curiosité à l’égard d’Erwan est insatiable. Travail, vie de famille, loisirs sont passés en revue. Normal : ici, le temps n’a pas la même valeur que pour mes bipèdes personnels, imbriqués dans cette vie active que nos énarques savent si bien organiser ! Aidés d’une armée d’experts et de technocrates qui vous facilitent les tâches avec acharnement. Tout baigne !

— Nous sommes ravis de pouvoir garder à notre tour Mademoiselle Catia ! glousse la douairière avec une expression malicieuse sur son beau visage. Son entente avec Hector est exceptionnelle. D’ailleurs, depuis leur rencontre, il est transformé !

C’est vrai ! Nous nous aimons, Hector et moi. Ho ! Hé ! Attention ! Point de ricanement de votre part, lecteur irrévérencieux !

Nous nous aimons comme autrefois les pages, les troubadours, les chevaliers aimaient leur reine ou leur princesse, déjà mariée. Alors vos allusions torves, vous vous les gardez !

— Permettez-moi de prendre congé, dit Erwan qui commence à déraper vers l’impatience.

Si, je le connais mon bonhomme. Il lui faut toujours du piment dans sa soupe quotidienne pour rester branché.

Nous le raccompagnons à mon carrosse et, tandis que nous le voyons s’éloigner, nous entamons une petite promenade dans le parc pendant que les vioques vont s’installer devant leur télé et se vider le cerveau avec une émission politique. Probablement toujours la même, avec toujours les mêmes : ça rassure !

— Que diantre, ma mie, vous ne réalisez pas quel degré de félicité votre venue me fait atteindre !

— Mais si, mon doux chevalier, je ressens les mêmes transports d’exultation en mon for intérieur !

— Ah, ma belle Catia, ma vie est sublimée à vos côtés.

Il se penche pour me sniffer le museau et je lui donne un petit frottis de tête en arquant mon dos, suivi d’un miaou d’amour. Hector s’arrête, prend une respiration profonde et, me regardant intensément, me déclare :

« Que nos yeux creux ne valent pas

Ton museau que ton nez termine,

Rose comme un bouton de sein,

Tes oreilles dont le dessin

Couronne fièrement ta mine. »2

Alors que je cherche pour réponse un poème à la hauteur de sa citation, un grondement puissant, émis par une voiture qui franchit le pont de la propriété, interrompt notre échange si privilégié. Il n’y a pas longtemps, j’ai vu un site de bagnoles anciennes sur l’ordinateur d’Erwan qui en est passionné. Non, je ne juge pas, mais la XM me suffit. Pour le moment. Je reconnais une A.C. Cobra, un modèle anglo-américain des années 60, dont les répliques ne se comptent plus. Le bolide est impressionnant. Il stoppe devant le perron, et sort de l’engin un grand type blond habillé d’une longue robe blanche, une tunique plutôt, qui recouvre le dessus de ses mocassins.

— Oh, que je n’aime pas ça ! grogne Hector.

— Vous le connaissez ?

— Il est déjà venu… plusieurs fois prendre le thé. Mais, comment vous dire, ma chère… allez, soyons peuple : sa bobine ne me revient pas.

— Savez-vous le motif de ses visites ?

— Euh… je n’ai pas bien saisi. Il est vrai que ma pensée a du mal à se focaliser quand le sujet ne me capte pas.

Ouais, tu parles ! En dehors des croisades, de ma personne et des de Pennec, rien ne l’intéresse. Sauf si je requiers ses services.

— Me feriez-vous l’honneur d’assister à son entretien avec Éloïse et Philibert ?

— Avec joie, mon très cher Hector.

Nous nous hâtons donc vers le manoir. Entendez par là qu’une limace aurait peine à nous doubler… en descente. Mais mon beau Saint-Hubert est néanmoins dans une forme olympique, en comparaison de notre première rencontre.

Lorsque nous arrivons, le visiteur a déjà été introduit. Comme la porte est restée ouverte car Phébus darde sur la terre un flux de chaleur, nous nous joignons le plus discrètement possible à la réunion.

Peine perdue ! L’apollon des cobras, à notre vue, ne termine pas sa phrase et moi, mon émoi est tel que je fais involontairement le gros dos, poil hérissé. Pourtant, le bonhomme est beau, autant que je puisse juger les apparences des mâles sapiens. Une chevelure abondante, bien coiffée ; ses traits harmonieux m’évoquent l’acteur Lambert Wilson. Mais les yeux bleus qui nous scrutent n’ont rien de son humanisme. Ce sont… comment dire… deux rayons acérés qui doivent explorer minutieusement les esprits de ses interlocuteurs. En ce qui nous concerne, Hector et moi, nous n’avons rien à craindre, et pourtant je suis derechef en alerte. (Hein ? Vous ne connaissez pas ce mot ? Allez voir chez Larousse si j’y suis !)

— Vous avez de superbes animaux de compagnie ! lance-t-il d’une voix bien timbrée dont la sincérité n’est pas la vertu première.

— C’est vrai, dit Éloïse, ravie, mais la chatte est notre invitée pour la semaine. Ils s’entendent si bien tous les deux que nous avons à cœur de les réunir.

— Les humains qui aiment les bêtes ont un karma rayonnant, dit-il avec un sourire qui me glacerait les coucougnettes, si j’en avais.

— Leur avenir eschatologique n’en est que plus assuré, ajoute-t-il. Mais je peux déjà vous affirmer qu’avec votre aura, perceptible même par un non-initié, vous n’avez aucune crainte à avoir. Surtout si, comme je l’espère, vous prenez, en nous suivant, le chemin de la lumière.

Éloïse exprime la béatitude, Philibert la bienveillance, mais moi je suis consternée. Hector est déjà dans une allée de traverse, rêvant probablement au Temple du roi Salomon.

C’est alors que je remarque l’étrange pendentif imposant sur la poitrine du… du quoi ? Je ne sais pas encore qui il est ni ce qu’il vient faire ici. Au milieu d’un cercle bordé de signes incompréhensibles, un soleil pointe ses rayons dans toutes les directions.

Sont écrites deux phrases superposées en demi-cercles, entourant la forme de l’astre :

« OCULOS HABENT

ET NON VIDEBUNT »

Nom d’un tigre ! J’ai déjà lu ça, un jour, par hasard, en faisant des recherches. Ou alors je l’ai déjà écrit. Impossible de m’en souvenir. Ça me chat… grine ! Hahaha ! Oui, bon…

— Et lors de notre prochaine visite, vous découvrirez combien nos élus sont transcendés par nos méditations et nos méthodes spirituelles.

Oh là là ! De quoi est-il question ?

— Puis-je vous resservir une tasse de Darjeeling, Eslambert ?

— Merci, avec plaisir.

Eslambert, jamais entendu ce nom ou prénom.

Un léger ronflement m’indique le départ d’Hector dans un rêve sûrement historique. Décidément, je ne peux compter que sur la sublime Catia pour comprendre ce qui se passe ici avec Es-Lambert, pas du tout Wilson.

— Comme je vous l’ai déjà expliqué lors de notre dernière entrevue, notre enseignement consiste à franchir neuf portes, chacune accédant à un degré de connaissance de la vérité. L’ombre défie la lumière constamment, et nous vous aidons dans votre parcours à triompher des difficultés qui vous sont volontairement imposées afin de vous fortifier. Bien sûr, à chaque étape réussie, une récompense vous est attribuée selon vos désirs. Dès l’accès à la deuxième porte, vous sentez en vous-même se développer un sentiment extraordinaire de puissance tranquille. Vous abandonnez peu à peu vos valeurs matérielles pour accéder à un état de grâce qui va en s’amplifiant.

— Ce n’est pas trop fatigant ? demande Philibert. Ma femme ne supporte pas un effort trop prolongé.

— Rassurez-vous, nos… thaumaturges sont expérimentés et savent très bien évaluer les capacités, tant physiques que spirituelles, de chacun. L’effort est adapté aux possibilités de chaque disciple.

— Très bien ! Dans ce cas…

— Voulez-vous venir à la Mission demain ? Nous tenons la cérémonie célébrant les conquérants de la neuvième porte à 16 heures.

— Pourquoi pas ? N’est-ce pas, Philibert ?

— En effet. Vous n’êtes pas très loin, je crois.

— Une quarantaine de kilomètres. Mais je peux venir vous chercher, si vous le désirez.

— Non, vous êtes gentil, mais ce n’est pas la peine. Je suis encore capable de conduire sur une telle distance.

S’ensuivent des banalités mondaines, tandis que je trouve mentalement les synonymes de « thaumaturge » et « disciple » : « mage » et « adepte ». C’est épouvantable : Eslambert essaie d’entraîner les deux croulants dans une secte ! Et l’autre canidé décrépit qui continue à ronfler ! Nous ne serions pourtant pas trop de deux pour examiner la situation à sa juste valeur. Est-ce une menace ? Ne serais-je pas en train de sombrer dans une paranoïa, qui, je dois bien en convenir, ne demande qu’à dominer mes pensées ? Peut-être devrais-je me calmer pour analyser ultérieurement en toute sérénité la démarche du personnage.

1. Voir Ron-ron, ça tourne ! même auteur, même collection.

2. Poème de Charles Cros.

II – Mission… pas possible !

Après l’ingestion d’une délicieuse gamelle, suivie d’une demi-ronflette sur les genoux de Philibert Guerrouane de Pennec devant la télé, et une nuit divine, allongée contre Hector, je me réveille brutalement avec angoisse : où est ma tablette ?

Je me précipite dans le grand hall d’entrée où mon panier a été rangé. Elle n’est pas dedans ! Zut ! Je suis coupée du monde sans elle ! C’est mon cordon ombilical avec la société et les miens. Malgré les aberrations de l’informatique, dues à la bêtise des concepteurs sans culture, et surtout sans bon sens, elle m’est indispensable. Hé ! Erwan ne l’aurait-il pas mise dans la serre comme précédemment3 ? Oui, bonne idée, mais quand ? Je me glisse subrepticement dehors par la porte déjà ouverte, la femme de ménage étant à l’office, et me précipite vers la serre. L’herbe fraîchement tondue exhale le plus extraordinaire des parfums et la lumière du Soleil levant déverse une pluie d’or rose sur le parc. C’est tout simplement magique. YES ! Ma Samsung est là, sous l’étage des semis, derrière les pots de fleurs vides. Je l’ouvre (le Net, pas la tablette qui, heureusement, n’a pas de couvercle), tape mon code… non, je ne vous dirai pas lequel… et trouve un message d’Erwan : « Ma chérie, je suis revenu en cachette par la petite porte arrière du parc pour déposer ta tablette. Belle journée. Câlins et bisous. »

Que c’est mignon ! Mon homme n’est pas aussi « droch »4 qu’on peut le supposer. Je lui réponds aussitôt.

« Erwan chéri, bravo, tu as fait ça très astucieusement. Il se passe un événement inquiétant ici. Je t’en dirai plus ces jours-ci. Câlins et ronron. Catia. »

J’envoie, j’efface ensuite, on ne sait jamais et…

— Bonjour ma chère ! Quelle surprise ! Vous êtes revenue !

Je sursaute et me retrouve la truffe contre celle de Gontran de la Renardière, mon ami renard entomologiste.

— Bonjour Gontran ! Vous avez l’air en belle santé !

— Oui, tout va bien. Avec ce temps, la nourriture est abondante, et j’ai rencontré la femelle de ma vie !

— Félicitations, je suis heureuse pour vous !

— Hector me donne régulièrement de vos nouvelles mais il ne m’a pas averti de votre présence céans…

— Oh, Hector est très… distrait ! Quelles sont vos études en cours ?

— En dehors de ma nouvelle vie de famille, je suis accaparé par l’observation des lasiocampides, vous savez ceux qui ont la même forme que les lymantriides. Il existe environ mille espèces que l’on trouve un peu partout…

Mais qu’est-ce qui m’a pris d’aborder ce sujet ! Impossible de l’arrêter dans l’exposé de sa passion dont je n’ai que faire ! Je déteste ces saloperies d’insectes ! J’ai vu un jour Erwan le nez plongé dans un gros livre intitulé Insectes du monde d’un certain Walter Linsenmaier. Les dessins de cet artiste naturaliste étaient prodigieux. Mais je n’ai pas lu les textes, certainement remarquables, car personnellement, je ferais bien un autodafé des chrysomèles et autres capricornes ! Ben oui, quoi, chacun son truc !

— … mais les forficules constitueront mes prochaines recherches et…

— Formidable ! coupé-je. Là, je vous suis totalement car il y a beaucoup à en dire.

— Bravo, belle Catia, je vois que vos connaissances sont très étendues. Les forficules sont en effet…

— Pardon cher Gontran, mais je dois retourner au manoir tout de suite.

— Bien sûr. Nous reprendrons notre conversation quand vous le désirerez…

— Avec plaisir !

JAMAIS ! Mais jamais je ne remettrai mes pattes… euh… la conversation sur les machins-cules ! Quelle horreur ! Je rentre au manoir assez énervée.

Hector est réveillé et me guette, assis sur le perron.

— Vous voilà bien matinale, ma mie ! Mes respects du jour, belle Catia.

— Bonjour mon cher chevalier chervant… euh…

— Notre collation est servie. Voulez-vous me suivre, s’il vous plaît ?

— Certes !

Nous nous dirigeons vers nos gamelles sous l’œil bienveillant de Soizic, la femme de ménage.

— Salut les bestioles ! dit-elle. Allez vous remplir vos petits bi-bides…

Ah là là, le peuple ! Mais l’ancillaire est gentille, on lui pardonne, et sa pâtée est bonne. Heureusement ! La journée passe agréablement. Jusqu’à… quinze heures. Ah, le temps… que vous comptez, vous les bipèdes sapiens, avec minutie… surtout vos heures de travail… en attendant la retraite… ou le temps du retour sur investissement… ou le temps du millionième de seconde des robots qui achètent ou vendent sur le marché ce que des humains ont mis des semaines, voire des mois, à fabriquer, planter, élaborer… Tout le monde mesure le temps, sauf moi ! Je m’en secoue les paturons. Tiens, je vais en faire une bien bonne :

« Ce siècle avait douze ans !

Nantes lorgnait Dame Lande,

Déjà Macron perçait sous Hollande,

Et du ministre aux Finances par maints endroits

Le front du Président brisait le masque étroit.

Alors, dans Botmeur, vieux village d’Armorique,

Jetée comme la graine au gré de l’air d’une crique,

Naquit d’un sang breton et français à la fois

Une enfant sans couleur, sans regard et sans voix,

Si débile qu’elle fut, ainsi qu’une chimère,

Abandonnée de tous, excepté de sa mère,

Qui fit faire en même temps sa bière et son berceau.

Cette enfant que la vie effaçait de son livre

Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre,

C’est moi. »

3. Voir Ron-ron, ça tourne ! même auteur, même collection.

4. Écervelé, en français.

III – Voyage au-dessus d’un nid de gourous

« Ainsi Catia, fille spirituelle de Victor Hugo,

Marche dans les traces de Javert, son héros. »

Quoi, quoi, quoi : le nombre de pieds n’est pas bon ? Je m’en trifouille le panache ! Hein ? La digression est oiseuse ? Allez voir chez certains si la digression n’est pas baveuse… en plus !

— Voulez-vous vous promener en voiture, mes amis ? demande Philibert.

Son élégance un peu désuète est en accord avec sa vieille Jaguar XJ6, d’un vert profond et lustré. Nous acceptons évidemment et sautons joyeusement sur le cuir de la banquette arrière. Enfin, surtout moi, car le comte aide Hector en lui soulevant le train arrière. Éloïse est déjà installée à l’avant. Le beau bruit du quatre litres deux cents, six cylindres en ligne, double carburateur, ronronne, comme moi. La vitre, côté chien, est légèrement baissée pour que mon Saint-Hubert puisse humer la brise, selon son habitude. En route vers la quête de la vérité, le chemin de la lumière, le paradis des allumés !

À la sortie du parc, un homme retire sa casquette pour nous saluer ! Comment se fait-il qu’il n’y ait pas une foule en délire sur notre passage ? C’est inadmissible ! Vive la reine Catia ! Vive Catia ! Merci mes amis, mais je ne suis qu’une modeste princesse ! Mais si, mais si…

Voilà qui est mieux tout de même. Une femme en cheveux se détache des badauds.

— Quand vous nous pondez un héritier ? hurle-t-elle.

— Euh… c’est une bonne question…

— Y paraît que vot’prince, il assure comme une bête !

Pouah ! Quelle vulgarité ! Si encore ça correspondait à quelque chose…

— Je vous aime, ma princesse ! crie une petite fille en jetant une fleur vers moi.

— Merci ma chérie ! lui réponds-je. Oh, qu’elle est laide, la pauvre bigleuse !

— C’est avec ma retraite que t’as peint ton carrosse ! ricane un édenté. Encore un sans-culotte en puissance…

— La prochaine fois qu’tu passes, j’aurai ma fronde ! menace un gros tas en montrant le poing.

Ah, la populace en colère… Pourtant, hein, ils ont la Sécurité Sociale, la grande distribution, le football ! Et il n’y a plus d’épidémies de peste ni de vérole.

— Hou ! Hou ! Catia au poteau ! Catia au lanterneau !

Au lanterneau ? Qu’est-ce que… À la lanterne, à la rigueur…

— Catia, c’est du plagiat ! Catia ! Plagiat ! Catia, Plagiat !

Ah non ! Ça, je ne vous permets pas ! Bande de plumitifs, jaloux de mon immense succès ! Ratés du vocabulaire ! Tarés de l’inspiration ! Dégénérés de la sémantique !

— À poil ! À poil ! La fourrure en pelure !

Quelle horreur ! Ils vont m’écorcher vive, salir mon pelage éblouissant… Et ce cocher qui n’avance pas ! Je vais te faire fouetter, misérable, tu passeras sur la roue, tu…

— CATIA ! Nous sommes arrivés ! Réveillez-vous, ma douce amie.

Une langue chaude enveloppe mon museau. J’émerge de mon cauchemar avec peine, moi qui n’ai copié personne.