Tentative d'écriture sur un vieux clavier - Pierre Léoutre - E-Book

Tentative d'écriture sur un vieux clavier E-Book

Pierre Léoutre

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Beschreibung

Casser les doigts du pianiste était certainement l’une des plus mauvaises actions qui puissent se faire. Nous n’imaginions pas une telle infamie.

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Casser les doigts du pianiste était certainement l’une des plus mauvaises actions qui puissent se faire. Nous n’imaginions pas une telle infamie.

Je devais envoyer un e-mail à l’un de mes amis motards, blessé à la suite d’une chute. Voilà à quoi je songeais en roulant sur ma propre moto. Je circulais dans les rues de Toulouse sous un soleil resplendissant. J’avais mal aux yeux, tant à cause de l’abus d’écran informatique que des pollens portés par le vent de cette fin de printemps. Une pluie légère allait certainement nous soulager dans les prochains jours, et nous retrouverions le soleil.

Le motard avait été abîmé, pas le pianiste, et nous allions le protéger par tous les moyens disponibles. On ne plaisante pas avec la musique, avec la souffrance en général, que ce soit celle du motard ou du musicien.

La tête protégée par mon casque, je voyais défiler les artères de la ville. Ce n’était pas la vision accélérée qui accompagnait une chute, plutôt une suite de souvenirs heureux. Toulouse était vraiment une ville étonnante.

Le but de ma promenade motorisée était tout à fait secondaire, l’essentiel était de protéger le pianiste. J’avais visionné hier le film de l’un de ses concerts, aux Jacobins ; beaucoup d’élégance. Nous étions vraiment à mille lieues de la brutalité. Je voyais les notes. Puis j’avais regardé mon propre clavier, mes claviers en réalité, celui pour écrire, celui pour jouer de la musique, transmissions humanistes vers la machine, messages égocentriques et solitaires, ou domestication de l’animal tapi dans les méandres numériques. Je cherchais l’avenir alors que le passé avait usé le pauvre sanglier que j’étais.

Assis sur ma petite moto, je voyais des gens, beaucoup de cyclistes, des autobus, de beaux immeubles, au loin, et bien sûr, un avion. Tout le monde a l’impression de se connaître à Toulouse, un air de famille. Nous sommes pressés, bien davantage que dans les jolies villes des autres départements de la région Midi-Pyrénées. Car le temps file plus vite à Toulouse, c’est entendu, il faut beaucoup travailler car tout le monde doit avancer. Des travaux partout, ceux d’une cité qui grandit. Carte postale d’un cœur qui bat, déambulations presque nostalgiques, mots pour peindre des impressions.

Je ne pouvais plus jouer au rugby ; trop vieux, et surtout, manque d’entraînement, de condition physique. Mais l’ambiance restait la même, superbe. Des vieux gamins se passaient le ballon ovale, le tournoi était réussi, le capitaine de l’équipe mécontent des résultats ; il fallait travailler davantage. J’avais véritablement apprécié cette journée. Je pensais avoir apporté peu de forces et de bons ballons à mon équipe, faute de souffle, mais les joueurs étaient contents d’être ensemble.

Seul sur ma moto, je continuais à avancer dans la ville. Les motards s’exposaient, protégeant le pianiste. Les motards, est-il bien précisé, car celui qui parle ne ramène pas tout à son guidon. Simplement, il faisait la synthèse pour que chacun y voit plus clair, et que le pianiste puisse continuer en paix. Dans ce dessein, la liberté est essentielle.