Le Point de mire - Eugène Labiche - E-Book

Le Point de mire E-Book

Eugène Labiche

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Beschreibung

Extrait : "MADAME CARBONEL : Enlève tous ces journaux, Carbonel... Mon salon a l'air d'un cabinet de lecture. CARBONEL : Je t'assure que des journaux font très bien sur une table. MADAME CARBONEL : C'est possible... quand on n'a pas autre chose à y mettre... j'ai mes albums, mon stéréoscope... Il manque un vase avec des fleurs. CARBONEL : Il y en a un dans le salon de madame Césénas."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

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EAN : 9782335067255

©Ligaran 2015

Personnages

DUPLAN père, ancien notaire.

CARBONEL.

PÉRUGIN.

MAURICE DUPLAN.

EDGARD LAJONCHÈRE.

JULES PRIÈS, architecte.

CÉSÉNAS.

MADAME CARBONEL.

MADAME PÉRUGIN.

MADAME CÉSÉNAS.

BERTHE, fille de Carbonel.

LUCIE, fille de Pérugin.

JOSÉPHINE, domestique de Carbonel.

UN DOMESTIQUE, muet.

UN JARDINIER.

UN CHASSEUR, en livrée.

 

De nos jours. – Premier acte, à Paris, chez Carbonel. – Deuxième acte, à Paris, chez Césénas. – Troisième acte, à Montmorency, chez Pérugin. – Quatrième acte, à Courbevoie, chez Duplan père.

Acte premier

Chez Carbonel, salon bourgeoisement meublé. – Une cheminée à gauche. – Une fenêtre à droite. – Portes latérales. – Porte au fond. – Canapé près de la cheminée. – Guéridon au milieu. – Coffre à bois près de la cheminée.

Scène première

Carbonel, madame Carbonel, Joséphine, puis Berthe.

Au lever du rideau, Joséphine est agenouillée devant la cheminée et allume le feu. Madame Carbonel entre et place des albums, un stéréoscope sur la table du salon, où sont des journaux. Carbonel essuie un candélabre.

MADAME CARBONEL

Enlève tous ces journaux, Carbonel… Mon salon a l’air d’un cabinet de lecture.

CARBONEL

Je t’assure que des journaux font très bien sur une table.

MADAME CARBONEL

C’est possible… quand on n’a pas autre chose à y mettre… j’ai mes albums, mon stéréoscope… Il manque un vase avec des fleurs.

CARBONEL

Il y en a un dans le salon de madame Césénas.

MADAME CARBONEL

J’en achèterai un pour mercredi prochain.

CARBONEL,mettant des bougies aux candélabres.

Décidément, c’est le mercredi que tu as choisi pour être notre jour ?

MADAME CARBONEL

Sans doute.

CARBONEL

Et c’est aujourd’hui notre début… l’inauguration. Crois-tu qu’il nous vienne du monde ?…

MADAME CARBONEL

Certainement !… j’ai envoyé des cartes à toutes nos connaissances, avec ces mots : Madame Carbonel restera chez elle le mercredi ! »

CARBONEL

Oui, et pourquoi pas « monsieur et madame Carbonel ? »

MADAME CARBONEL

Quand on dit madame… cela signifie monsieur, puisque nous ne faisons qu’un.

CARBONEL

C’est juste !

MADAME CARBONEL

Eh bien, Joséphine, et ce feu ?…

JOSÉPHINE

Voilà, madame, il est prêt !

Elle sort.

CARBONEL

Il va falloir ouvrir la fenêtre maintenant…

MADAME CARBONEL

Pourquoi ?

CARBONEL

Chaque fois qu’on allume du feu dans le salon, ça fume… dès qu’on ouvre la fenêtre, ça ne fume plus… et, aussitôt qu’on la referme, ça refume… C’est très agréable.

MADAME CARBONEL

Tu devais voir le propriétaire.

CARBONEL

Je l’ai vu.

MADAME CARBONEL

Eh bien ?…

CARBONEL

Il m’a dit : « Que voulez-vous, mon cher ! vous avez un bail… nous verrons cela à la fin de votre bail… »

MADAME CARBONEL

Mais il a encore huit ans à courir, notre bail.

CARBONEL

Nous serons passés à l’état de jambonneau. Montrant la cheminée. Tiens ! voilà que ça commence… je vais ouvrir la fenêtre…

Il va l’ouvrir.

MADAME CARBONEL

C’est intolérable !

CARBONEL

Oh ! ce n’est ennuyeux que le mercredi… à cause de notre jour… car, comme m’a très bien dit le propriétaire, le salon est une pièce qu’on n’habite pas.

BERTHE,entrant.

Maman, me voilà prête.

MADAME CARBONEL

Ah ! tu as mis ta robe neuve ?…

BERTHE

Puisque c’est notre jour !

CARBONEL,à part.

Elle est jolie, ma fille !

BERTHE

Et puis, hier, j’ai rencontré Henriette !

CARBONEL

Qui ça, Henriette ?

BERTHE

Madame Césénas… et elle m’a annoncé sa visite pour aujourd’hui !

MADAME CARBONEL

Les Césénas vont venir !

CARBONEL

Saperlotte ! quel dommage que nous n’ayons pas notre vase ! des millionnaires ! les seuls que nous connaissions.

MADAME CARBONEL

Sais-tu si elle viendra avec sa voiture ?…

BERTHE

Ça, je ne le lui ai pas demandé.

CARBONEL

Ça ferait pourtant bien devant la porte.

BERTHE

Et son chasseur !

CARBONEL

Oui !… un grand gaillard tout galonné qui reste dans l’antichambre en tenant le paletot de monsieur… C’est magnifique !… Dis donc, ma bonne amie, tu aurais peut-être le temps d’aller acheter le vase ?…

On entend sonner au dehors.

MADAME CARBONEL

Chut ! on sonne.

CARBONEL

Déjà ! il n’est que midi !

MADAME CARBONEL

Une visite !… je cours mettre mon bonnet.

CARBONEL

Et moi, mon habit…

MADAME CARBONEL

Berthe, tu vas recevoir… nous revenons…

BERTHE

Oui, maman.

CARBONEL

Si c’est un monsieur… jeune ! tu lui diras : « Pardon, quelques ordres à donner… » et tu viendras nous rejoindre.

BERTHE

Oui, papa !

M. et madame Carbonel entrent à droite.

Scène II

Berthe, Duplan père.

BERTHE

Qui est-ce qui peut venir si tôt ?…

DUPLAN,au fond, à la cantonade.

On ne m’annonce pas, moi… je suis un ami… sans cérémonie…

BERTHE

Tiens, c’est monsieur Duplan.

DUPLAN

Moi-même… j’arrive de Courbevoie. Posant sur le coffre à bois un petit panier qu’il tient à la main. Permettez que je dépose ceci, c’est fragile.

BERTHE

Ah bien, vous avez joliment fait peur à papa et à maman… ils ont cru que c’était quelqu’un.

DUPLAN

Vraiment ! Et où sont-ils, ces chers amis ?

BERTHE

Quand papa a entendu sonner… il est allé mettre son habit noir.

DUPLAN,

Comment ! Carbonel fait des façons pour moi ?

BERTHE

Ce n’est pas pour vous, ah bien, oui ! Mais c’est aujourd’hui mercredi et maintenant, tous les mercredis, papa mettra son habit noir.

DUPLAN

Ah ! tous les mercredis !… pourquoi ?…

BERTHE

Vous n’avez donc pas reçu la carte de maman ?

DUPLAN

Non…

BERTHE

Au fait, je crois qu’on n’en a pas envoyé aux personnes qui habitent la campagne.

DUPLAN

Je suis venu pour parler à Carbonel d’une affaire importante… qui vous concerne un peu…

BERTHE

Moi ?

DUPLAN

Voyons, quel âge avez-vous ?…

BERTHE

J’aurai vingt ans dans un mois… Pourquoi ?…

DUPLAN

Parfait !… et… entre nous… est-ce qu’il n’est question de rien ?…

BERTHE

De quoi voulez-vous qu’il soit question ?

DUPLAN

Dame !… une demoiselle qui va avoir vingt ans… dans un mois…

BERTHE,qui a baissé les yeux.

Pardon… quelques ordres à donner…

Elle entre à droite.

Scène III

Duplan, puis M. et madame Carbonel, puis Joséphine.

DUPLAN,seul.

Il n’est question de rien… j’arrive à temps. Apercevant Carbonel et sa femme qui entrent. Ah ! Carbonel… Madame…

MADAME CARBONEL,saluant.

Monsieur Duplan…

CARBONEL

Que le bon Dieu vous bénisse !… vous nous avez fait peur !… Nous avons cru que c’était quelqu’un.

DUPLAN

On me l’a déjà dit…

CARBONEL,mettant sa cravate devant la glace.

Vous permettez que j’achève ma toilette ?

DUPLAN

Faites donc !… entre nous. Allant prendre son petit panier. La belle madame Carbonel voudra-t-elle me faire l’amitié d’accepter… ?

MADAME CARBONEL

Qu’est-ce que c’est que ça ?

DUPLAN

Des œufs frais… de mes poules.

MADAME CARBONEL

Ah ! que c’est aimable !

CARBONEL

Diable de Duplan ! toujours galant.

DUPLAN

Je garantis la fraîcheur… la date est écrite au crayon sur chaque œuf… Chez moi, dès qu’un œuf paraît, je le guette et je le date… En voici trois du 18… deux du 19… mes poules se sont un peu ralenties le 19… mais elles ont repris le 20… en voilà cinq du 20… bonne journée !

MADAME CARBONEL

Que de remerciments ! Appelant. Joséphine !

JOSÉPHINE,paraissant au fond.

Madame !

MADAME CARBONEL

Mettez ces œufs au frais…

DUPLAN

Dans un endroit bien sec… Je vous redemanderai le panier.

Joséphine sort.

CARBONEL

Et vous habitez toujours Courbevoie, papa Duplan ?

DUPLAN

Mon Dieu, oui ! le paysage est joli… je m’y plais… voilà quarante ans que j’y suis… C’est là que j’ai fait ma fortune, comme notaire… six mille francs de rente.

MADAME CARBONEL

Ah bah ! pas plus ?…

DUPLAN

Il y a très peu de mutations à Courbevoie, et encore moins de contrats de mariage… la garnison n’épouse pas… ce qui, du reste, n’empêche pas la population d’augmenter tous les ans.

CARBONEL

Enfin, vous avez là vos petites habitudes, votre maison, vos poules, votre jardin.

DUPLAN

Et ma collection de rosiers… la plus belle des environs, j’en ai trois cent vingt-sept espèces…

MADAME CARBONEL

Il y a tant de rosiers que ça !…

DUPLAN

Et je n’ai pas tout !… il me manque la chromatella, la centifolia cristata.

CARBONEL,indifférent.

Oh ! quel dommage !

DUPLAN

Mais je me les donnerai au jour de l’an… c’est mon seul luxe… je passe ma vie dans ma serre. Apercevant la fenêtre ouverte. Est-ce que c’est exprès que vous laissez votre fenêtre ouverte ?

CARBONEL

Oui ; sans cela la cheminée fume. Allant former la fenêtre. Vous allez voir… ça va fumer.

DUPLAN

Pourquoi ne faites-vous pas comme moi ? j’avais à Courbevoie une cheminée qui fumait… j’ai fait poser un petit appareil très ingénieux.

MADAME CARBONEL

Quoi donc ?…

Elle lui fait signe de s’asseoir et s’assied elle-même.

DUPLAN,s’asseyant sur le canapé.

C’est en tôle… ou en zinc… je ne sais pas au juste… ça se place au-dessus de la cheminée… et ça tourne avec le vent… comme un petit moulin… C’est très gentil… je passe des heures à regarder ça… avec ma bonne… Seulement, quand le vent est trop fort, ça dégringole… mais on le repose. Je vous donnerai l’adresse du fabricant… ça coûte vingt-sept francs.

CARBONEL,s’asseyant près de lui.

Ce n’est pas cher… mais vous comprenez… quand on n’est pas chez soi.

MADAME CARBONEL,assise de l’autre côté de la cheminée.

Nous n’avons pas envie de reconstruire la maison du propriétaire.

CARBONEL

Mais on ne vous voit presque plus, papa Duplan !

DUPLAN

Que voulez-vous ! je ne viens plus à Paris que tous les six mois, pour toucher mes obligations… Ah ! ce n’est pas comme autrefois… je ne mettais pas le pied dans la capitale, sans aller prendre ma demi-tasse dans votre établissement… au café Carbonel.

CARBONEL

Ce cher Duplan… À part. Il a toujours la rage de me parler de mon café !

DUPLAN

Je commençais par m’approcher du comptoir, pour rendre mes hommages à la belle madame Carbonel… comme nous vous appelions alors…

MADAME CARBONEL,flattée.

Vraiment !…

DUPLAN

Vous étiez majestueuse… en manches courtes… trônant au milieu de tous vos petits tas de sucre.

CARBONEL

C’est bien… il est inutile de rappeler…

DUPLAN

Ah ! je ne vous le cache pas… j’ai un peu soupiré pour ous… Du reste, nous soupirions tous… les habitués !…

MADAME CARBONEL

Taisez-vous, mauvais plaisant !

DUPLAN

Et papa Carbonel le savait bien !

CARBONEL

Moi ?

DUPLAN

Car, à partir du jour où il s’en est aperçu, ses demi-tasses n’avaient plus que trois morceaux de sucre au lieu de quatre.

CARBONEL

Ah ! quelle idée… ce n’est pas cela… Mais, si je n’avais pas eu un peu d’ordre, je ne serais jamais parvenu à me retirer avec trente mille livres de rente…

DUPLAN

Trente mille livres de rente… c’est joli !… surtout quand on n’a qu’une fille… qui est déjà une grande demoiselle.

MADAME CARBONEL

Vingt ans… ça ne nous rajeunit pas…

DUPLAN

Ça nous pousse… c’est ce que je me disais hier en regardant Maurice.

M. et MADAME CARBONEL

Maurice ?…

DUPLAN

Mon fils…

MADAME CARBONEL

Au fait, c’est vrai, vous avez un fils… vous l’avez amené une fois au café avec vous.

DUPLAN

Il avait huit ans… je lui ai fait prendre un canard dans mon café, À Carbonel. Un de vos trois morceaux… À madame Carbonel. Vous l’avez fait entrer dans le comptoir et vous avez daigné l’embrasser… vous-même.

M. CARBONEL

Je m’en souviens parfaitement… et qu’est-il devenu ? qu’est-ce qu’il fait ?

DUPLAN

Il fait ses dents de vingt-sept ans… c’est un grand monsieur aujourd’hui… beau garçon, distingué, instruit, qui a voyagé… c’est ce qui fait que je songe à le marier.

CARBONEL

Ah !

DUPLAN

Et, ce matin, en voyant votre fille… il m’est venu une idée…

MADAME CARBONEL,à part.

Ah ! mon Dieu ! une demande en mariage.

DUPLAN

Vous ne devinez pas ?

CARBONEL,se levant.

Non ! À part. Un père de six mille francs de rente ne me va pas.

DUPLAN,se levant.

Carbonel, j’irai droit au but.

CARBONEL,détournant.

Tiens ! voilà la cheminée qui fume… la fenêtre est fermée… elle fume !

DUPLAN

Ça ne me fait rien… Carbonel, j’irai droit au but.

JOSÉPHINE,paraissant au fond et annonçant.

Monsieur, madame et mademoiselle Pérugin.

CARBONEL,à part.

Il était temps !

DUPLAN,à part.

Que le diable les emporte !…

Scène IV

Les mêmes, M. et madame Pérugin, Lucie.

MADAME CARBONEL,allant au-devant de madame Pérugin.

Ah ! que vous êtes aimable, chère belle !… Embrassant Lucie. Bonjour, mon enfant !

PÉRUGIN,saluant.

Madame…

MADAME CARBONEL

Asseyez-vous donc… Carbonel, une bûche… Joséphine, un tabouret.

Carbonel met une bûche dans la cheminée ; Joséphine place un tabouret sous les pieds de madame Pérugin et sort.

DUPLAN,à part, s’asseyant à droite.

J’attendrai qu’ils soient partis.

LUCIE

Est-ce que Berthe est sortie ?

MADAME CARBONEL

Non, elle doit être de l’autre côté, à son piano.

LUCIE

Je vais la retrouver… j’ai justement apporté un morceau délicieux… la Rêverie de Rosellenn… nous allons le déchiffrer ensemble !

MADAME PÉRUGIN

Va, mon enfant.

Scène V

Les mêmes, hors Lucie.

MADAME PÉRUGIN,assise sur le canapé.

Voyons, avez-vous déjà reçu beaucoup de visites pour votre jour d’inauguration ?

CARBONEL,derrière le canapé.

Vous êtes les premiers… nous n’avons vu absolument personne, indiquant Duplan, qui est assis à l’écart. que mon sieur… Le présentant. M. Duplan de Courbevoie.

Il s’assied près de sa femme, tournant le dos à Duplan.

DUPLAN,s’inclinant.

Madame… monsieur…

MADAME PÉRUGIN,bas à madame Carbonel, qui s’est assise sur le canapé.