Les Gardiennes de l’Humanité - Pierre Léoutre - E-Book

Les Gardiennes de l’Humanité E-Book

Pierre Léoutre

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Beschreibung

Fin XXIIe siècle, et après une guerre des sexes sans pitié, les femmes ont fini par prendre le pouvoir, rompant avec des millénaires de soumission. Elles créent alors une tout autre civilisation où les hommes survivants, relégués au rang d'exécutants inférieurs, sont gardés dans des réserves en fonction des besoins de la communauté. Certains, comme Théophile, ont droit à un statut particulier et font partie de la caste des admis. Cela lui permet de conserver quelques avantages, entre autres, partager une demeure avec une compagne, mais sans pour cela jouer un rôle dans la société. Un jour, Théophile reçoit la visite de trois hautes personnalités venues lui proposer un marché... Ce divertissant récit de science-fiction inverse cruellement les rôles et caricature la soi-disant suprématie des hommes dans nos sociétés. Un roman qui prouve, s'il en était besoin, que la meilleure arme contre le sentiment de supériorité reste la modération et l'intelligence.

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Ce roman est une fiction.

Toute ressemblance avec des personnages ayant existé ou existant actuellement serait purement fortuite.

Très librement interprété d’un roman inédit de Franck Dequidt : La Femme aux yeux d’acier inoxydable.

Avec mes remerciements à Monique M. pour son aide.

Lorsqu’une femme te parle,

souris-lui et ne l’écoute pas.

Ly-Kin ou Livre des Rites

Sommaire

Préface

Convocation

L’organiste D’iris

La Soirée De Glaieul

L’intrusion

Marché Noir

La Formation De Théophile

La Femme Aux Yeux D’acier Inoxydable

Fécondation

La Pinède

La Cellule

Capitole

Comité

Dernière Mise Au Point

Métropolitain Toulousain

Bilan Intermédiaire

Pause

El Señor Patrick

Errance

Va-Tout

Point Par Point

Une Vie Bouleversée

Préface

Cette histoire est-elle une pure fiction ? Elle ne tarde pas à nous faire réagir, puis réfléchir quelles que soient nos convictions. Notre ami et « Marianne », Pierre nous invite avec humour à la prendre au second degré. Car elle a le grand intérêt de toucher du doigt la notion de genre.

Après la domination masculine, allons-nous vers une inversion des rôles, comme le montre cette vision futuriste de notre société ?

Le débat reste ouvert et « Les Gardiennes de l’Humanité » ne peut laisser les lectrices et les lecteurs indifférents.

Aujourd’hui, il est grand temps de se poser les bonnes questions dans le contexte du développement des extrémismes de toutes sortes…

Vouloir construire une humanité idéale, est-ce tenter de reproduire les mêmes erreurs en renversant les pouvoirs ? Est-il encore plus difficile de trouver sa place dans la société actuelle, qu’on soit femme, homme ou autre ? Peut-être qu’un juste équilibre égalitaire reste à trouver !

Il ne sert plus à rien de se gargariser de mots comme liberté, égalité, fraternité, laïcité. Il est sans doute nécessaire de se les réapproprier et d’agir en conséquence.

« La femme est-elle l’avenir de l’homme ? »

Voilà un bon sujet de débat… car il ne faut pas oublier que « si la femme est un des pôles de l’humanité, l’homme en est l’autre pôle ».

Pierrette Carbon

Présidente de l’association Libres MarianneS Midi Pyrénées http://libresmariannestoulouse.blogspot.fr

CONVOCATION

C’était sur cette même terre, mais à une autre époque.

Théophile héla sa compagne et lui demanda de lui apporter une bière, une rousse, la seule qu’il aimait dans ce type de boissons. Elle arriva presque aussitôt, son corps rond roulé dans un long sari blanc, tenant dans ses belles mains la bouteille de bière réclamée ; il regarda avec plaisir les courbes de ce corps dont il ne se lassait pas depuis qu’il vivait avec elle. Cela faisait déjà plusieurs années qu’ils avaient été accouplés par l’ordinateur central. Il savait qu’il avait eu beaucoup de chance d’être présenté à cette femme simple et de bon goût, qui lui ressemblait et comblait ses désirs. Elle venait d’une zone montagneuse où le Pouvoir Planétaire avait tenu à conserver une catégorie féminine élémentaire, du moins par rapport à ce qu’étaient aujourd’hui les femmes ; en effet, à la suite du Grand Blutch de l’an 2099, tous les hommes survivants de la guerre qui avait opposé les sexes, n’avaient pas été reformatés et normalisés certains, comme Théophile, en raison de leurs antécédents, avaient hérité d’un statut particulier. Ils étaient des sortes de cobayes et bénéficiaient d’un mode de vie traditionnel, c’està-dire qu’ils partageaient une demeure avec une femme et vivaient comme autrefois, du moins tel que l’on pouvait l’imaginer d’après les quelques documents vidéos qui avaient survécu au conflit. C’était dans ce but que le Pouvoir Planétaire avait tenu à préserver quelques femmes pouvant s’adapter à des hommes comme Théophile.

Celui-ci ouvrit sa bière et s’installa confortablement dans l’espèce de fauteuil à gravitation, sans pied, qui planait à une certaine distance du sol et dans lequel il était si agréable de se caler. Aphrodite - il l’avait prénommée Aphrodite car il n’avait jamais réussi à retenir son prénom ; elle était originaire de la région indienne, ce qui expliquait sa grande beauté et son charme irrésistible - s’approcha de lui et lui proposa un rapprochement corporel. Ce n’était pas encore l’heure légale mais elle savait que Théophile était assez cool en ce domaine et qu’il se souciait assez peu des règlements très stricts édictés en la matière par l’Équipe municipale de la cité tolosane. Il s’était même accroché, un jour, avec l’une des membres de l’Équipe, le genre de femmes qui ne devait jamais consommer les hommes mis à disposition des citoyennes dans le harem communal. Faisant fi du statut particulier de Théophile, elle avait même menacé d’envoyer les redoutables Amazones du Commissariat Centre, dont on savait qu’elles n’étaient jamais tendres avec les rebelles masculins des bas quartiers. L’histoire avait failli mal se terminer et Théophile ne s’était calmé que grâce à l’intervention d’une de ses amies du courant lesbien qui avait le bras long et tenait absolument à ce que les droits du Clan des Hommes Admis, dont faisait partie Théophile, fussent respectés.

Théophile et Aphrodite avaient bien entamé les préliminaires de leur rapprochement corporel lorsque retentit une demande d’autorisation d’accès à leur domicile. En maugréant, l’homme se dirigea vers le visiophone qui filmait l’entrée de leur loft et regarda qui venait les déranger ; il aperçut trois visages féminins à qui il demanda de lire leurs cartes magnétiques. Elles s’exécutèrent car, bien que femmes, elles devaient respecter impérativement les règles de sécurité qui permettaient de supprimer toute forme de délinquance et de violence, au détriment certes d’une certaine forme de liberté ; les codes magnétiques d’identification s’affichèrent à l’écran de Théophile. Ses visiteuses n’étaient pas n’importe qui puisqu’il s’agissait de deux membres du Comité de Quartier et surtout d’une élue du Comité Central.

Affichant un air désolé, Aphrodite replaça son sari sur son corps somptueux, tandis que Théophile jetait un rapide coup d’œil sur son logement pour vérifier qu’aucun objet apparent ne pouvait lui valoir une remontrance vis-à-vis du règlement mental sanitaire. Ce règlement, très contraignant, et qui se compliquait presque chaque semaine par de nouvelles dispositions, permettait une société avec un ordre moral extrêmement clean, une hygiène collective tout à fait efficace mais, à vrai dire, surtout adaptée à une mentalité féminine - ce qui était tout à fait normal puisque c’étaient les femmes qui dirigeaient le monde - ce qui parfois était pesant pour les hommes, du moins ceux qui étaient restés dans le circuit. Pour tenir le coup, Théophile se permettait quelques écarts mais prenait garde à ne pas se faire attraper par la milice qui appliquait stupidement le règlement : les contrevenants se voyaient retirer automatiquement quelques unités sur leur compte bimensuel et le statut de Théophile ne lui permettait pas de gaspiller ces précieuses unités, nécessaires pour tout acte consumériste. La plupart des hommes étaient subventionnés et pris en charge pour leurs besoins élémentaires ; ils ne disposaient donc pas de comptes à la banque. Quant aux Rebelles, ils vivaient de pillages et de rapines et n’avaient que faire des unités de consommation. Les Admis, comme Théophile, s’étaient vus attribuer, pour leur part, à peu près les mêmes moyens que les citoyennes, à défaut des mêmes droits. Mais comme il a déjà été dit, les produits et services disponibles étaient d’abord étudiés pour les femmes. Il fallait donc s’adapter en permanence ; et encore, les hommes autorisés pouvaient-ils s’estimer heureux de consommer, car régulièrement des intégristes du Comité Central revenaient politiquement à la charge pour demander l’exclusivité féminine. Heureusement, la Présidence collégiale du Comité Central était d’obédience démocratique et tenait à préserver les statuts des minorités masculines, dans la mesure où ceux-ci ne remettaient pas en cause l’hégémonie des femmes.

En conséquence, il valait mieux sur cette planète, faire attention à ce que l’on disait ou ce que l’on faisait si l’on était un homme. Les Admis vivaient dans un bain permanent de « politiquement correct », les Rebelles, évidemment, fuyaient les femmes comme la peste et le choléra, et l’homme ordinaire était devenu quelque chose ressemblant à un animal domestique doué de quelques facultés qui le différenciaient tout juste de celui-ci. Ainsi Théophile faisait-il preuve d’une très grande prudence lorsqu’il avait affaire à une représentante de l’ordre établi. En l’occurrence, il se montra très respectueux à l’égard de ses trois visiteuses, même si elles avaient malencontreusement perturbé son rapprochement corporel avec la superbe Aphrodite (ce qu’il détestait au plus haut point).

D’ailleurs, le membre du Comité Central lui fit comprendre d’emblée par son attitude légèrement hautaine, le peu d’estime qu’elle avait, non pas pour lui personnellement, mais pour son appartenance à la gent masculine. Le ton de sa voix fut aussi cassant lorsqu’elle lui demanda avec réprobation :

– Alors, Théophile, toujours aussi lubrique ? Encore occupé, je suppose, à boire de la bière et à forniquer avec cette jeune femme qui mériterait mieux que d’être ta compagne ?

Elle se tourna vers Aphrodite :

– Et toi, comment vas-tu ? Tu sais qu’en tant que femme tu as le droit permanent de changer de situation, et tu as le devoir de me signaler tout comportement asocial de cet homme. Au moins, possèdes-tu le numéro spécial de la Milice, celui qui sert pour dénoncer les activités masculines suspectes ?

D’une voix douce, la charmante Aphrodite répondit que tout allait bien, qu’elle était très heureuse et que son Théophile préféré lui donnait entièrement satisfaction. Sa réponse sembla désoler l’élue du Comité Central, mais elle n’insista pas dans son questionnaire soupçonneux et se retourna vers l’animal masculin :

– Tu as de la chance, Théophile, mais je t’ai à l’œil. S’il ne tenait qu’à moi, tu serais depuis longtemps dans un centre de loisirs. Cela étant, il se trouve que j’ai besoin de toi.

Théophile sourit intérieurement : ces chefs politiques paraissaient très sûres d’elles, leur discours était intransigeant et elles défendaient farouchement le statu quo de la société féminine ; mais elles ne pouvaient pas éliminer totalement la présence masculine, et avaient même parfois besoin d’eux pour régler certains problèmes. Comme celui dont elle commença à lui parler.

Malgré des projets futuristes, les femmes ne pouvaient pas vivre tout à fait seules, et le courant majoritaire à la Chambre maintenait le droit à l’utilisation des hommes pour le plaisir, voire la procréation. Il y avait également quelques tâches physiques que ni les machines ni les femmes ne pouvaient effectuer. Sans compter le problème lancinant de la révolte des Rebelles, qui s’éternisait malgré la violence et l’efficacité de la répression.

En effet, les femmes avaient un problème pour lutter efficacement contre les Rebelles. Elles ne parvenaient pas à infiltrer leurs rangs et identifier leurs membres ; selon une vieille méthode policière, aucun homme Admis n’acceptait de le faire, et les autres étaient trop rudimentaires pour un tel travail. Quant aux femmes de la Police, la différence de sexe était une difficulté irréductible, et les quelques expériences réalisées à l’aide de déguisements s’étaient soldées par des échecs retentissants. Ce conflit irréductible avait été évoqué à maintes reprises au plus haut niveau du pouvoir, mais aucune solution véritablement satisfaisante n’avait été trouvée jusqu’à ce jour. De guerre lasse - car il s’agissait bien d’une guerre, qui minait l’équilibre harmonieux de la société féminine et empêchait son complet épanouissement -, le Conseil Suprême avait décidé d’expérimenter une nouvelle approche, avec une tentative de négociations avec les Rebelles. Cependant, pour bien limiter l’aspect expérimental de cette idée, il avait été décidé en haut lieu de circonscrire géographiquement cet essai de dialogue à la cité tolosane, dans la région française du sud de l’Europe où, traditionnellement, les mœurs étaient agréables et courtoises, et les relations humaines non violentes et fondées sur le discours. Il n’était pas question de confier cette mission d’approche à une femme. Aucune n’était en mesure d’entamer une discussion avec un chef rebelle, même le moins agité. Il fallait absolument un Homme Admis pour ce travail. Les ordinateurs de la Police avaient fonctionné et l’imprimante avait finalement sorti la fiche de Théophile, considéré à la fois comme un mâle sûr, bien intégré à la société, mais avec suffisamment de liberté d’esprit pour pouvoir mener à bien cette tentative de réconciliation du genre humain.

Ce fut tout cela qu’expliqua la représentante du Comité Central à Théophile. Ce dernier demanda s’il disposait d’un délai de réflexion ; la réponse fut négative. Il s’agissait quasiment d’un ordre. Il s’interrogea alors sur ce qu’il avait à gagner dans ce travail de mercenaire diplomate. La Femme lui promit de nombreuses unités ; il demanda un chiffre précis puis, devant la réponse obtenue, sollicita le double. Comme elle ne pouvait pas dépasser le budget alloué pour cette opération, elle contourna la difficulté en lui promettant une autorisation permanente de séjour dans l’Île de la Félicité, et en lui faisant miroiter une évolution tout à fait remarquable de son statut social en cas de réussite complète de sa mission.

Bref, le projet semblait intéressant, conforme à l’éthique, et Théophile ne se fit pas trop prier. Il rappela que selon le Règlement suprême de l’Humanité, il n’avait pas le droit de faire du tort à ses alter ego masculins. La représentante du Comité Central conclut la discussion en l’assurant que cette mission était pacifique et avait seulement pour but d’améliorer le sort de toutes les communautés du monde. En somme, Théophile n’avait guère le choix. Il accepta donc et les trois femmes sortirent de chez lui en lui disant qu’il serait prochainement contacté pour les détails opérationnels de sa mission.

Tandis qu’il raccompagnait ses hôtesses obligées, Aphrodite alluma trois bâtonnets d’encens ; elle s’approcha de lui, passa ses bras autour de son cou, l’embrassa tendrement puis lui proposa de reprendre le cours de leur rapprochement corporel. Sans hésiter une seconde, Théophile agréa cette demande, non sans penser qu’il était actuellement très sollicité par les femmes, mais que cela n’était pas pour lui déplaire.

L’ORGANISTE D’IRIS

– Je donnerais bien une petite fête, dit Glaïeul. Il y a longtemps que je ne l’ai fait.