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Extrait : "JEAN: Faut que ça reluise!... faut que ça reluise! (S'arrêtant.) Ah! j'ai chaud!... Entré ici depuis hier soir, je paye ma bienvenue... mais je ne te frotterai pas tous les jours comme ça!... Voici la neuvième place que je fais depuis un mois. (Avec mélancolie.) Ah! le temps n'est plus où les maîtres s'attachaient à leurs domestiques!... on était de la famille, on avait les clefs de la cave!..."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
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Seitenzahl: 97
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335055375
©Ligaran 2015
Un boudoir élégant. À droite, une table-toilette, sur laquelle sont plusieurs objets de parfumerie ; à gauche une cheminée, un guéridon avec ce qu’il faut pour écrire et des journaux ; à la gauche du guéridon ; un fauteuil, à droite un petit pouf.
Jean, puis Eusèbe Potasse.
Un lever du rideau, Jean est en livrée et, à genoux près de la cheminée, il frotte avec énergie une paire de pincettes.
Faut que ça reluise !… faut que ça reluise ! (S’arrêtant.) Ah ! j’ai chaud !… Entré ici depuis hier soir, je paye ma bienvenue… mais je ne te frotterai pas tous les jours comme ça !… Voici la neuvième place que je fais depuis un mois. (Avec mélancolie.) Ah ! le temps n’est plus où les maîtres s’attachaient à leurs domestiques !… on était de la famille, on avait les clefs de la cave !… et, quand vous mouriez, on vous faisait une pension viagère. Mais la Révolution a passé par là !… Je crois pourtant que je ne serai pas mal ici, chez madame Suzanne de la Bondrée… Mais il y a une chose qui me froisse… je crains d’être entré chez une cocotte… À chaque instant, il vient des petits messieurs qui apportent des bouquets !… si elle n’a qu’une connaissance, passe !… mais, si ça frise l’inconduite, je partirai… ou je demanderai une forte augmentation… d’autant plus que cette maison est pleine de courants d’air… on s’y enrhume ! (Il se mouche avec un bruit imitant la trompette.) Personne ne ferme les portes ici.
Pardon, monsieur !
Fermez la porte !
Oui, voilà… voilà… (À Jean.) Madame Suzanne de la Bondrée, s’il vous plaît ?
Tiens ! un petit crevé ! (À Eusèbe avec compassion.) Pauvre enfant, vous ne craignez donc pas de faire du chagrin à votre famille ?
Moi ! je demande madame Suzanne de la Bondrée.
Elle n’est pas levée !… à neuf heures !… Allons… donnez votre bouquet… on le mettra dans le tas !
Mais je n’apporte pas de bouquet, je suis élève en pharmacie…
Ah ! un travailleur ! Alors, asseyez-vous.
Merci.
Si !… j’ai une consultation à vous demander.
Votre maîtresse… votre belle maîtresse… est venue hier chez mon patron, M. Bigouret, et elle a apporté elle-même une recette pour adoucir la peau… alors je rapporte la mixture…
Très bien !… donnez-moi votre fiole !
Non… je ne veux la remettre qu’à elle-même… c’est une potion de confiance… je reviendrai à midi !
Attendez donc !… je voudrais vous consulter sur un rhume…
C’est donc ici qu’elle respire ! c’est donc là qu’elle promène ses petits pieds ! c’est dans ce fauteuil qu’elle daigne parfois reposer ses grâces !
Qu’est-ce qu’il a ? (Haut.) Il vous faut dire que j’ai contracté un rhume de cerveau.
Je connais ça !… le rhume de cerveau est une inflammation de la muqueuse…
Ah !
La muqueuse est une espèce de tapisserie qui tapisse notre intérieur… et, quand la tapisserie s’enflamme, on éternue… voilà ce que c’est que le rhume de cerveau !…
Très bien !… et qu’est-ce qu’il faut faire ?
Il faut se moucher… ça dure huit jours !… les gens riches se mettent le nez sur une infusion de guimauve… alors ça dure neuf jours !
Merci !
Ah ! vous êtes heureux, vous !
Moi ?
Vous la voyez tous les jours entrer, sortir, boire, manger, dormir…
Qui ça ?
Votre maîtresse… la plus belle femme qui soit jamais entrée dans la pharmacie Bigouret.
On dirait que vous en êtes amoureux !
Amoureux !… ce n’est pas assez !… abruti… voilà le mot !… je suis un homme sérieux, moi… quand j’aime une femme, c’est pour toujours… chaque fois que j’ai aimé une femme, ç’a été toujours pour toujours !
Eh bien, voulez-vous que je vous donne un conseil ?
Donnez… mais je ne le suivrai pas.
Remettez-moi votre fiole… et ne revenez jamais !
Je ne vous remettrai pas ma fiole… et je reviendrai à midi ! je ne vous en remercie pas moins… Adieu !
Il remonte.
Bonjour.
Ce n’est pas de l’air qu’on respire ici… c’est une évaporation de myrthe et de roses !… Je reviendrai à midi !
Il sort par le fond.
Jean, puis Suzanne de la Bondrée.
Pauvre garçon !… Sapristi ! il n’a pas fermé sa porte.
Il éternue et se mouche bruyamment à plusieurs reprises. – Suzanne entre par la gauche, elle est en déshabillé du matin, très élégant
Comment ! Jean, c’est vous qui faites tout ce tapage ?
Madame, c’est la porte…
Vous m’avez réveillée… Je croyais entendre les trompes du mardi gras… Que diable ! on ne se mouche pas de cette façon-là !
Vous savez… chacun a sa manière.
Eh bien, quand on a cette manière-là, on se mouche dans la cour.
Mais… s’il pleut, madame ?
On prend un parapluie !
C’est bien… on s’y conformera… (À part.) Je ne crois pas que j’éternue longtemps dans cette maison-là.
Veuillez prier mon oncle, le commandeur, de m’accorder un moment d’entretien.
Ah ! monsieur votre oncle est ?…
Commandeur… mais oui.
Je m’étais trompé… ce n’est pas une cocotte… c’est une femme du grand monde.
Il sort par la droite.
Suzanne, seule.
Commandeur de ma façon !… C’est un oncle que je me suis donné pour aller dans le monde ; j’ai été obligée de renoncer aux mères… Mes deux dernières ôtaient insupportables… l’une prenait du tabac… et l’autre du cassis… Elles ne représentaient pas… alors j’ai pensé à prendre un oncle… J’ai mis la main sur un trésor… très honnête homme… C’est un ancien fournisseur des armées… la tête est superbe ; cheveux blancs, conversation sérieuse… ennuyeuse même, ça fait très bien ; il n’a qu’un défaut… Quand je le mène à l’Opéra, il marque la mesure avec son pied et chante en même temps que le ténor… Tout le monde se retourne, on nous fait : chut !… et j’ai l’air d’une femme de province. Je l’ai fait demander pour lui adresser quelques représentations à ce sujet.
Elle descend à droite.
Suzanne, Jean, puis Juliette.
Madame…
Eh bien, il va venir ?
Je ne crois pas… M. le commandeur, votre oncle, a déménagé hier soir.
Comment, déménagé ?…
En ce sens qu’il a emporté tous les meubles de sa chambre.
Mais ils sont à moi, ces meubles !
Il les aura sans doute emballés par mégarde.
C’est impossible ! comment, il n’a rien laissé ?
Oh ! si !… les chenets… et une lettre.
Il va frotter de nouveau les pincettes à la cheminée.
Donnez… (Lisant.) « Ô vous que j’ose appeler ma nièce… je pars… il le faut… Je sens que je vais vous aimer !… » (Très flattée.) Tiens ! pauvre homme ! (Lisant.) « L’honneur me commande de fuir… J’emporte les meubles… ils me rappelleront votre image… Jamais je ne m’en séparerai. » (Parlé.) Vieux filou ! (Lisant.) « Je vous renvoie votre photographie… elle me brise. » Signé : « Le Commandeur de Bondy. » (Parlé.) Et il se moque de moi par-dessus le marché… Oh ! je suis d’une colère !
Pour une femme embêtée, c’est une femme embêtée !
Mais qu’est-ce que je vais devenir sans oncle ? Je dois aller au théâtre… seule… c’est impossible !… (S’asseyant sur le pouf.) Où trouver un oncle ? (Apercevant Jean qui polit les pincettes avec acharnement.) Tiens !… mais il n’est pas mal, cet homme-là… en l’arrangeant… personne ne le connaît… il n’est ici que depuis hier. (Haut.) Jean !
Madame ?
Levez-vous !… tenez-vous droit !… pas mal !… Maintenant tournez !… marchez !… marchez !…
Où ça ?
Droit devant vous.
Quel drôle de service !
Il ira ! il va ! (Se levant, arrêtant Jean qui marche toujours.) Assez !… Dites-moi, êtes-vous un peu lettré ?
S’il vous plaît ?
Oui… en parlant, évitez-vous le cuir ?
Moi, madame, j’ai été garçon de classe à l’institution Soupaleau.
Ah ! ah !
Et sans la fatalité qui s’est acharnée après moi…
Voyons… causons… Voulez-vous être mon oncle ?
Qu’est-ce qu’il y a à faire ?
C’est bien simple… vous m’accompagnerez partout, au bal, au concert, au théâtre…
J’adore ce divertissement…
Vous souperez avec nous.
Nous ?
Avec moi… et, si par hasard quelqu’un se permettait avec votre nièce quelque propos familier…
Compris… je m’en irais, (À part.) C’est une cocotte !
Mais non !… vous fronceriez le sourcil… comme ça !
Alors c’est une femme honnête !
Mais pas avec tout le monde… car il y a certaines personnes qu’il ne faut pas décourager…
Ah !… il y a… ? (À part.) Alors c’est une cocotte.
C’est dit… vous acceptez ?
Pardon… et les appointements ?
Sont modestes… cent francs par mois… mais il y a les cadeaux.
Les cadeaux de madame ?
Mais non !… imbécile !
Ah ! (À part.) Décidément c’est une cascadeuse… mais, si elle n’a que deux ou trois connaissances… je fermerai les yeux sur les autres. (Haut.) Pardon, j’aurais encore quelque chose à demander à madame.
Quoi ?
Comme oncle… est-on habillé ?
Entièrement… Il y a, dans cette chambre, un vêtement tout neuf que je venais de faire faire pour le commandeur… vous êtes à peu près de la même taille… J’ai pour ami un secrétaire d’ambassade qui avait fait obtenir à mon oncle… une décoration étrangère, et, puisqu’elle est restée après l’habit… vous la garderez.
Une décoration ?… Je tâcherai de m’en rendre digne.
Ah ! j’y pense ! vous ne pouvez continuer à vous appeler Jean… l’oncle Jean… ça sonne mal.
Mon Dieu ! je sonnerai comme madame voudra.
Où êtes-vous né ?
Rue des Arcis…
Très bien… vous vous appellerez, le commandeur Jean des Arcis…
Commandeur Jean des Arcis… ça sonne les croisades.
Madame, le coiffeur vient d’arriver…
Ah ! tant mieux !
Encore une qui ne ferme pas sa porte.
Il se mouche bruyamment.
Vous êtes agaçant avec votre nez !
C’est l’affaire de huit jours… j’ai consulté.
Allez trouver le coiffeur… vous lui direz de vous arranger une tête honorable… une tête d’oncle, il sait ce que c’est…
Elle gagne la droite.
Soyez tranquille… dans cinq minutes, j’aurai l’air d’un portrait de famille.
Il sort par la droite.
Il y a là aussi un jeune homme qui demande à parler à madame.
Un jeune homme !… à cette heure !… comment s’appelle-t-il ?
Il n’a pas dit son nom, il apporte une bouteille.
Une bouteille ?… Ah ! je sais ce que c’est : faites entrer.
Juliette sort par le fond.