Un mari qui lance sa femme - Eugène Labiche - E-Book

Un mari qui lance sa femme E-Book

Eugène Labiche

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Beschreibung

Extrait : "THÉRÈSE, assise sur une chaise près de sa mère : Voyons maman... ma sœur... ne pleurez pas !... je sens que ça va me gagner et j'aurai les yeux rouges pour la cérémonie. MADAME LÉPINOIS, pleurant plus fort : La cérémonie !... On va me prendre ma fille. LAURE, pleurant aussi : Un monsieur que nous ne connaissons presque pas !..."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier

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EAN : 9782335056013

©Ligaran 2015

Personnages

DE JONSAC.

DE GRANDGICOURT.

LÉPINOIS.

OLIVIER DE MILLANCEY.

ROBERT TAUPIER, peintre.

M. JULES.

JOSEPH, domestique.

LAVALARD.

MADAME ROSINE LÉPINOIS.

MADAME DE TREMBLE.

THÉRÈSE DE MILLANCEY.

LAURE LÉPINOIS.

LA PRINCESSE DOUCHINKA.

ÉGLÉ, BARONNE DE GRANDGICOURT.

MADAME LAVALARD.

MADEMOISELLE LAVALARD.

DOMESTIQUES, INVITÉS.

À Paris, de nos jours.

Acte premier

Le théâtre représente un salon chez Lépinois. – À droite, guéridon. – À gauche, cheminée et canapé.

Scène première

Laure, madame Lépinois, Thérèse.

Au lever du rideau, madame Lépinois et Laure s’essuient les yeux Madame Lépinois est assise sur le canapé.

THÉRÈSE,assise sur une chaise près de sa mère

Voyons, maman… ma sœur… ne pleurez pas !… je sens que ça va me gagner… et j’aurai les yeux rouges pour la cérémonie.

MADAME LÉPINOIS,pleurant plus fort

La cérémonie !… On va me prendre ma fille.

LAURE,pleurant aussi

Un monsieur que nous ne connaissons presque pas !…

MADAME LÉPINOIS

Ah ! je n’aurais jamais cru que ce jour viendrait si rite… Quand je pense que c’est aujourd’hui à midi… une pareille séparation !

THÉRÈSE

Je viendrai vous voir tous les jours.

LAURE

Oui, on dit cela…

THÉRÈSE

M. Olivier de Millancey, mon prétendu, est un excellent jeune homme… qui sera heureux de vivre en famille… au milieu de vous.

LAURE

Ton M. Olivier… c’est un gandin !… pas autre chose !

MADAME LÉPINOIS,avec reproche

Laure !

THÉRÈSE,se devant

Tu es injuste… tu lui en veux !

LAURE

Pourquoi vient-il m’enlever ma sœur ?… Nous étions si heureuses… nous ne nous quittions pas… Mais depuis que ce monsieur est entré dans la maison, vous chuchotez ensemble toute la journée… et on ne fait plus attention à moi !

Madame Lépinois se lève.

THÉRÈSE

Jalouse !

LAURE

Dame ! il me semble que je suis plus que lui… je suis ta sœur.

MADAME LÉPINOIS

Mais lui va devenir son mari !… dans deux heures… J’ai à peine le temps de te donner quelques conseils.

THÉRÈSE

À moi, maman ?

MADAME LÉPINOIS

Ah ! ma fille, tu ne sais pas ce que c’est qu’un mari !… Il y en a qui sont grognons, tatillons, désagréables comme ton… (Se reprenant.) comme certaine personne que je ne dois pas nommer.

LAURE,à part

Elle veut parler de papa !

MADAME LÉPINOIS

Heureusement, M. Olivier n’a pas ce caractère… il paraît doux, aimable, facile… Aime-le donc, puisqu’il le faut…

LAURE

Mais pas plus que nous !

MADAME LÉPINOIS

Tâche de conserver son affection partes soins, tes prévenances, tes câlineries même !

LAURE

Ah !

MADAME LÉPINOIS

J’entends par câlineries les bons procédés qu’on se doit entre époux ! (À part.) La petite me gêne. (À Thérèse.) Voilà à peu près ce que j’avais à te dire… Quand tu seras à ton compte, écris tes dépenses tous les jours… et chaque soir, avant de te coucher, n’oublie pas de faire ta balance.

THÉRÈSE

Oui, maman.

MADAME LÉPINOIS

Pauvre enfant ! comme la maison va nous sembler vide sans toi ! (S’attendrissant.) Ah ! j’oubliais… si ton mari est mécontent de son tailleur… fais-lui prendre celui de ton père… (Pleurant.) On lui fournit l’étoffe, et il est très raisonnable… (Sanglotant.) Je te recommande aussi son bottier… c’est un Suisse… qui a de la famille… (À part.) Mon Dieu, que je souffre !

JOSEPH,paraissant à la porte du fond avec un paquet enveloppé

Madame !

MADAME LÉPINOIS

Quoi ?

JOSEPH

On apporte ceci pour mademoiselle Thérèse,… de la part de madame Trochu.

THÉRÈSE

Ma tante Trochu !

MADAME LÉPINOIS

Son cadeau de noce, sans doute !

LAURE

Voyons ! voyons !

MADAME LÉPINOIS,défaisant le paquet

Qu’est-ce que ça peut être ?… une cafetière en argent !

THÉRÈSE

Une cafetière !

LAURE

Avec ton chiffre… Elle est superbe !…

MADAME LÉPINOIS

Elle contient au moins dix-huit tasses… voilà ce que j’appelle un présent utile !… Joseph !

JOSEPH

Madame !

MADAME LÉPINOIS

Placez-la sur une des deux consoles, en évidence. (Bas, à Thérèse.) C’est le nouveau domestique que j’ai arrêté pour toi… il frotte et met le vin en bouteille. (À Joseph.) Le coiffeur et la couturière sont-ils arrivés ?

JOSEPH

Pas encore, madame.

MADAME LÉPINOIS

Où est monsieur ?

JOSEPH

Dans sa chambre… il s’habille…

Il sort.

MADAME LÉPINOIS,à part

Pour le sacrifice ! (Haut.) Je vais m’habiller aussi !… je veux être prête la première, pour présider à vos toilettes. (À Thérèse.) À bientôt, chère petite… Embrasse-moi encore !… encore !…

Elle sort en sanglotant.

Scène II

Thérèse, Laure.

LAURE

À nous deux maintenant… maman est partie, nous pouvons causer librement… car, moi aussi, j’ai mes petits conseils à te donner.

THÉRÈSE

Toi ?

LAURE

Oui, j’ai beaucoup réfléchi sur le mariage… c’est évènement qui peut m’arriver d’un moment à l’autre.

THÉRÈSE

Dans quelques années…

LAURE

J’ai dix-sept ans-et demi… (Mystérieusement.) et je crois qu’un de ces jours notre cousin Robert demandera ma main.

THÉRÈSE

Robert ! qui peut te faire penser… ?

LAURE

Oh ! mille petits signes particuliers… à moi connus.

THÉRÈSE

Mais espères-tu que mon père voudra l’accorder à un peintre… à un artiste ?

LAURE

Pourquoi pas ? Robert est un excellent garçon… très rangé… et qui a du talent… Il a gagné vingt mille deux cent sept francs l’année dernière… c’est gentil, de trouver cela sur sa palette !… Enfin, si nous nous arrangeons… si je l’épouse, j’ai mon programme tout prêt… et je vais te le donner.

THÉRÈSE,riant

Voyons ton programme…

LAURE

C’est surtout dans les commencements qu’il faut mettre son mari au pas et lui faire prendre de bonnes habitudes… aussi, dès demain matin, je te conseille de mettre ton chapeau et de sortir…

THÉRÈSE

Pourquoi faire ?

LAURE

Pour, établir : ton droit… Si ton mari te demande où tu vas, tu lui répondras fièrement : « Je vais voir ma bonne petite sœur… nous avons à causer !… De son côté, quand il sortira… il devra te rendre compte de ce qu’il aura fait, des personnes qu’il aura vues…

THÉRÈSE

Ça, c’est juste !…

LAURE

Oh !, j’ai étudié la question, va !… Ah ! une recommandation capitale !… N’abonne jamais ton mari à un journal du soir !

THÉRÈSE

Où est le danger ?

LAURE

Vois papa… son journal arrive à sept heures… il le lit après dîner… le sang lui monte à la tête… il s’endort… et la soirée est perdue !

THÉRÈSE

Oh ! mais tu es très forte !

LAURE

Autre détail très important !… donne l’ordre à ta cuisinière de lui servir, pendant quelques jours, son potage froid et sa salade dans des assiettes chaudes…

THÉRÈSE

Ah ! par exemple !… et pourquoi ?

LAURE

Tiens ! pour essayer son caractère !… Tu verras tout de suite s’il est aimable ou grognon… et alors, si toutes ces épreuves-là réussissent, s’il est bien gentil, bien sage, s’il te laisse venir voir souvent ta bonne petite sœur… tu auras bien sein de lui, tu lui feras faire des petits plats sucrés, et tu le mettras dans du coton… Voilà comment je compte me gouverner avec mon cousin Robert… s’il demande ma main.

JOSEPH,entrant avec un paquet enveloppé, à Thérèse

Mademoiselle… c’est encore un cadeau qu’on apporte de la part de M. et madame Langlumé.

THÉRÈSE,prenant le paquet

Nos cousins !… Oh ! qu’ils sont bons !… veuillez faire mes remerciements.

Joseph sort.

LAURE

C’est amusant de recevoir des cadeaux toute la journée. (À Thérèse, qui est en train de développer le paquet.) Dépêche-toi donc !

THÉRÈSE,désappointée

Ah !… une cafetière !

LAURE

Encore !…

THÉRÈSE

Ça m’en fera deux.

LAURE

Sans compter le courant… la journée n’est pas finie.

THÉRÈSE

Je vais la mettre sur l’autre console.

LAURE

Ça fera pendant.

Scène III

Les mêmes, Lépinois.

LÉPINOIS,sortant de sa chambre, pan coupé à droite, en habit Doit et cravate blanche ; il porte aussi des gants blancs

Me voilà prêt !

THÉRÈSE

Oh ! papa, que tu es beau !… gilet blanc, cravate blanche…

LAURE

Et des gants blancs !… tu les as mis trop tôt, ils ne seront plus frais pour la messe.

LÉPINOIS

C’est pour les faire… mais je vais les ôter. (Il les ôte.) Thérèse !…

THÉRÈSE

Tapa ?

LÉPINOIS

Ne t’éloigne pas… nous avons à causer… Comme père, j’ai le devoir de t’adresser quelques conseils à propos de la nouvelle carrière que tu vas embrasser.

THÉRÈSE,à part

Lui aussi ! je n’en manquerai pas.

LAURE

Alors je vous laisse…

LÉPINOIS

Non, reste… et écoute… cela pourra te servir… plus tard… (À Thérèse.) Ma fille… ce jour est un grand jour… parce que… un mari… vois-tu… un mari… attends ! j’ai jeté quelques notes !

Il tire de sa poche un papier assez volumineux.

LAURE,à part

Oh ! mais c’est un manuscrit !

LÉPINOIS,lisant

« Ma fille, ce jour est un grand jour… tu vas associer ta destinée à celle d’un être supérieur… un mari est tout à la fois un ami, un frère, un père… presque un être divin. »

LAURE

Oh ! ça…

LÉPINOIS

Laure, taisez-vous ! (Lisant :) « La femme toujours gracieuse et souriante doit… doit… » (Parlé.) Qu’est-ce que j’ai mis là ? Ah ! (Lisant :) « Doit s’appliquer à chasser du bout de son aile, les nuages qui de temps en temps viennent obscurcir le front de l’époux… »

LAURE

Mais, papa…

LÉPINOIS

Laure, taisez-vous ! (Lisant :) « Le front de l’époux… » (Parlé.) Qu’est-ce que j’ai mis là ?… Ah ! va te promener ! j’ai écrit ça très vite… (Serrant son papier.) Je te le recopierai.

LAURE

En double, papa ?

LÉPINOIS

Je terminais en te disant que tu faisais un mariage inespéré… Tu épouses M. Olivier de Millancey, un auditeur au conseil d’État… possesseur d’une fortune très satisfaisante… N’oublions jamais que c’est à mon notaire que nous devons cette alliance, à laquelle je n’aurais jamais osé prétendre… moi, un ancien fabricant de chocolat…

LAURE

Mais il me semble que nous le valons bien.

LÉPINOIS

Laure, taisez-vous ! Une ère nouvelle s’ouvre pour toi, Thérèse… Tu vas te trouver lancée dans un monde étincelant… tu vas nouer des relations considérables… Au sein des grandeurs, n’oublie jamais ton père… ni ta mère… ni ta sœur.

LAURE

À la bonne heure !

LÉPINOIS

Et tâche de nous faire inviter dans les brillantes réunions auxquelles tu seras conviée.

THÉRÈSE

Comment ?

LÉPINOIS

Car, je ne te le cache pas… j’ai de l’ambition… une noble ambition !… celle de sortir de ma médiocrité bourgeoise… Ainsi, mon enfant, je me résume… sois toujours d’humeur égale avec ton mari, qu’un sourire perpétuel fleurisse sur tes lèvres… Garde-toi d’être acariâtre, jalouse, quinteuse comme ta… (Se reprenant.) comme certaine personne que je ne dois point nommer

LAURE,à part

Il veut parler de maman…

LÉPINOIS

Enfin, ma fille, songe que le mariage…

JOSEPH,entrant avec une caisse

Mademoiselle… c’est encore un cadeau !

LAURE

Troisième cafetière !

LÉPINOIS

De quelle part ?

JOSEPH

De la part de M. Barbara.

THÉRÈSE

Mon parrain ! le marchand de porcelaine… Voyons ?

LAURE

Tiens ! il y a sur la caisse : « Fragile. »

Joseph avec un marteau enlève le couvercle de la caisse.

LÉPINOISen tire des objets

Une assiette !… deux assiettes !

THÉRÈSE

Un plat…

LAURE

Une soupière…

LÉPINOIS

Un saladier… Ah çà ! c’est son fonds de magasin qu’il t’envoie là.

LAURE

J’ai entendu dire qu’il allait liquider.

LÉPINOIS

Bah ! tout cela est utile en ménage.

On place les porcelaines sur les consoles.

Scène IV

Les mêmes, Robert Taupier.

ROBERT,entrouvrant la porte

Peut-on entrer ?

LAURE

Le cousin Robert ! Oui, oui, entrez !

LÉPINOIS

Et prends garde de mettre les pieds dans les plats… Tu vois, nous rangeons les cadeaux de noce.

ROBERT,à Lépinois, tout en aidant à ranger la vaisselle

Bonjour, mon oncle… (Aux jeunes filles.) Cousines…

THÉRÈSE

Bonjour, Robert.

ROBERT

Comment ! vous n’êtes pas encore habillées ?

THÉRÈSE