Incarnation lascives - Marcel Nuss - E-Book

Incarnation lascives E-Book

Marcel Nuss

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Beschreibung

"Incarnation lascives& est un recueil de six nouvelles érotiques écrites entre 2018 et 2020. L'auteur met en scène des situations qui montrent différentes facettes du désir et de l'attirance sexuelle. Bien que fictives, ces nouvelles sont d'inspiration plus ou moins autobiographique. Histoires pleines de tensions, d'intentions, de passions, d'émotions, de frustrations et d'interrogations. Les jouissances sont multiples et singulières mais jamais simples, semble penser l'auteur. Et vous ?

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Seitenzahl: 247

Veröffentlichungsjahr: 2021

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Aux femmes qui m’ont fait monter au septième ciel. Aux femmes que j’ai aimées et désirées.

« Érotique : juste pour moi. Emboutie, embrouillée, confuse. Enchevêtrée, bafouillée, embaumée. Embusquée avec une émeraude. Émerveillée, émotionnée, couchée. »

Sonia Rykiel

Table des matières

Prédation

Attraction

Cap d’Agde

Premier mouvement

Second mouvement

Troisième mouvement

Romance érotique

Nathalie

Apparition

Communion

Disparition

Dialogues

Alex

Honoré

Amélie

Du même auteur

Prédation

Il était assis sur les marches de l’opéra. Il faisait chaud, très chaud, sous ce soleil de plomb qui l’écrasait. Mais il le sentait à peine, tout à son observation. Il était assis sur ces marches brûlantes, à ce point stratégique, depuis une demi-heure environ. La place de la Comédie grouillait de monde en cette période estivale. On était mi-juillet, il y avait eu le feu d’artifice la veille, mais il était resté chez lui, devant son ordi : trop de gens, généralement en famille ou en couple, donc inintéressants pour lui, il avait en plus une sainte horreur des feux d’artifice.

Il était en rut depuis quelques jours, donc en chasse, parce que se branler ne lui suffisait plus. D’ici, il avait une vue panoramique sur la place et les rues adjacentes. Que cherchait-il ? Que regardait-il, yeux mi-clos, une bouteille de jus de pamplemousse glacé dans la main, qu’il sirotait rêveusement ? Les femmes, il scrutait les femmes, allant et venant alentour. Il était en quête d’un vagin accueillant et plus si affinités. Cependant, les affinités n’étaient pas ce qu’il y avait de plus urgent : trouver des bras, un corps, de la chair et un sexe, prêts à recevoir le sien ou à l’engloutir, selon les envies de la dame, jeune ou moins, tant qu’elle était consentante et séduisante, presque tout lui allait. Il n’avait pas encore jeté son dévolu sur quelqu’une. Les femmes défilaient devant ses yeux scrutateurs, imprégnant parfois ses rétines d’une lueur carnassière qui s’éteignait très vite, car il y avait toujours un bémol à la clé, le plus souvent c’était le fait qu’elle fût accompagnée.

Il était habillé de blanc, ce jour-là. Chemise, pantalon et espadrilles, tout était d’un blanc immaculé, resplendissant sous ce soleil étouffant. Heureusement, il avait la chance de ne pas transpirer facilement. Il sirota encore une gorgée. Combien avait-il vu passer de femmes depuis qu’il s’était installé sur ce petit promontoire ? Il eût été incapable de le dire. Certaines le marquaient, d’autres passaient presque inaperçues. Celles qui suscitaient sa curiosité, attiraient son attention plus fortement, c’était celles dont quelque chose lui plaisait, quand ce n’était pas toute la personne, l’amenant à la suivre du regard le plus longtemps possible, avant qu’elle ne disparût de sa vue.

Peu lui importait la taille, petites ou grandes, il s’en fichait royalement, dès lors qu’elles étaient bien proportionnées, avaient une démarche aérienne, fluide, presque dansante, et dynamique, dégageant une énergie vitale et une aura qui l’interpellaient, le charmaient particulièrement et instantanément. Elle pouvait être brune, châtain, rousse, auburn ou noire de jais, jamais blonde, il n’avait pas d’attrait pour les blondes, pas plus que ça en tout cas, et ne savait pas pourquoi. C’était peut-être génétique ? Ça n’avait aucune espèce d’importance, il n’avait guère de difficulté à rencontrer des femmes partantes, voire à l’affût comme lui d’un bon coup ; il y en avait de plus en plus d’ailleurs, avait-il l’impression, pour son plus grand plaisir. Il estimait qu’il n’y avait rien de plus excitant que de baiser avec une femme libérée et libre dans sa tête et dans son corps, une femme aimant le sexe pour le sexe. Et puis, il y avait la tenue vestimentaire, essentielle celle-là à son sens, mais aussi les yeux, le regard, le visage, la bouche et les lèvres qu’il préférait pulpeuses, gourmandes, parfois la longueur des cheveux, la coiffure. Tout quoi, ou presque, une personne est un tout, estimait-il. Rien ne le faisait davantage fantasmer qu’une femme en jupe courte, avec un haut décolleté, le plus décolleté possible, ou en robe échancrée jusqu’à mi-cuisses. En outre, ça le rendait littéralement fou de désir lorsqu’il constatait qu’elle ne portait pas de soutien-gorge.

Assis sur les marches, insensible à la canicule, lui qui avait du sang berbère dans les veines, à la vue d’une femme correspondant à ses critères de prédilection, il se mettait soudain à fantasmer, et si violemment qu’il pouvait quelquefois craindre de voir son chibre, raide comme la justice, transpercer son pantalon ou cracher la sauce, risquant de voir une auréole se dessiner autour de la braguette. C’était encore pire, lorsqu’il s’imaginait qu’elle ne portait aucun dessous, qu’elle était à poil sous son vêtement léger et flottant autour de ses jambes. C’était le summum de son délire érotique. Il se figurait alors la prendre par derrière, la faire se pencher en avant, relever lestement la jupe ou la robe, voyant surgir son cul dans toute sa splendeur, rond, charnu, voluptueux, la fente déjà baveuse et ébahie, et s’enfoncer en elle sauvagement, environnés de leurs halètements, là, au milieu de la foule ! Il sentait sa queue la pénétrer, la baratter à coups de reins claquants, et elle qui l’accompagnait, apprivoisée et même demandeuse, au point de mener finalement la danse, en imprimant sa cadence et sa position, se relevant brusquement, l’antre écumant et affamé, afin de lui faire face et de l’enlacer de ses jambes bien plus musclées qu’il n’y paraissait de prime abord, lui enserrant fermement la taille pour mieux le tenir, le précéder. Il aimait les retournements de situations sensuelles, il adorait copuler avec des femelles autoritaires qui savaient ce qu’elles voulaient et l’imposer sans se faire prier. Et, il aimait fantasmer ainsi, au milieu d’une foule inconsciente de ce qu’il faisait derrière son regard baladeur. Il faisait des élues ce qu’il voulait, selon son humeur et sa tension sexuelle, sans aucun dommage pour quiconque. Plus il était en rétention, plus se laisser entraîner dans des contrées immorales, immondes ou agressives, le faisait kiffer. Ça pouvait gêner qui ? Ce monsieur à la démarche raide comme la justice ? Cette vieille dame à l’austérité d’un bréviaire ? Cette jeunette coincée du cul à voir son port de tête austère et sa tenue à la rigidité cadavérique ? Au contraire, il s’amusait parfois tout seul rien qu’à l’idée que ces gens entrent dans ses pensées lubriques. Mordre les lèvres, mordiller les nichons, déchirer les vêtements, prendre à la hussarde, égoïstement, sans ménagement et se vider sans retenue dans sa bouche, dans son con, son cul ou sur elle, et même se faire violenter, voire violer, tout y passait, en fonction de son humeur du moment. Mais surtout se vider du trop-plein. Fantasmes si intenses qu’il en tremblait nerveusement en son tréfonds intérieur, le souffle court, comme s’il avait baisé réellement. Il se lâchait dans sa tête, à se faire peur certains jours. Comment était-il possible de concevoir de telles monstruosités ? Était-il sain d’esprit ? Était-ce normal d’avoir de telles pensées ? Au secours, Freud et Reich ! Évidemment, personne ne venait le secourir, d’autant qu’il se gardait bien d’en parler à quiconque. On ne partage pas ce qui nous appartient, et nos pensées nous appartiennent, surtout les plus folles, les plus trashs. Et il adorait tant être trash.

En revanche, il ne voulait surtout pas que la nana fût sous l’emprise d’une ithyphallophobie, comme cela lui était arrivé la semaine précédente. Il l’avait rencontrée à la terrasse d’un café, il venait tout juste de terminer le chapitre quotidien de son nouvel essai : Femmes, séduction et libertés. Écrire, des essais, des romans, qu’importe mais écrire, c’était son passe-temps favori lorsqu’il ne faisait pas de chroniques pour le Midi Libre. Il n’avait que deux étages à descendre et cinq mètres à parcourir pour rejoindre le bar-tabac, s’asseoir à l’ombre d’un platane, sur une chaise métallique inconfortable qui avait sans doute dû être blanche à une époque, face à une petite table ronde dont la peinture s’écaillait, puis commander un café, serré le plus souvent, et contempler tranquillement les passantes et les voisines de table qui entraient dans son champ de vision, le tout d’un air nonchalant, celui du mec cool, pas du prédateur. Était-il un obsédé, un consommateur de chair fraîche aux mensurations agréables pour son œil ? Les jours, les rares jours où il était titillé par la mauvaise conscience ou la culpabilité, ce qui était tout compte fait du pareil au même, il se posait la question, pour la chasser immédiatement : il n’était pas prêt à cesser de « collectionner » les meufs, certaines d’entre elles du moins, au profil approchant, aussi bien physique qu’intellectuel. Était-il trop exigeant ? Discriminant ? Il se posait beaucoup trop de questions existentielles lorsqu’il s’agissait de sa libido. C’était surprenant puisqu’il se sentait d’autant plus libre qu’il n’avait aucune attache sentimentale, n’ayant jamais juré fidélité à personne jusqu’à présent, à plus de quarante ans maintenant, qui lui seyaient parfaitement, parce qu’il les portait bien, avec sa tignasse châtain drue, grisonnante sur les tempes, pas une once de graisse, ni de muscles pour la frime, bien foutu pour ses 1,81 m sous la toise. Dès l’adolescence, il avait compris qu’il plaisait à bon nombre de femmes, mariées ou non, et même à des hommes, et il en avait bien profité ; mais il ne s’était guère attardé dans les bras du genre masculin, se contentant d’expériences très épisodiques, anecdotiques même.

Ce jour-là donc, la demoiselle était assise à la table mitoyenne, buvant une bière tout en pianotant sur son portable, ce putain de portable dont la majeure partie de l’humanité ne sait plus se priver. Mais c’était une autre histoire, qu’il préférait laisser à d’autres, surtout que la pianoteuse frénétique lui avait tapé dans l’œil. Elle était particulièrement attrayante, accorte, jeune (une vingtaine d’années à vue de nez), sexy en diable dans un débardeur couleur turquoise et une jupette noire au ras des fesses lorsqu’elle était assise, ce qui était le cas, laissant entrevoir une partie de son string (il l’imaginait mal porter autre chose, et la suite lui donna raison), des yeux superbement mis en valeur par le maquillage, rendant leur vert irisé de paillettes dorées plus intenses. Et des lèvres, une bouche, renversantes. Sous sa djellaba, car il aimait écrire en djellaba, sa tenue décontractée, il se mit à bander tel un Turc ou un âne ou ce qu’on veut, en tout cas il eut une trique d’enfer comme ça ne lui était pas arrivé depuis un certain temps. Heureusement qu’il ne mettait jamais de dessous ou très rarement, par commodité et surtout pour être plus rapidement opérationnel. En l’occurrence, il eût été bien emmerdé s’il avait eu un slip ou un caleçon, son zob lui eût fait mal, à l’abri des regards par chance.

Elle venait d’avaler la dernière gorgée de ces 25 cl de bière. Se ressaisissant, il se pencha vers elle et, avec ce sourire qui ferait fondre n’importe qui, il lui dit :

— C’est une journée superbe, vous ne trouvez pas ?

Plus banal que ça, tu meurs. Toutefois, ce n’était qu’une entrée en matière non compromettante afin d’aborder la pianoteuse, qui décolla un œil étonné et interrogatif de son écran. La première phase du lancement de la fusée vers Vénus avait réussi. Sa queue battit la cadence de plus belle.

« Calme-toi Ducon, tu vas tout gâcher ! », parce qu’il sentait qu’il était proche de se vider les couilles contre sa volonté, bien faible au demeurant.

Elle leva machinalement la tête vers le ciel :

— Oui, effectivement.

Et elle allait replonger dans son LSD "mobile", s’il n’avait pas enchaîné sans attendre :

— Vous êtes de Montpellier ?

— J’habite à Gignac.

— Ah ! C’est pas loin d’ici.

— Surtout en août, dit-elle avec une esquisse de sourire qui la fit rayonner instantanément.

— Je peux vous offrir une autre bière ou autre chose, enchaîna-t-il sentant une ouverture chez… Chez qui au fait ? Je m’appelle David, et vous ?

— Émilie. Je veux bien une autre bière, répondit-elle toujours sur ses gardes, s’il se fiait au regard circonspect qu’elle posait sur lui.

C’était certes laconique mais plutôt encourageant, décida-t-il. Peut-être pour rasséréner sa queue qui s’impatientait sous la djellaba ? Sur ce, il se tourna franchement vers elle et se rapprocha de sa table.

Tout en buvant, ils papotèrent, de plus en plus détendus au fur et à mesure de l’avancée de leur échange. Il apprit qu’elle était étudiante en droit pénal international et sa rétine s’illumina lorsqu’elle sut qu’il était journaliste et écrivain à ses heures perdues, c’est-à-dire fréquemment. « C’est pas vrai ! Ça doit être super comme boulot, non ? » « Tu sais (car ils s’étaient mis au tutoiement après la quatrième ou la cinquième gorgée), bosser dans un canard local, ce n’est pas vraiment folichon. Le plus souvent, c’est du commérage un peu plus fouillé ». Je fais une chronique hebdomadaire plus ou moins politique et sociale mais, depuis la disparition de Frêche, à part la montée de l’extrême droite dans le sud aux dernières élections, celles qui ont installé Macron dans son Olympe, y’a rien d’excitant. L’Hérault est plutôt calme, l’actualité est ailleurs, sauf à s’intéresser au rugby et au foot, ce qui n’était pas son cas.

— Tu es arabe ? demanda-t-elle au détour d’un sujet sur la gastronomie, comme si elle remarquait seulement maintenant la djellaba.

— En fait, je suis arabe par mon grand-père, juif par ma grand-mère et alsaco par mon père, répondit-il en s’esclaffant.

— Ben dis donc, siffla-t-elle entre les dents, quel patchwork. Tu as tout pour plaire.

— Ou déplaire, ça dépend de l’angle de vue, rit-il derechef.

— Et que fais-tu dans l’Hérault ? s’enquit-elle davantage.

— Je drague et parfois je travaille.

La réponse lui coupa le souffle sur le coup, elle ouvrit de grands yeux stupéfaits et interrogatifs, se demandant s’il se foutait d’elle. Mais visiblement non, estima-t-elle devant son air satisfait face à sa réaction.

— Ben dis donc, tu ne manques pas de toupet ou d’aplomb.

— Ou des deux, fit-il content de lui-même, jugeant qu’il venait de marquer un point important.

— Je suis réputé pour ma franchise, c’est à peu près la seule qualité qu’on me trouve en général. Enfin, ça dépend de quel côté de la franchise on se place, ironisa-t-il. Il y en a qui déteste ma franchise, qu’elle horripile plus qu’autre chose.

C’est alors qu’il vit l’intérêt s’accroître dans les yeux d’Émilie, elle commençait à être charmée. Il était temps, sa queue s’épuisait à attendre et à tressauter d’impatience de droite à gauche.

Ensuite, tout alla très vite, trop vite, comme souvent. Mais comment le savoir à l’avance, à moins d’avoir des dons de double vue, ce qu’il n’avait pas, hélas ? Avec les conséquences auxquelles il était à mille lieues de s’attendre et qu’il regretta profondément. Mais comment le savoir, se demandait-il depuis lors ? Sans la moindre réponse à se mettre sous la dent pour le rassurer ou, plus sûrement, pour le déculpabiliser. Qui eût pu prévoir ? Personne, ce qui ne l’empêchait pas de s’en vouloir. Tout en ne l’arrêtant pas non plus, puisqu’il était reparti à la chasse trois ou quatre jours plus tard.

Ils avaient continué à papoter quelques minutes. Cependant, leurs pensées et plus encore leurs sens étaient déjà ailleurs. L’alchimie du désir s’était mise en branle, le genre d’alchimie où l’instinct prend le dessus sur la raison, où l’humain redevient animal ; cette animalité qui animait tant David, jusqu’à le mener par le bout du gland.

N’en pouvant plus de bander comme un malade, il tenta une approche en frôlant la main d’Émilie dans un geste qui se voulait involontaire. Elle ne réagit pas, ne la recula pas non plus. Il s’enhardit donc et la prit délicatement mais avec ostentation. En retour, elle lui sourit. Un sourire large et franc, le premier vrai sourire qu’elle lui adressait depuis un quart d’heure environ. Car ça ne faisait qu’un quart d’heure qu’ils avaient entamé leur petit jeu, et pourtant cela paraissait être une éternité pour David, pour sa bite plus exactement et son cœur qui battait la chamade, n’en pouvant plus d’excitation. Il était en surchauffe, il avait l’impression de commencer à suer sous sa djellaba et que ses pommettes s’étaient empourprées.

La main d’Émilie entra dans la danse à son tour, se mettant à caresser celle du beau parleur qui venait de la séduire. De la conquérir, se dit-elle subrepticement, consciente de son contentement et surtout de son consentement. Parce qu’elle savait comment ça allait se terminer, de façon imminente de surcroît, elle n’en doutait pas un seul instant. Elle aussi sentait l’excitation lui monter aux joues et envahir son corps et même son sexe. Ce sexe qui n’avait jamais accueilli celui d’un autre homme jusqu’à présent, ni été touché par une femme du reste ; non qu’elle fût une hétéro pure et dure mais l’occasion ne s’était jamais présentée. Or, l’occasion fait le larron, paraît-il. Ce qu’elle était en train de vérifier par elle-même, tout en ne pouvant empêcher une petite voix intérieure de lui demander insidieusement si elle n’allait pas le regretter. Mais c’était trop tard.

— J’ai envie de toi, susurra-t-il soudain alors que sa main s’attardait désormais dans l’entrejambe de sa proie. Toi aussi, tu aimerais… ?

Comment avait-elle atterri à cet endroit ? Émilie eût été incapable de répondre, elle était déjà dans une sorte d’état planant, d’état second.

Le regard brûlant de désirs, après une brève et insignifiante hésitation, elle laissa sa digue se rompre et chuchota presque :

— Oui. Mais… mais nous ne pouvons pas aller chez moi, il y a ma mère et ma sœur.

À son tour, il eut un grand sourire, un sourire de satisfaction, le sourire de celui qui est arrivé à ses fins, une fois de plus.

— Ce n’est vraiment pas un souci. J’habite là-bas, précisa-t-il en pointant l’immeuble de son doigt.

— Effectivement, opina-t-elle de la tête. Tu harponnes souvent à cette terrasse ? fit-elle avec un regard en coin suspicieux.

Partant du principe qu’il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, il se leva sans plus attendre, en répondant :

— Ben non, ça peut paraître étonnant, mais non. Tu n’es que la deuxième femme que je rencontre ici. Un homme également, il y a quelques années.

— Tu es bi, donc, je suppose, constata-t-elle d’une voix neutre, en se redressant à son tour, le regard brusquement intrigué par la protubérance sous la djellaba de David, juste à la hauteur du bas-ventre. Déjà ?

— Je suis bi à mes heures perdues, pour répondre à ta première question. Et oui, pour la deuxième. Que veux-tu, tu me fais un effet maousse costaud.

— Ça t’arrive souvent, je suppose qu’une meuf te fasse un « effet maousse costaud » ? ironisa-t-elle, tout en se dirigeant vers le « piège à filles » ou à connes, elle ne savait trop comment le définir, ce qui ne l’arrêtait pas pour autant, à sa grande stupéfaction.

— Figure-toi que ça m’arrive, mais bien moins souvent que tu sembles le penser. Ressentir du désir pour quelqu’un, c’est relativement courant. Ressentir une sorte d’attirance oppressante, tellement elle est puissante, intérieurement ravageuse même, ça n’arrive pas tous les jours, loin s’en faut. Ça répond à ta question ? dit-il en ouvrant la porte qui donnait sur la cage d’escalier. Ça doit être une question de feeling, d’affinités, de karma ou que sais-je. Mais c’est très appréciable, peut-être parce que ce n’est pas fréquent ?

Elle ne répliqua pas. En fait, elle s’en fichait, elle savait pertinemment ce qu’elle faisait, avec une certaine appréhension tout de même, car c’était la première fois pour elle, ce qu’elle se garda bien de confier à David. Était-ce les meilleures conditions pour une première fois ? Pourquoi avec cet inconnu, sans aucun flirt préalable, aucune prévention particulière ? Que faisait-elle du romantisme, de la période de découverte réciproque ? Elle l’ignorait et, de toute façon, c’était trop tard. La gueule du loup venait de se refermer derrière elle, dans un claquement de porte sec. Ils étaient dans la pénombre de la cage d’escalier.

Elle n’eut guère le temps de réfléchir davantage. La plaquant doucement mais fermement contre le mur à côté des boîtes aux lettres, il commença à l’entreprendre, le souffle déjà court dans son cou.

— Pas ici, se cabra-t-elle en essayant faiblement de le repousser, car elle sentait l’excitation monter dans son corps, son sexe, mais, étant donné que c’était nouveau pour elle, elle était incapable de définir avec exactitude les sensations qu’elle éprouvait, elle savait juste que c’était agréable et qu’elle voulait vivre la suite.

— Il n’y a aucun risque, nous sommes seuls dans l’immeuble, les autres sont en vacances jusqu’à la semaine prochaine, au minimum.

La main s’était glissée sous le débardeur, avait retiré le bonnet gauche du soutif et pelotait un sein ferme et chaud, s’attardant délicatement sur le téton. Il eut instantanément la satisfaction de l’entendre réagir par de petits gémissements et de sentir ses mains le caresser maladroitement. Elle avait renoncé à résister. Elle se donnait à lui maintenant sans retenue. Il en voulait pour preuve le bassin et le mont de Vénus qui se frottaient ostensiblement contre sa bite qui se vidait au goutte-à-goutte, il le sentait. Il y avait urgence, il ne tiendrait plus une éternité.

Il remonta la djellaba à la hauteur de son ventre, juste au-dessus du braquemart. Puis conduisit la main d’Émilie vers l’objet du désir. Instantanément, le regard de celle-ci vira de façon inexplicable. Elle le repoussa fermement et, à la vue de son membre turgescent, se mit à trembler de tout son long et à se mordre l’avant-bras afin d’étouffer des cris d’effroi. Elle était tétanisée. Ce qui eut pour effet collatéral de dégonfler l’arme du crime aussi vite qu’elle s’était dressée, avant que le tissu ne la recouvrit presque pudiquement.

— Que se passe-t-il ? s’inquiéta un David profondément décontenancé. Que se passe-t-il ? répéta-t-il en voyant le visage livide, les traits tirés et le corps chancelant de la jeune femme.

Elle paraissait incapable de surmonter sa panique. Que s’était-il passé, que diable venait-il de se passer ? Il essaya de l’entourer de ses bras avec le souci de l’apaiser, la calmer. Cependant, elle poussa un cri tel qu’il fit un bond en arrière. C’est alors qu’elle se mit à sangloter, versant un flot de larmes, le corps chevrotant et le regard hagard.

— Mais que se passe-t-il ? Dis-le-moi. Parle-moi, implora-t-il.

Finalement, un majeur flageolant désigna l’emplacement de sa verge désormais recroquevillée et penaude dans sa tanière puis elle articula avec difficulté :

— Ça… lui… j’ai… j’ai peur, bégaya-t-elle.

Il baissa machinalement la tête, éberlué, vers "ça" qu’il sentît se tasser encore plus, comme si "ça" voulait disparaître de honte. Totalement désorienté, paralysé par la situation qui le dépassait, donc ne maîtrisait pas, il tanguait d’une jambe sur l’autre, indécis et dans l’attente de connaître le fin mot de l’histoire, si tant est qu’il y en avait un, bien sûr. Il était mal à l’aise et avait mauvaise conscience. Il culpabilisait à mort, lui qui se vantait de ne pas connaître ce sentiment. Qu’avait-il fait ? Mais qu’avait-il fait, bon Dieu ?

— Quoi ? Mon sexe ? C’est ça ? chercha-t-il confirmation d’un ton suppliant.

Elle acquiesça d’un imperceptible hochement de tête. Le laissant sans voix.

« C’est quoi cette histoire de merde, fulmina-t-il intérieurement, abasourdi. » Pourquoi fallait-il que ça lui arrivât à lui, merde et remerde ! jurat-il en silence.

C’était atroce de se sentir démuni. Or, il se sentait terriblement démuni en ce moment.

— Mon sexe t'a fait peur ? revint-il précautionneusement à la charge.

Elle acquiesça, de la confusion au fond des yeux. Elle-même paraissait dépassée par ce qui lui advenait, maintenant qu’elle reprenait un peu ses esprits.

— Tu as subi un traumatisme un jour impliquant un pénis en érection ? sonda-t-il sans conviction.

— Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je vais rentrer. Il faut que je rentre. Que je me repose. Désolée.

Un comble, c’était elle qui était désolée.

— Tu veux que je te raccompagne, ma voiture est à côté ? tenta-t-il en devinant la réponse à l’avance.

— Non. J’ai besoin d’être seule. Laisse-moi. Laisse-moi s’il te plaît. Je suis vraiment désolée.

— Ça ira ? s’enquit-il toutefois par acquit de conscience.

Elle ne répondit pas et s’éloigna en titubant mais, d’un geste, le retint alors qu’il s’apprêtait à la rejoindre pour la soutenir. Elle ouvrit la porte qui se referma l’instant d’après sur lui tel un glas.

C’est alors qu’il la vit se diriger droit sur lui, le sortant de sa réminiscence funeste. Elle avait une chevelure d’un noir étincelant, qu’elle avait rassemblée dans un désordre très étudié. Elle était craquante, d’un abord très agréable, avec une harmonie corporelle qui le conquit implacablement. Elle avait quelque chose d’autoritaire, de résolument décidé, dans ses yeux d’un bleu d’une profondeur saisissante, dans la démarche, dans l’énergie qu’elle dégageait naturellement et dans la voix. Il n’eut pas le temps de l’observer plus avant.

— Vous allez être cramé, décréta-t-elle, alors qu’elle était encore à deux ou trois mètres de lui.

— C’est gentil de vous inquiéter pour ma personne, mais rassurez-vous, je vais très bien, dit-il avec un sourire malicieux en coin, en s’apprêtant à se mettre debout. D’un geste, elle le retint et s’assit à ses côtés.

Entre-temps, il avait eu suffisamment de temps pour terminer son inspection visuelle. Short en jean au ras des fesses, mettant en valeur ses jambes longues et fuselées (elle devait bien faire 1,75 m, estima-t-il), des pieds à la tête, le corps couvert de bijoux, de pacotille certes mais qui lui seyait à merveille et qui étaient assortis à la couleur du reste, c’est-à-dire dans les tons bleus, blancs et chair, à l’instar du dos nu en coton blanc, sans soutien-gorge, et des escarpins blancs vernis. Tout était harmonieux chez elle, agréablement harmonieux. Elle semblait avoir du goût, de la prestance, du caractère, de la volonté et elle savait ce qu’elle voulait. En l’occurrence, il en était persuadé, d’après le fourmillement dans ses bourses qui ne le trompait jamais, c’était sur lui qu’elle avait résolu de mettre le grappin. Et, avait-il appris dans son existence déjà bien fournie, lorsqu’une femme te veut et l’exprime ouvertement, ce qui est absolument rarissime sous nos latitudes latines, ne réfléchis pas, fonce, profites-en, il sera toujours assez temps de réfléchir plus tard. D’autant qu’elle avait une bouche à damner un saint, ce qu’il n’était pas, grâce à Dieu, avait-il pour habitude de clamer. Une putain de bouche qu’on avait envie d’embrasser jusqu’à plus soif, charnue et voluptueuse à souhait.

— Vous faites quoi sous ce cagnard ?

— Je vous attendais, visiblement, répondit-il du tac au tac, avec le même aplomb que la demoiselle à ses côtés.

Elle devait avoir dans les trente ans, jugea-t-il à certains détails, elle avait pourtant l’air presque juvénile. « Sacrément dangereuse, pensa-t-il », ce qui était un compliment venant de lui. Il les détestait soumises et indécises, elles étaient vite lassantes.

— Comme ça tombe bien, rétorqua-t-elle sans se départir de son aisance. Je ne sais pourquoi, quelque chose en vous me plaît. Je dirais même plus : m’attire furieusement.

— Furieusement ? Carrément furieusement, s’étonna-t-il un sourcil en accent circonflexe.

— Me dis pas que ça te choque, bifurqua-t-elle vers le tutoiement, je ne te croirai pas. Ça fait dix minutes que je t’observe en dégustant un café liégeois et je pense m’y connaître en mec. Ou alors, toutes mes excuses les plus sincères, ajouta-t-elle de l’ironie dans les yeux et la voix.

« Putain de meuf ! » Que lui arrivait-il ces derniers temps avec les femmes, d’abord Émilie et maintenant… Certes, ce n’était pas le même registre, elles étaient cependant décoiffantes ou décapantes toutes les deux.

— Vous vous appelez ?

— Virginie.

— David. Si nous allions trinquer à notre rencontre ?

— En fait, j'ai super envie de te faire une pipe. Je suis certaine que tu adores ça, que tu sais apprécier ce moment et moi je kiffe trop les fellations. Prendre le temps, sentir la queue grossir en bouche, jouer avec, saliver de plus en plus, m'exciter de sentir ce sexe en bouche qui vit, vibre, se cabre, sentir le plaisir de l'autre et prendre le mien en sentant le sexe caresser mon palais, prendre toute la place dans ma bouche, glisser de plus en plus profond dans un va-et-vient contrôlé, le sentir dans le début de ma gorge et saliver de plaisir. Hmmm, c'est trop bon... Prendre son temps, jouer avec et se laisser partir par les sens exaltés. J'adore ça ! Et s’il y a de la musique, alors c'est encore meilleur.

Elle lui sortit cette tirade d’une traite, sans reprendre son souffle, le laissant pantois et au bord d’une apoplexie provoquée par une surexcitation qui le submergeait. Il était rattrapé par bien plus fort que lui. Un exploit qui lui rabattrait définitivement le caquet dorénavant. Il avait trouvé son maître. Plus exactement sa maîtresse. Et quelle maîtresse-femme !

« Putain de meuf ! répéta-t-il derechef, tel un mantra. Que m’arrive-t-il ? » Mais il ne perdit pas pour autant le nord.

— OK, on va où ? J’ai hâte de me fourrer dans ta bouche si accueillante et après qu’on s’embrasse jusqu’au bout de la nuit.

— S’il n’y a que ça pour te faire plaisir, pas de souci. Je pensais que tu étais plus exigeant que ça, à première vue.

— Rassure-toi, je sais aussi être très exigeant.

— Je n’ai pas besoin d’être rassurée, juste qu’on baise. Après on verra…

— Mais pourquoi moi ? ne put-il se retenir de lui demander.

— S’il n’y a que ça, je peux jeter mon dévolu sur un autre type, aucun souci, balança-t-elle en commençant à tracer.

Et elle l’entraîna derrière elle, en lui prenant la main fermement, sans qu’il rechignât le moins du monde. Pour la première fois de son existence, il se laissait docilement conduire.