L'Avare en gants jaunes - Eugène Labiche - E-Book

L'Avare en gants jaunes E-Book

Eugène Labiche

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Extrait : "PAPHOS : Trois heures !... Le bal de l'Opéra va finir. LE GARÇON, assis, lisant un journal : Et les soupers vont commencer. A-t-on retenu beaucoup de cabinets ? PAPHOS : Je crois bien !... un mardi gras !... Il ne m'en reste plus qu'un !... As-tu allumé le salon de M. Arthur ?"À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier

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EAN : 9782335055313

©Ligaran 2015

Acte premier

Un salon d’attente du restaurant de la Maison d’or.

À droite, l’entrée du restaurant ; à gauche et au fond, entrée des cabinets particuliers ; un buffet garni de comestibles, au premier plan à droite ; au premier plan à gauche, deux petites tables à deux couverts.

Personnages

ARTHUR POTFLEURY.

OCTAVE, son fils.

CHAMPEIN, officier d’artillerie.

DUTILLET, homme d’affaires.

CADET, domestique d’Octave.

FRUCTUEUX, propriétaire.

GREFFÉ, rentier.

MADAME VEUVE DE BOISROSÉ.

MIRANDA, sa fille.

ROSINE, fille de Fructueux.

ROSA, fleuriste.

PAPHOS, garçon de restaurant.

UN JOUEUR.

UN AUTRE GARÇON.

UN TROISIÈME GARÇON.

La scène se passe, au premier acte, au restaurant de la Maison d’or, en 1857 ; au deuxième acte, chez madame de Boisrosé ; au troisième acte, chez Octave.

Scène première

Paphos, un garçon, puis Cadet.

PAPHOS

Trois heures !… Le bal de l’Opéra va finir.

LE GARÇON,assis, lisant un journal

Et les soupers vont commencer. A-t-on retenu beau coup de cabinets ?

PAPHOS

Je crois bien !… un mardi gras !… Il ne m’en reste plus qu’un !… As-tu allumé le salon de M. Arthur ?

LE GARÇON

Oui… Il y a même un arlequin et trois pierrettes qui sont dedans…

PAPHOS

Qu’est-ce qu’ils font ?

LE GARÇON

Ils grignotent des crevettes en l’attendant… Ah çà ! qu’est-ce que c’est donc que ce M. Arthur ?

PAPHOS

Lui ?… c’est la crème des farceurs !… Figure-toi un jeune homme de trente-cinq à soixante ans…

LE GARÇON

Un vieux !

PAPHOS

Oui… un vieux qui est plus gai que les jeunes !… Et comme il sait boire !… Si je te disais que je l’ai vu, moi, siffler une bouteille de champagne avant qu’on ait pu compter jusqu’à neuf… Une ! deux ! trois !… hup ! c’était fait.

LE GARÇON

Crédié !

PAPHOS

Et je lui ai entendu chanter sa fameuse romance de la Foire de Beaucaire… cent vingt-deux couplets ! Au dernier, on casse tout ! même que les marchands de porcelaine lui ont offert un dîner pour le remercier !

LE GARÇON

Il est riche ?

PAPHOS

Je ne sais pas s’il est riche… mais, un jour, il a donné vingt francs à Joseph pour une allumette… qui n’a pas pris !

LE GARÇON,se levant vivement

Mâtin !… je lui en offrirai !… Ça me fait penser qu’on vient d’apporter une lettre pour lui…

PAPHOS

Une lettre de femme, sans doute ; donne, je la lui remettrai…

LE GARÇON

Il a une femme ?

PAPHOS

Lui ?… il en a mille… et une !

LE GARÇON

Sapristi !… voilà un homme !

CADET,entrant ; il est en costume de groom très étriqué

Le restaurant, c’est-y ici ?

PAPHOS

Oui… qu’est-ce que vous demandez ?…

CADET

Mon maître m’a dit de venir lui retenir une chambre pour deux…

PAPHOS

Une chambre ?… Un cabinet !

LE GARÇON,à Cadet

Ah çà ! vous arrivez donc du Congo ?

CADET

Non… j’arrive pas d’où vous dites… Je suis Champenois, natif de Soudron, près Châlons. (Faisant claquer sa langue.) C’est là qu’y a de beaux bestiaux !

PAPHOS

Ça se voit tout de suite… Eh bien, après ?…

CADET

Vous avez-t-y une chambre, oui ou non ?

PAPHOS

Le 17 est libre… mais il faut que votre maître se dépêche… Comment s’appelle-t-il ?

CADET

Il s’appelle M. Octave Potfleury…

PAPHOS,à part

Aïe !… mauvaise affaire !

CADET

Vous le connaissez bien… il m’a dit qu’il déjeunait ici tous les jours…

PAPHOS

Oui… il se met là, bien en vue… et il consomme quoi ?… un œuf à la coque et une tasse de thé… sans beurre !… puis il demande trois cure-dents… Je crois qu’il les revend… Et il donne dix centimes au garçon !

LE GARÇON

Pouah !

CADET

Dix centimes ? tous les jours ?… Après ça, il a les moyens !… Je vais aller le chercher, avec sa petite dame… Entre nous, je crois que c’est sa bonne amie… Faut pas dire !…

PAPHOS,à part

Eh bien, elle a de la chance, celle-là. (Haut.) Allez ! allez ! (On entend des cris au dehors.) C’est M. Arthur et sa bande.

CADET

Ah ! le beau polichinelle !

Il disparaît.

Scène II

Paphos, le garçon, Arthur Potfleury, masques.

POTFLEURY,en costume de polichinelle, entre porté en triomphe par une troupe de masques

CHŒUR.

AIR :

Ah ! que la vie est belle,
Quand le gaz étincelle,
Et que le champ… ruisselle
Dans la coupe à flots d’or !
POTFLEURY
Aimons, buvons sans trêve !
Si le souper s’achève,
Sous la table l’on rêve
Qu’on boit, qu’on aime encor !

ENSEMBLE.

Sous la table,
Etc.
POTFLEURY

Jeunes élèves, je pourrais vous faire un discours… mais vous me cahotez trop ! vos épaules chiffonnent ma bosse… Polichinelle aspire à descendre !

LES MASQUES

Une ! deux trois !

On met Potfleury sur ses pieds.

POTFLEURY

Arrive ici, Paphos ! (Aux masques.) Il s’appelle Duhamel… mais, comme il est préposé au service des cabinets particuliers, je l’ai surnommé Paphos !

TOUS

Bravo ! bravo !

POTFLEURY

La vie est courte, Paphos… ne réponds qu’un mot à toutes mes questions. Le salon numéro 9 ?

PAPHOS

Gardé !

POTFLEURY

Le couvert ?

PAPHOS

Mis !

POTFLEURY

Les huîtres ?

PAPHOS

Ouvertes !

POTFLEURY

Le potage ?

PAPHOS

Chaud !

POTFLEURY

Le champagne ?

PAPHOS

Frappé !

POTFLEURY,aux masques

Très bien ! je te couvre de mon estime !

Il lui jette de la farine au nez.

PAPHOS,s’essuyant

Satané farceur !

POTFLEURY

Jeunes élèves !… avant d’entrer, que chacun dépose sa sobriété dans ce salon… Le dernier fermera la porte !… Au dessert, les messieurs seront priés de raconter d’une voix tendre l’histoire de leurs premières amours… Nota bene !… Les dames pourront faire semblant de lire la Patrie, journal du soir !… En route ! et formons la guirlande de Bacchus !

Tous les masques forment une ligne de droite à gauche, en se prenant par-dessus l’épaule, et entrent au numéro 9 en dansant de côté.

REPRISE DU CHŒUR.

Ah ! que la nuit est belle !
Etc.
Scène III

Paphos, le garçon, Potfleury, puis Dutillet.

PAPHOS,arrêtant par la jambe Potfleury qui est le dernier de la chaîne, et qui va entrer avec les autres

Ah ! monsieur Arthur !… une lettre pour vous.

Il entre au numéro 9.

POTFLEURY,revenant

Une lettre ? est-ce que j’ai le temps !… (L’ouvrant.) Tiens !… c’est de cet imbécile de Collinet. Allons, bon ! il Viendra souper !… Il avait d’abord dit non, et voilà qu’il ait oui !… Il n’est pas drôle, Collinet ; mais je l’invite à cause de sa femme… qui aime beaucoup à le savoir dehors !… Il faut avoir des égards pour les dames !… Nous étions douze, nous voilà treize !… c’est un mauvais compte, je n’aime pas ça !… (Appelant.) Garçon !… garçon !…

LE GARÇON,vivement

Une allumette, monsieur ?…

POTFLEURY

Quoi, une allumette ?… Tu mettras quatorze couverts, entends-tu !

LE GARÇON

Tout de suite.

Il entre au numéro 9.

POTFLEURY

Je trouverai bien un quatorzième. (Dutillet entre par le fond, costumé en pierrot ; il porte des lunettes.) Un pierrot ! voilà mon affaire ! (Haut.) Avance ici… pierrot !

DUTILLET,sérieusement

Plaît-il, monsieur ?…

POTFLEURY

Tiens !… c’est Dutillet ! mon homme d’affaires !

DUTILLET

Monsieur Potfleury en polichinelle !

POTFLEURY

Enchanté de vous rencontrer, j’ai besoin d’argent… il me faut six mille francs pour la fin du mois… Pouvez-vous me les faire ?…

DUTILLET

Six mille francs ?… c’est selon… Offrez-vous des garanties solides, palpables et sérieuses ?…

POTFLEURY

J’offre ma maison… Je ne l’ai pas sur moi, mais…

DUTILLET

Mais nous avons déjà pris hypothèque sur icelle pour quatre-vingt mille francs…

POTFLEURY

Mais elle vaut plus que ça… icelle ! Elle a trois étages… icelle !…

DUTILLET

Vous n’avez jamais été tuteur, curateur, ou exercé des fonctions publiques, engageant votre responsabilité pécuniaire ?

POTFLEURY,à part

Quelle drôle de conversation, entre un pierrot et un polichinelle ! (Haut.) Jamais, pierrot ! jamais !…

DUTILLET

Très bien ! J’en parlerai demain à mon client…

POTFLEURY

Ah ! oui, mon usurier : M. Grinchard…

DUTILLET

M. Grinchard n’est pas un usurier… il fait valoir ses fonds…

POTFLEURY

À quinze pour cent !… Je voudrais bien le voir, ce coco-là ! Priez-le donc un jour de venir manger une côtelette avec moi ?

DUTILLET

Il désire ne pas se faire connaître.

POTFLEURY

Oh ! je n’y tiens pas autrement !

DUTILLET

Monsieur Potfleury, voulez-vous me permettre de vous donner un conseil ?…

POTFLEURY

Parlez, pierrot !… parlez !

DUTILLET

Vous allez trop vite !… Resterez-vous donc toujours plongé dans l’ornière de la dissipation ?

POTFLEURY

Mais oui !

DUTILLET

Songez que vous avez un fils, un héritier…

POTFLEURY

Oh ! celui-là ne m’inquiète pas !… Octave a vingt-sept ans, cent mille francs du bien de sa mère… on dit qu’il les a triplés… Voilà un gaillard qui mène une folle jeunesse !… Il est de l’école réaliste, celui-là !… Croiriez-vous, monsieur, (Se reprenant.) non ! pierrot !… croiriez-vous qu’il écrit sa dépense !… un omnibus, six sous !… et que son domestique lui met le pot au feu deux fois par semaine !…

DUTILLET

Eh bien ?…

POTFLEURY

Eh bien, ça me rend triste ! parlons d’autre chose. Voulez-vous être gentil, Dutillet ?

DUTILLET

Quoi ?

POTFLEURY

Soupez avec nous ?… Vous ne mangez pas, vous buvez mal, vous n’êtes pas frétillant ; mais il me faut un quatorzième !

DUTILLET

Plaît-il ?

POTFLEURY

Ôtez vos lunettes, soyez gracieux et emboitez-moi !

DUTILLET